The Dirt – Confessions of the World’s Most Notorious Rock Band

En 2001 sort le livre The Dirt, écrit par les quatre membres de Mötley Crüe et avec la participation des principaux acteurs et témoins de l’histoire hors normes du groupe depuis son avènement en 1981. Le projet de film, après être passé dans les mains de Paramount et resté en suspens plusieurs années, a finalement été concrétisé quand Netflix s’en est saisi et c’est Jeff Tremaine, l’auteur de Jackass qui prend la direction du film, aidé par les quatre membres du groupe.


Quand le film s’ouvre sur la fameuse scène de sexe entre Tommy et sa copine Bullwinkle, véritable exploit sportif féminin acclamé par les personnes présentes, le ton est donné : le film raconte sans concession, l’histoire vraie la plus insensée, celle des quatre membres du groupe de glam metal Mötley Crüe : le bassiste Nikki Sixx, le batteur Tommy Lee, le guitariste Mick Mars et le chanteur Vince Neil.

C’est l’acteur britannique Douglas Booth qui incarne Nikki Sixx dans toute sa complexité. Le film met en évidence la personnalité centrale de celui qui a écrit et composé la quasi-totalité des albums du groupe et dans le même temps, son histoire est relatée avec une grande psychologie : de la petite enfance, balloté entre les repères défaillants, sans référent identitaire, le premier acte fondateur de sa personnalité à la fois forte et fragile sera de se donner lui-même un nom.

Le rappeur et batteur Machine Gun Kelly et Tommy Lee s’étaient déjà croisés auparavant. MGK se met d’emblée dans la peau du batteur au point de devenir complètement méconnaissable et sa performance est bluffante. Le contexte familial de la famille Lee, déracinée mais aimante, est dépeint avec pudeur et confère une grande empathie envers ce chiot tout fou qui se pointe avec cinq heures de retard mais que tout le monde aime. Tommy tape fort, le cœur d’artichaut est sans filtre et va droit au but.

Le rôle de l’Outsider Mick Mars est tenu par Iwan Rheon, qui joue Ramsey Snow dans Game of Thrones. C’est Mick Mars qui apporte son nom au groupe qu’il qualifie de bande bigarrée et hétéroclite. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’acteur correspond en tous points à cette définition. De son entrée hilarante dans le groupe, à sa personnalité brutale et sombre, il donne ici quelques clés pour mieux comprendre le guitariste secret qu’est Mick Mars.

On attend avec impatience de découvrir qui va s’atteler à la lourde tâche de jouer le rôle de Vince Neil, et quand Daniel Webber (The Punisher) entre en scène, l’adhésion n’est pas immédiate. Malgré la ressemblance et moulé dans son pantalon de satin blanc, Vince a du mal, à l’écran comme dans la vie, à trouver sa place entre les deux stars charismatiques, Nikki et Tommy. Mais quand Vince, lors de leur premier concert au Starwood, se jette dans le public et déclenche une bagarre générale, il met tout le monde d’accord. Mötley Crüe est né et va vous faire vivre l’histoire hors normes du groupe de rock le plus déjanté.

Le livre foisonne d’histoires et d’anecdotes, toutes plus folles les unes que les autres et dans ce contexte, le travail scénaristique est ici exceptionnel. Le choix des scènes est intelligent, toujours à propos, chacune d’entre-elles apportant un sens, une compréhension qui donne un film cohérent, structuré et complet, ce qui est un exploit. On notera néanmoins un parti-pris humoristique, et artistique, ce film n’est pas à ranger dans la catégorie des œuvres dramatiques, même si la réalité fut souvent noire et désastreuse.

La genèse du groupe est restituée fidèlement et c’est bien là la clé de l’histoire car, si chacun des musiciens est déjà à lui seul un phénomène, la réunion des quatre, elle, est explosive et extraordinaire et ce rouleau compresseur emporte tout sur son passage : les filles et les flics, la came et les fans, les producteurs et les dealers, les stars en devenir, de David Lee Roth à Blackie Lawless et beaucoup d’artistes devenus célèbres, qui gravitent aux alentours de la maison Mötley. Les rois de Los Angeles cohabitent avec les cafards mais roulent en Cadillac.

