Angellore – Rien ne devait mourir

Après quatre ans et demi d'attente, Angellore revient avec le successeur de La litanie des cendres. Les Français qui proposent un doom metal gothique et symphonique avaient déjà mis la barre haut et les attentes sont assez élevées. Rien ne devait mourir, distribué principalement par le label Finisterian Dead End avec qui le groupe a signé en septembre dernier, est un album composé de six morceaux tous plus riches les uns que les autres qui fait ses preuves grâce à une production extrêmement professionnelle et de bonne qualité, réalisée par Florent Krist, qui a déjà travaillé avec le groupe sur les deux précédents albums.

Rien n'a changé au niveau du line-up du groupe mais les nombreux invités apportent une diversité et une authenticité aux éléments symphoniques de l'enregistrement. On retrouve ainsi Cathy (la violoniste professionnelle Catherine Arquez) comme sur les précédents opus, mais également Mathieu au violoncelle, Céline Vernet, Ségolène et Thierry à la flûte, Delfine à la harpe et au chant, et nul autre que Gunnar Ben, claviériste et hauboïste du groupe viking islandais Skálmöld, qui propose des lignes de hautbois. L'artwork a de nouveau été réalisé par Celin.

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De gauche à droite : Rosarius, Walran, Lucia, Celin, Ronnie

 

Angellore nous délivre des morceaux qui sont émotionnellement intenses : on ressent tantôt de la mélancolie, tantôt de la tristesse, mais surtout du romantisme (quoi de mieux pour une sortie un 14 février ?). Cette vague d'émotions est parfaitement amenée dès le début de l'album avec "A Romance of Thorns" dans lequel on entend un choeur, The Funeral Choir, nous chanter le début d'"In Paradisum", un chant liturgique interprété en général à la fin de funérailles pour accompagner le cercueil hors de l'église, vers le cimetière. Ce passage a été enregistré dans l'église Saint-Michel et Saint-Barthélémy  de Puyméras. L'intro portée par le piano et le hautbois de Gunnar Ben plonge l'auditeur dans le morceau le plus long jamais joué par le groupe. Mais aucune longueur ressentie ici, tant les chapitres du morceau sont parfaitement discernables et tous très appréciables. Chaque partie montre une émotion différente du personnage qui ne souhaite pas mourir mais qui est tout de même desespéré de ne pas pouvoir atteindre la fin éternelle, même si sa vie n'a plus aucun sens.

Ainsi, la magnifique voix de Lucia est la première à faire son apparition après de superbes éléments instrumentaux mettant en scène le piano, de Walran, la basse de Celin, la batterie de Ronnie et la guitare de Rosarius, accompagnés par le violoncelle de Mathieu mais aussi les claviers qui créent une atmosphère symphonique permanente. Les riffs de guitare, les rythmes de basse et de batterie sont parfaitement travaillés pour renforcer cette ambiance et les différents chapitres sont bien séparés par des breaks de batterie ou des silences. La succession des chants extrêmes et clairs de Walran et Rosarius ainsi que les passages d'un ryhme lent et atmosphérique à un rythme un peu plus effrené tout au long du titre sont vraiment prenants. L'émotion est intense avec la montée en puissance appuyée par les beats rapides de la batterie et les riffs étouffés de la guitare qui précèdent un duo de choeur masculin et féminin, une accalmie et, soudainement, un chant très mélancolique interprété par Rosarius, à la limite des pleurs. Le chant extrême de Walran fait parfaitement écho à ce passage avec un choeur féminin et à nouveau la présence du hautbois avant de revenir à la délicieuse voix de Lucia. Le morceau se conclut par un magnifique outro interprété au chant et à la harpe celtique par Delfine et accompagné par la flûte de Thierry et des bruits de vents. Notre personnage a-t-il finalement réussi à atteindre les portes du paradis ?

C'est un pari osé qu'a fait Angellore de commencer cet album sur un morceau de vint minutes mais dès lors que l'auditeur s'immerge dans les émotions apportées par les différentes ambiances des passages de ce morceau, il ne voit pas le temps passer et est presque déçu lors de la fin de ce beau moment poétique. Il est d'ailleurs difficile de percevoir la fin d'un morceau et le début du titre suivant tant la transition est fluide et très bien réalisée. Ainsi "Dreams (Along the Trail)" débute avec les mêmes bruits de vent que précédemment. Une guitare acoustique et la flûte de Ségolène composent l'introduction d'un morceau qui a presque une sonorité folk. Tout y est clair et propre, entre des riffs de guitare simples et efficaces, des rythmes de batterie et de basse juste assez présents pour ne pas empiéter sur le reste, un chant extrême clair et concis, mais également un son de guitare au vibrato entraînant.
 

