Entretien avec François Lescuyer de Lone Survivors


Le projet francilien Lone Survivors, c'est cinq artistes issus d'horizons musicaux variés, un talent indéniable, mais c'est également – et peut-être avant tout - un concept, une vision et un univers très singulier, futuriste et conceptuel. La formation, qui donne dans le metalcore progressif, présente le 22 novembre son premier album, le puissant et très convaincant Ground Zero. La Grosse Radio a pu s'entretenir avec François Lescuyer, membre fondateur, guitariste et producteur de Lone Survivors. 

La Grosse Radio : Salut François, merci de nous accorder cette interview. Le projet Lone Survivors sort son premier album, Ground Zero, ce 22 novembre. On va d'abord se demander comment définir votre son, votre style musical. Du metalcore avec un côté progressif, du djent, le tout ancré dans un univers futuriste... Que penses-tu de cette description ?

François Lescuyer : C'est ça, mais ça n'est jamais facile de se mettre dans une case. On a essayé de faire un truc qui n'avait pas été déjà fait, ni trop simple dans l'expression. Le son de Lone Survivors est effectivement enraciné dans le metalcore, dans le prog. Il y a des touches de djent, mais vraiment en épices, sans être trop mis en avant, et d'autres styles aussi (on n'est pas loin du math rock, par exemple). En tout cas, le but c'est l'aspect science-fiction avec un son moderne, asymétrique, et pour ça, le meilleur adjectif qu'on peut trouver c'est progressif. C'est ce qui nous semble le mieux pour définir le style.

On sent bien que vos influences sont multiples, et vous jouez même avec les contrastes, puisqu'il y a de la modernité, du futurisme dans Ground Zero, mais également des aspects plutôt heavy ou rétro, le tout créant un mélange très sympathique...

Oui, c'est exactement ça. Il y a quelque chose que tu as bien noté, c'est le rétro futurisme. On est des grands nostalgiques des époques qui nous ont fait grandir, et donc il y a cette grosse base retro qu'on entend dans notre son, et par-dessus des éléments modernes. Du rétro futur, donc. 

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Peux-tu nous présenter les Lone Survivors, et peut-être nous dire comment vous en êtes venus à vous lancer dans cette aventure ou ce projet très particulier ?

Alors c'est moi qui suis à l'initiative de la genèse du projet. Je faisais partie d'un big band hip-hop-électro que j'avais monté, on tournait un peu sur Paris à l'époque, mais quand ça s'est fini, j'ai eu envie de retourner aux sources et donc de faire du metal, ce qui m'éclatait quand j'étais gamin. J'ai tout simplement posté une annonce sur un site de mise en relation de musiciens, et le premier à m'avoir répondu c'est le tout premier batteur de Lone Survivors (parce qu'on a changé de batteur entre-temps), un Australien qui jouait à l'époque avec Olivier (Crescence) dans le groupe Clownage. On a organisé une première rencontre, en backstage après un concert à la Java à Paris, et on était super motivés, donc on a pu commencer à bosser tous les trois, ça faisait donc une basse, une batterie et moi à la guitare. Olivier m'a dit qu'il avait un super pote, guitariste de folie, qui faisait du metal. Samuel (Smith) a été chaud tout de suite, donc c'était génial. 

Tous les quatre, on a commencé à composer dans un local en location au mois, vers gare de Lyon, qu'on avait réussi à choper grâce à d'anciens contacts dans le milieu. On n'arrivait à rien de vraiment constructif, parce qu'on est vite tombé dans l'erreur de composer tous ensemble, en groupe, sans avoir défini une direction artistique précise, un chemin qui soit intéressant à exploiter. Et puis, on s'est fait virer du local parce qu'on faisait trop de bruit ! [Rires] Ouais, on était équipés comme des monstres et on bourrinait comme des porcs, c'était des répètes au whisky, enfin tu imagines... donc on a dû arrêter, mais finalement on a trouvé une bonne façon d'évoluer parce qu'on a dû se retrouver en comité restreint, avec juste Samuel (guitare) et Olivier (basse) qui ont commencé à composer tous les deux, en home studio. Ça a permis de dégager quelque chose de plus propre. Nous, on a trouvé que le son qu'ils avaient sorti était vraiment cool, donc on leur a dit : « Partez devant, et nous on vous suit ». Voilà, ça s'est fait comme ça. Ils sont partis sur la compo pendant deux ans pour l'album Ground Zero.

Deux ans, ça fait un long processus quand même !

Oui, super long, c'est vrai. Olivier et Sam ont assez vite trouvé le « chemin », mais après on a eu différentes étapes avant de tomber sur le morceau-étalon, qui était "Ground Zero". Quand on a sorti "Ground Zero" en pré-prod, on s'est dit : « OK, tous les autres morceaux doivent être au moins de ce niveau, sinon on ne les garde pas ». On avait donc posé des bases assez sérieuses de travail, et après ça a été un boulot de dingue pour eux deux, et aussi pour nous ! Nous, on nous balançait des bouts de morceaux en nous disant « Allez les gars, à la prochaine résidence, on bosse ces morceaux-là, et à ce niveau-là ». Il a fallu être pugnace !