Un groupe qui remplit les salles alors même qu’il n’est pas encore signé, ça laisse rêveur. Les étapes très artisanales des premières autoproductions poussées par le jeune Tom Zutraut sur le coin d'une table au Rainbow, jusqu’à l’arrivée de Doc McGhee sont très bien décrites : dans ce bordel généralisé proche de la déchéance, quelque chose de professionnel et de solide se construit sans en faire état : rien n’est anticipé, intellectualisé, tout est immédiateté et énergie.

Après avoir été le manager de Bon Jovi, Skid Row, Scorpions et Kiss, Doc McGhee pensait avoir tout vu et quand il dit de Mötley Crüe : "Ceux sont des sauvages qui ont de l’argent, qui n’en ont rien à faire des autres, y compris entre eux", il décrit parfaitement l’état des professionnels et entourage embarqués dans ce tourbillon hors de contrôle. Son regard de désarroi, spectateur des délires de Ozzy Osbourne est à la fois comique et pathétique. C’est Tony Cavalero qui joue la scène culte de la piscine, où Ozzy fait une apparition à la fois cocasse et thrash, portant une robe et repoussant les limites de la dépravation cocaïnée en renvoyant les membres du groupe, estomaqués, au bac à sable. Ozzy a-t-il contribué à désinhiber les pulsions du groupe ? Sans doute pas, l’époque et par-dessus tout la drogue est la maîtresse du jeu, contre quoi s’insurge Nikki : "On n’était pas des junkies, écrit-il, juste des consommateurs réguliers" !

Et quand la drogue s’arrête, plus de jeu, plus de rites sataniques, plus de cohésion du groupe. Le terrible accident de Vince est glaçant, une douche froide aussi pour le spectateur qui jusque-là buvait du petit lait, car oui, soyons honnêtes, on s’éclate totalement à regarder le film de tous les superlatifs avec toutefois cette petite voix intérieure : "eh bien tout ça ne serait plus possible aujourd’hui". C’est sûr, jeter une télé sur la Mercedes garée en bas ou mettre le feu à la chambre d’hôtel serait maintenant un amusement de courte durée.

Et cependant, le film est beaucoup plus édulcoré que le livre sur les frasques multiples du groupe en tournée. Mais quand Vince parvient à s’extraire de ses démêlés judiciaires, la tournée au Japon révèle une scission. Vince devient sobre pendant que Nikki sombre dans l'héroïne et fait une overdose (qui lui inspirera "Kickstart my Heart"), Tommy se marie avec Heather Locklear alors que Mick devient peu à peu prisonnier de son corps et de sa douleur. Tous les traits sont exacerbés, et l’on est spectateur du destin en roue libre de ces êtres à la fois égocentriques et touchants. Le moment le plus difficile est le décès de la fille de Vince qui ne trouve aucun réconfort dans le groupe et finit même par être évincé pour être remplacé par John Corabi, évoqué furtivement dans le film.

Le film prend fin avec le retour de Vince quand Nikki, dans un ultime sursaut, décide de rassembler la seule famille qu'il aie jamais eue. Après la sortie du livre, un dernier album sortira en 2008 Saints of Los Angeles, évoquant l'histoire du groupe. Mötley Crüe a donné son dernier concert en 2015 lors du Final Tour et s'est engagé par contrat à ne plus tourner en tant que groupe.

On aurait aimé voir la scène ou Nikki et Tommy s’accrochent au train, ainsi que le remake de la scène d’avion dans Almoust Famous et peut-être eut-il été intéressant de rendre compte des aspects plus sombres et controversés associés au groupe mais c'eût été un autre film. Au lieu de cela, on ressort de la projection avec un sentiment de légèreté, ayant pris un cocktail hilarant, à la fois addictif et repoussant, face à ce défoulement libératoire, véritable remède à la frustration.

La bande son du film comporte quatorze des principaux titres du groupe auxquels s’ajoute quatre nouveaux morceaux.

Tracklist:
1. The Dirt (Est. 1981)  New 
2. Red Hot
3. On with the Show
4. Live Wire
5. Merry-Go-Round
6. Take Me to the Top
7. Piece of Your Action
8. Shout at the Devil
9. Looks That Kill
10. Too Young to Fall in Love
11. Home Sweet Home
12. Girls, Girls, Girls
13. Same Ol' Situation
14. Kickstart My Heart
15. Dr. Feelgood
16. Ride with the Devil  New
17. Crash and Burn  New
18. Like a Virgin (Madonna cover)  New

Sortie de The Dirt le 22 mars 2019 sur Netflix.

 

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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