"Drowned Divine" ramène celui qui l'écoute dans une ambiance très mélancolique avec ses riffs lourds de guitare. Le morceau est ici très bien orchestré par rapport à l'histoire qu'il veut raconter : un esprit maléfique des marais qui n'a pour but que de noyer les amoureux qu'il surprend à errer dans son territoire. Le romantisme prend d'ailleurs une part importante avec les mélodies jouées au violon et au piano. Cette chanson s’inspire de l’opéra Lucia Di Lammermoor de Donizetti, lui-même basé sur un roman de Walter Scott, La Fiancée de Lammermoor. On retrouve dans ce morceau la construction d'un opéra avec le rôle des trois personnages, l'esprit du marais, le vagabond et la jeune fille perdue respectivement interprétés par Rosarius au chant extrême (accompagné de Celin), Walran au chant clair plaintif et Lucia. Une fois de plus, le morceau est divisé en plusieurs chapitres qui décrivent l'histoire de plus en plus sordide, la jeune fille (qui pensait que personne ne prêtait attention à elle) étant retrouvée morte par son amant qui comprend que l'esprit du marais est à l'origine de ce dénouement tragique. Le violoncelle apporte une nouvelle fois un aspect mélancolique juste avant la tristesse que l'on ressent lorsque les choeurs entament le dernier chapitre et annoncent que le vagabond rencontre le même destin que sa bien aimée. Mais le dernier refrain laisse penser que les deux amoureux se sont retrouvés dans l'au-delà avec la voix de Walran en duo avec celle de Lucia. L'outro à l'orgue, enregistré dans l'église Saint-Anne de Saint-Romaine-en-Viennois, laisse une dernière touche dramatique à ce morceau.

Rosarius a également écrit plusieurs romans, parmi lesquels Apostasie. Dans ce roman, on retrouve un personnage, Lavinia. C'est cette même Lavinia dont il est question dans le quatrième morceau "Blood For Lavinia" et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'après 40 minutes de musique de plus en plus ténébreuse et intense, on ne s'attend pas forcément à un break de ce style, mais on l'accueille avec plaisir. C'est ici une chanson beaucoup plus gothique et entraînante, et la voix baryton de Rosarius est interprétée à la perfection.  Elle précède "Sur les sentiers de lune", un titre intégralement instrumental qui fait office d'interlude et qui revient à la mélancolie apportée par la mélodie du piano qui reste cependant assez joyeuse, utilisant des accords majeurs principalement.  L'atmosphère symphonique est toujours présente grâce aux claviers et le passage de flûte de Céline Vernet rend l'univers un peu plus épique. Le tout forme un morceau très beau et gracieux, à l'aide duquel on se laisse transporter dans une nostalgie joyeuse. Les choeurs masculins à la fin du morceau sont une confirmation de ce bien-être émotionnel.

L'album se termine par un autre morceau assez long (11 minutes) avec une nouvelle particularité : il est entièrement chanté dans la langue de Molière. La basse y est très présente et très bien construite. Les voix de Rosarius (chant clair), Walran (chant extrême) et de Lucia (chant toujours aussi envoûtant) nous font errer dans une atmosphère mélancolique et romantique appuyée par la présence de violons et les riffs longs et assez lourds de la guitare. Un vibraphone a également été ajouté à la liste des instruments pour y ajouter des sons de tintillements. Ce sont d'ailleurs ces sons que l'auditeur entendra en dernier, juste après la dernière participation du violoncelliste Mathieu dans cet album.

Les membres d'Angellore prouvent encore une fois qu'ils ne sont plus de simples amis s'essayant à un style particulier, mais des musiciens talentueux capables de créer un album qui sort du lot et qui transporte son auditeur dans un univers romantique et mélancolique vraiment agréable. Avec Rien ne devait mourir, les amateurs de doom metal gothique mais aussi symphonique ne devraient pas être déçus, mais c'est également un très bon album pour s'initier à ce style.

Note : 9,5/10

Tracklist :
01. A Romance of Thorns (20:07)
02. Dreams (Along the Trail)  (5:13)
03. Drowned Divine (14:11)
04. Blood for Lavinia (4:40)
05. Sur les sentiers de lune (5:44)
06. Que les lueurs se dispersent (11:15)

Album sorti le 14 février chez Finisterian Dead end

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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