Deathwhite – Grave Image

S'il fallait décrire le groupe Deathwhite en un mot, ce serait "surprenant". Première surprise, le combo tout droit venu de Pennsylvanie aux Etats-Unis propose un doom metal sombre et mélancolique, souvent associé au Nord de l'Europe. Seconde surprise, et non des moindres, le chant clair est omniprésent dans leurs compositions. Et enfin, chose qui peut sembler incroyable dans notre époque moderne de sur-information permanente, tous les membres du groupe ont réussi à préserver complèment leur anonymat depuis six ans déjà. Le second album de l'énigmatique combo Deathwhite, Grave Image, vient de paraître chez Season of Mist, et nous emmène dans des paysages froids et mornes d'un monde de désillusion. 

 

C'est une écoute particulière qui se profile pour l'album Grave Image. Sans pouvoir mettre un visage ou un nom sur les musiciens ou les compositeurs, l'auditeur n'a d'autre choix que de se laisser porter par les compositions en s'immergeant dans un univers – et quel univers !

L'artwork morose et funèbre de la pochette du disque, créée par un talentueux illustrateur français, Jérôme Comentale,  représente bien l'atmosphère dark, gothique et mystérieuse que Deathwhite met en place dans chaque morceau. Il ne s'agit pas uniquement d'un choix esthétique mais d'une identité profonde, un soin particulier que les musiciens sans visages semblent avoir pris pour élaborer un disque singulier, cohérent et puissant.

Le mystérieux groupe était au départ voué à rester un projet studio uniquement, mais Deathwhite a fini par se produire en live aux Etats Unis il y a un an, en aparaissant sous forme d'un fantomatique quartette masqué.

Deathwhite, Grave Image, deuxième album, dark metal, doom metal, 2020

Grave Image est une invitation au voyage mais un voyage de type quasi métaphysique. L'idée, très existentialiste, avec la mort en filigrane, de l'impossibilité du salut de l'humanité plane sur tous les morceaux. Il règne une atmosphère éthérée qui n'est pas sans rappeler Katatonia, comme dans le single "Further from Salvation", mais sans que cela manque de mordant. La ligne de batterie est très efficace, les guitares lourdes, et les transitions sont fluides et remarquables.

Les esprits d'Anathema ou encore Woods of Ypres rôdent également : le côté doom assez gothique, très mélodique, porté par le timbre mélancolique et l'interprétation profonde du chanteur (que nous appellerons Mr Vocals), ravira les amateurs du genre. Il faut dire que le son est très bien travaillé, avec un soin apporté à l'équilibre de l'ensemble par le producteur Shane Mayer et Dan Swanö (BloodbathEdge of Sanity) au mastering. Les guitares lourdes forment un écrin pour la superposition d'harmonies vocales avec des effets de réverbération atmosphériques, comme dans le titre éponyme.

Katatonia est d'ailleurs une influence revendiquée par Deathwhite, au point de faire un clin d'oeil plus qu'appuyé à l'album Discouraged Ones, opus marquant le tournant dans la carrière des Suédois avec l'avènement du chant clair, sur le titre "Plague of Virtue". Un moment de grâce que ce morceau, au rythme lancinant, presque monastique où le chant, grave et incantatoire est habilement habillé de la présence percutante des riffs de guitare et de basse.

Les tonalités sont solennelles et sombres, notamment grâce au chant clair aérien magnifique de Mr Vocals qui délivre une prestation parfaite, impressionnante, tout en montrant des nuances et des interprétations différentes selon les titres. Il y a de la beauté et de l'intensité dans le refrain  de "Funeral Ground", avec la lamentation "Breathe" presque criée (pour lequel les Américains ont tourné une vidéo … l'occasion de discerner furtivement le visage du vocaliste et de plonger dans l'univers froid et contemplatif de Deathwhite). Tantôt doux, tantôt puissant, le chant clair se révèle solennel et capable d'emmener l'auditeur sur les chemins mélancoliques invoqués par ces romantiques modernes, pessimistes aux idées noires.

Les moments contemplatifs et lents, alternant avec des passages heavy assez lourds sont très bien faits, même si l'effet peut parfois devenir répétitif. On est moins convaincu, ou lassé peut-être, par "Servant" ou "Among Us". Et finalement, c'est dans les titres moins attendus, plus surprenants, que Deathwhite convainc et ressort vraiment. Il y a presque de l'insolence dans "In Eclipse", avec un mordant bien marqué metalcore dans les premières mesures qui nous fait presque attendre le growl, mais bien évidemment celui-ci n'arrive jamais. À la place, Mr Vocals impose sa force d'interprétation quasi mystique par la profondeur de son timbre.

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Les compositions savent se faire variées, et c'est dans les tonalités viriles et old school que deux morceaux se distinguent. Dans "Words of Dead Men", les arpèges doux rappelant presque certaines ballades de Metallica, mènent à un refrain puissant, heavy, grâce aux harmonies de chant masculin et une ligne de batterie redoutable. Un solo à l'ancienne et une touche de new wave dans les passages lents, avec un refrain qui reste facilement en tête, la recette fonctionne à merveille.

C'est enfin et surtout dans l'excellent "No Horizon" que Deathwhite surprend le plus. Le jeu de guitare solide, lourd et impeccable amène, cette fois-ci, de l'agression et de la colère que l'on ressent dans les touches habiles et mesurées de distorsion dans la voix de Mr Vocals, avec même en bonus un scream très discret audible dans le lointain à la fin du morceau. "Enfin", diront certains !

C'est là les limites - ou le gros atout de Grave Image. D'aucuns pourront toujours rester frustrés par le manque de growls, il est toutefois clair que le chanteur sait growler ou hurler, probablement très bien si l'on en juge les quelques indices savamment disséminés ici, mais choisit sciemment de ne pas le faire avec Deathwhite. Un album solide et cohérent, en somme, au son soigné et à l'atmosphère lisible, portée par d'habiles compositions et une voix unique, pour un effet énigmatique et mystérieux assez attirant.

Liste des titres de Grave Image :

1. Funeral Ground (05:05)
2. In Eclipse (04:46)
3. Further from Salvation (04:56)
4. Grave Image (04:50)
5. Among Us (04:11)
6. Words of Dead Men (03:56)
7. No Horizon (05:29)
8. Plague of Virtue (04:14)
9. A Servant (04:43)
10. Return to Silence (06:38)

L'album Grave Image de Deathwhite est déjà disponible via Season of Mist.

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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