C'est intéressant que tu parles du morceau "Ground Zero", j'ai eu le sentiment en l'écoutant qu'il était vraiment très représentatif de votre son, sans être vraiment identique aux autres.

Oui, et d'ailleurs c'est le prochain morceau que l'on compte sortir en single et clip. On est en train de réfléchir dessus en ce moment.

Et le chanteur, Matthieu Romarin, il n'est arrivé qu'après ?

Oui, alors le premier batteur a dû partir, pour sa vie de famille et parce que le projet prenait beaucoup de temps. Sam a réussi à choper Jé (Jeremy Piau) , ils avaient fréquenté la même école de musique. Jeremy étant un fervent metalhead, il était chaud pour venir bosser avec nous. Pour le chant, on a réussi à avoir Matthieu Romarin , d'Uneven Structures, et ça a été vraiment chaud parce qu'il nous a rejoints à peine deux mois avant l'enregistrement ! C'était vraiment limite... On avait même prévu de faire un enregistrement juste en instrumental, parce qu'on n'avait pas trouvé de chanteur qui nous plaisait. On se disait qu'on rajouterait le chant plus tard, enfin tout ça pour dire que c'est super bien tombé, au bon moment !
 

Ce qui est frappant avec Lone Survivors d'ailleurs, c'est que votre album reflète une expérience et une maturité étonnante pour des débutants ! La production de Ground Zero est superbe, le rendu très soigné. Vous avez travaillé en post prod avec Fred Duquesne (Mass Hysteria) et Magnus Lindberg (Aqme, Tagada Jones)... qu'ont apporté ces deux collaborateurs au son de Lone Survivors ?

La pré-prod de Sam et Olivier était déjà très propre, ça sonnait vraiment très bien, c'est d'ailleurs ce qu nous ont dit pas mal de nos potes qui bossent dans le milieu. Le son était déjà bien défini. Fred Duquesne était une connaissance d'Olivier, ils avaient déjà joué ensemble en Océanie par le passé. Pendant le mix, j'ai vu comment Fred bossait : il s'est penché sur le projet à fond pendant un mois, après avoir préparé ça pendant plusieurs mois auparavant. Il nous faisait écouter la piste sortie de la pré-production, puis il appuyait sur un bouton qui mettait d'un coup tous les plugs qu'il avait rajoutés, et c'était impressionnant : il a vraiment mis un level en plus sur le son global. Ensuite, c'est lui qui nous a parlé de Magnus. Avec Magnus, tout s'est fait de façon très pro, avec des retours précis. Tous les deux sont de très bons musiciens, donc ça aide vraiment d'avoir ces oreilles-là, ils vont directement là où il le faut. Et ils ont aussi une rapidité d'éxécution, car ils font ça depuis vingt ans. Magnus a vite trouvé le master, qui a encore une fois gonflé le son, ce qui est une chose vraiment rare.

C'est vrai qu'on ne sent pas du tout la prod hésitante qui peut être une caractéristique des premiers albums parfois. Votre son est énorme et massif dès le départ.

Carrément ! Ça fait partie des choses qu'on s'était dites avec Olivier, parce que moi, j'ai 35 ans, Olivier est plus vieux que moi, c'est un vieux croûton [Rires] et on s'était dit qu'on avait commencé la musique depuis au moins quinze ans, à faire des groupes et des projets. À un moment, il faut qu'il y ait un truc qui sorte et qu'on en soit fiers. On ne se voyait pas repasser par plein de projets différents avant d'arriver à un truc bien finalisé. En gros, on voulait taper fort dès la première fois, et là on est satisfaits de ça. Lone Survivors, c'est un jeune groupe dans le sens où c'est un groupe tout neuf, mais ce groupe est composé de différents musiciens qui ont déjà pas mal d'expérience. On a tous fait des tournées dans le monde, on a tous fait de belles scènes, donc on n'est pas vraiment un « jeune » groupe, tu vois ?

Je suppose qu'en plus, le fait d'avoir eu des parcours dans des environnements musicaux très variés, comme le jazz, la funk, l'électro, le metal, ça a pu être un atout pour vous ?

Oui, ça nous a permis par exemple la compréhension du groove. Comprendre comment faire sonner tel ou tel style, c'est juste une façon de se positionner ou des intentions qui changent, mais au moins tu sais communiquer, tu sais parler. Pour pouvoir faire sonner un truc massif comme cet album, on a vite compris les codes qui permettaient de faire ça.

La pochette, les paroles, tout est très visuel, avec une ambiance post apocalyptique et l'espace très présent. Comment décrirais-tu le message ou la philosophie derrière le concept de Ground Zero, et quelle vision de l'homme mettez-vous en avant ?

