Polyphia au Grand Social – Dublin (07.02.2020)

Le 7 février 2020, le Grand Social de Dublin recevait Polyphia sur son toit, un groupe proéminent de la scène math rock/djent américaine, pour un concert à guichet fermé. Environ cinq cent personnes se sont donc réunies pour venir admirer Tim Henson et sa bande dérouler leurs impressionnantes compositions pendant une petite heure.

Polyphia s’inscrit assurément dans cette caste de groupes à la fois intrigants et inquiétants lorsqu’est évoquée la question du live. Nombreux sont ceux qui, comme Polyphia, tendent à écrire une musique hautement technique et ambitieuse, mais nombreux sont ceux qui échouent à répondre à l’exigence requise par de telles compositions une fois venu le temps de la représentation en concert. Polyphia se distingue encore davantage du reste des groupes de la vague djent et math rock pour son utilisation de sons particulièrement clairs qui, si mal maitrisés, laissent apparaitre le moindre défaut.

Polyphia @ The Grand Social, Dublin

Une question empreinte d’un étrange mélange d’appréhension et de confiance en le groupe s’est donc naturellement immiscée dans le corpus de réflexions qui précédaient le concert. Des riffs aussi alambiqués que ceux de "G.O.A.T." ou "O.D." allaient-ils être exécutés avec la même précision qu’en studio, ou bien ruinés par un manque évident de technique ? Naturellement, l’appréhension s’est rapidement envolée, déforcée par l’admiration sans appel que suscite le talent des musiciens de Polyphia.

Une remise en contexte est importante pour comprendre l’ambiance qui s’est dégagée de ce concert.  Il s’agissait non seulement de la première date de la tournée européenne de Polyphia, mais surtout de la toute première représentation du groupe en Irlande. Cette dernière était si attendue que les Américains ont complètement été pris au dépourvu. L’unique date prévue à Dublin affichait complet en quelques heures seulement et il a fallu en ajouter une supplémentaire la veille sous la pression du public irlandais. Ainsi, l’auditoire présent ce soir là était composé essentiellement de fans incontestables venu célébrer Polyphia avec une admiration qui frisait parfois le fanatisme mais qui, à notre surprise, n’a jamais dérivé vers le malsain.

Polyphia @ The Grand Social, Dublin

L’entrée des membres s’est donc faite dans une atmosphère presque religieuse. Guitare à la main, ils ont traversé la foule en procession jusqu’à atteindre la scène, avant de s’installer en silence sous l’acclamation exaltée du public. Quelques mots ont cependant suffi à désamorcer l’ambiance trop sérieuse aux yeux du groupe : « Ce morceau parle d’un superbe animal, la chèvre !» lance Clay Gober (basse), le sourire aux lèvres. Et devant les cris assourdissants, son compère Tim Henson (guitare) se lance sans accrocs dans le riff d’introduction de "G.O.A.T.".

Que ce soit sur les réseaux sociaux, sur scène ou en interview, les membres de Polyphia se comportent avec une légèreté qui contraste totalement avec leur approche de la musique. Si les compositions se font virtuoses, parfois même absurde de complexité, le ton employé avec le public, lui, est loin d’être aussi sérieux. Comme tout concert, celui de Polyphia était loin d’être exempt de défauts. Mais chaque erreur, chaque problème technique (dont une corde cassée), était aisément dédramatisé et se transforme de facto en une opportunité de faire rire le public. Quelques blagues bien placées telles que le « Jésus Christ à la batterie ! » lancé par Scottie LePage (guitare) après le solo de Clay Aeschliman (batterie) ont eu leur effet dans la salle. Polyphia a ainsi jonglé  habilement entre comique et virtuose, et est parvenu à proposer un moment à la fois intime, jouissif et absurde.

Polyphia @ The Grand Social, Dublin

Vous l’aurez sûrement compris, au-delà de faire rire, Polyphia impressionne. Derrière les personnalités clownesque git un génie musical précieux. Conjuguer autant de groove et de mélodie avec une musique aussi mathématique n’est pas une mince affaire, de nombreux musiciens se sont  d’ailleurs cassés les dents sur une telle entreprise. Polyphia a cependant réussi à briller par un son reconnaissable entre mille ainsi que sa capacité à enchevêtrer des passages techniques et des mélodies hyper accrocheuses. Les compositions recèlent d’idées ingénieuses et de motifs musicaux criant l’arrogance et l’audace, qui suscitaient lors du concert des cris enjoués avec un systématisme presque amusant. Se délecter de l’adoration ostentatoire du public en devenait aussi divertissant que le concert en lui-même.

Les visages des trois premiers rangs arboraient la même expression faciale, un magnifique sourire qui trahissait une appréciation jouissive du moment présent. Grâce à cet enjouement tangible aussi bien sur scène que dans la fosse, une symbiose entre les deux espaces s’est rapidement créé, pour le plaisir de tous. Polyphia est d’ailleurs l’une des seules formations intrumentales à pouvoir se vanter d’embrayer autant de sing-a-long en un seul concert. Les riffs principaux de "Champagne", "Look But Don’t Touch" ou encore "Euphoria" ont trouvé un écho surpuissant dans le public !

Polyphia @ The Grand Social, Dublin

Et bien que l’absence de "Nasty" sur la setlist ait été grandement regrettée (voir ce solo absolument virtuose joué en live aurait pu déclencher de sacrées réactions dans le public), le show desservi restait malgré tout magistral. Une heure aura suffi à Polyphia pour dérouler le florilège de sa discographie et épater aussi bien les fans que les néophytes présents ce soir là. Le concert s’est évidemment cloturé sur "Euphoria", véritable hymne de la formation américaine depuis des années. Le titre parle d’ailleurs de lui-même, inutile de préciser quelle atmosphère s’est dégagée du public à ce moment là. 

Setlist:

G.O.A.T.
O.D.
Saucy
Goose
40oz
Champagne
Icronic
Nightmare
Storm
Crush
Drown
Look But Don't Touch
The Worst
Finale
Euphoria

Polyphia @ The Grand Social, Dublin

Polyphia @ The Grand Social, dublin

Polyphia @The Grand Social, Dublin

Photographies : ©  Valentin Laurent (Hysteria) 2020
Toute reproduction interdite sans autorisation écrite du photographe.

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