Alors oui, il y a ce côté post-apocalyptique, et l'idée de base que l'humanité est forcée de partir de la Terre, mais là-dedans on propose une vision optimiste du transhumanisme. On n'est pas sur quelque chose de trop négatif. Cet optimisme, c'est ce qui permet à l'humanité de se survivre, même si on n'est plus du tout dans le cadre de l'Eden dans lequel on a poussé. On n'est plus dans une relation simple avec la nature qu'on avait initialement, on a besoin d'un autre « nous » pour pouvoir survivre, et c'est ce concept de transhumanisme. Dans le livret de l'album, par exemple, on voit les Lone Survivors qui sont en contact avec la faune extraterrestre, et là dedans on a essayé de mettre en place une attitude humaine d'humilité et de respect. En fait, ils ne se positionnent pas en conquérants. Le but est de montrer que l'homme apprend de ses erreurs, de son histoire, et ne veut pas reproduire son côté destructeur et conquérant, d'où cette idée d'optimisme dans le transhumanisme.

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Est-ce que vous envisagez d'amener ce côté conceptuel très visuel à votre scénographie pour vos futurs concerts, par exemple ?

Tout à fait, oui. On se veut modernes sur le son, sur notre composition, et le côté visuel c'est dans la lignée de ça. C'est moi qui produit le groupe, et personnellement, je ne conçois plus du tout la musique uniquement comme du son. Pour moi, le groupe est un projet audiovisuel et artistique, qui se décline sur du texte, du son, et sur le visuel, qui est hyper important pour nous. J'aimerais pouvoir mettre en place de la Vjing, c'est-à-dire de la retroprojection video en live, on est d'ailleurs en train de bosser là-dessus. La projection video, j'ai envie de faire ça de façon moderne, pas trop classique ni de trucs déjà vus, avec juste un carré en fond de scène, tu vois. Il y a des trucs plus sympa, plus poussés à faire, je pense. On veut mettre ça aussi en scène au niveau des tenues qu'on a, et du spectacle. Le but du jeu, c'est de monter un spectacle complet. Du coup ça sera plus sympa aussi à jouer, plutôt que de juste reproduire l'album tel quel. Le son qu'on a ne laisse pas beaucoup de place à l'impro, ça ne permet pas de partir à droite ou à gauche comme on le sent, mais entre ça, on peut aussi mettre des choses en plus. Et puis le dernier truc visuel qu'on veut mettre en place, c'est des clips. On en a deux qui sont sortis, mais je pense que sur les dix morceaux de Ground Zero, il y en a au moins quatre qui méritent d'être clipés de façon un peu élaborée. En plus on a la chance d'avoir parmi nos potes des réalisateurs talentueux, alors de belles choses devraient voir le jour par la suite.

Justement, arrêtons-nous sur le dernier clip sorti, "Paul the Saint". Vous parlez des saints, de la religion, on voit une forêt et Notre-Dame en feu dans la video... explique nous tout ça !

Pour nous, c'est un peu la résultante de la bêtise humaine, les arbres en feu. C'est quand même quelque chose d'assez actuel. Moi qui suis très sensible à la nature, j'ai été très choqué par ce qui s'est passé dans le monde ces derniers mois. Au sein des Lone Survivors, on a tous une façon spirituelle de voir la vie, de voir la musique, et ça nous a beaucoup choqués, Notre Dame, comme un témoignage du manque d'humilité humain. Saint Paul, en fait, a été brûlé, la tête à l'envers, par l'Eglise, parce qu'il adorait les images saintes. Il prônait le fait qu'on puisse adorer les images saintes. Ça part de cette idée que la religion qui veut paraître blanche et sainte, est capable de choses qui l'apparentent au diable, à des choses très moches. Ça, on l'a mis en images avec la croix à l'envers, c'est vraiment comme un pied de nez à la religion, comme si on disait : « Voilà ce que vous avez fait ! ». Suite à ça, le feu, enfin les petits morceaux en feu, qu'on appelle des lucioles, se propagent dans l'air, puis aux arbres, aux bâtiments, et à tout le reste. 

Pour terminer, qu'en est-il de vos projets pour la scène ? Votre album sort aujourd'hui (le 22 novembre), peut-on espérer vous voir rapidement le défendre en live ?

On aimerait pouvoir se produire ailleurs qu'en France métropolitaine sur le début. D'une part, c'est chouette de vivre la musique par le voyage, je trouve ça très enrichissant, et d'autre part parce qu'en France c'est pas évident, soyons honnêtes : le marché du metal est quand même saturé, avec de grosses pointures qui sont là depuis longtemps et occupent une grosse partie de la scène. Nous, on va essayer de se présenter ailleurs. On a des touches en Océanie. Deux des musiciens de Lone Survivors sont de l'île de La Réunion, et donc à l'occasion du IOMMA (un salon de la musique à la Réunion) on a rencontré des promoteurs et des gens hyper chauds pour nous faire jouer chez eux. Ça serait plus en Inde et à La Réunion pour commencer. On est en discussion aussi pour faire des festivals metal importants en Angleterre, comme l'Euroblast. Voilà, c'est pour l'instant le pari qu'on a fait.

Peut-être en Métropole dans pas si longtemps, alors ! Merci d'avoir répondu à nos questions. 

Merci à toi. 

Ground Zero, premier album de Lone Survivors, est disponible sur le bandcamp du groupe

Interview réalisée par téléphone le 17 novembre 2019. 

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