Ozzy Osbourne – Ordinary Man

Il y a encore deux ou trois ans, qui aurait cru au retour discographique d'Ozzy Osbourne, dont le dernier effort studio remonte à 2010, avec ce Scream ayant reçu un accueil pour le moins timoré ? Nous n'avions pu que constater au cours de la dernière décennie le déclin progressif du Prince des Ténèbres sur scène, malgré le retour de Zakk Wylde ces derniers temps. Pourtant, courant 2019, la surprise était de taille : Ozzy revenait en studio, avec un line-up et une équipe entièrement renouvelés, dont le fameux guitariste blond ne ferait d'ailleurs pas partie.

Ordinary Man a été composé en quatre jours, autour du producteur bankable Andrew Watt (en charge également des guitares), accompagné de Chad Smith (batteur des Red Hot Chili Peppers) et Duff Mckagan (bassiste des Guns N' Roses). Ce casting, certes d'exception, nous fait tout de même douter de la sincérité de la démarche, qui pue un peu l'opération de mercenaires à grand renfort de com' pompeuse (Ali Tamposi, qui a co-écrit avec BTS, Selena Gomez, etc. est aussi créditée). Pas besoin d'être un grand détective pour se douter qu'Ozzy n'a pas été la force d'impulsion de son propre album solo.

C'est donc assez peu confiants que l'on pose notre casque sur les oreilles. Et pourtant, "Straight To Hell", à défaut d'être transcendante, s'avère une ouverture appréciable, avec son riff entêtant - auquel Wylde aurait toutefois sûrement donné encore plus d'épaisseur  - et une rythmique correcte, bref, de quoi faire taper du pied et effacer les premières craintes. Personne n'est dupe sur le travail de studio qui a été réalisé pour arranger la voix d'Ozzy, mais il faut avouer que nous ressentons moins que ce l'on craignait ses faiblesses vocales. Slash est présent le temps d'un très bon solo, et apparaît d'ailleurs aussi sur la ballade "Ordinary Man", où le Madman partage le chant avec Elton John.
 


Mais dès "All my Life", un premier problème apparaît, qui deviendra malheureusement récurrent : tout ça est un peu mou. Malgré un refrain plus énergique et une deuxième partie au lead de guitare bien trouvé, on sent que le bateau est déjà sur le point de chavirer, d'autant que le titre s'imbrique avec autant de finesse que des parpaings. "Goodbye" répète le même schéma, se traîne en longueur malgré de bonnes idées, et notamment ces accélérations heavy un peu forcées mais qui font du bien.

Ozzy alterne le chaud et le froid tout au long de l'album, et la plupart du temps au sein du même titre. Nous ne pouvons que regretter que le processus de composition se soit déroulé sur un temps aussi court, car un peu de recul aurait certainement permis de gommer pas mal d'erreurs, et d’élever le niveau de chansons qui ne manquent pas de bonnes idées. Quelques titres sortent quand même un peu du lot. "Eat Me", par exemple, avec son introduction à l'harmonica et ses riffs Sabbathiens, ne souffre pas de temps mort. "Scary Little Green Men" possède un superbe refrain, le meilleur du disque, et "Holy For Tonight", où Ozzy engage un dialogue poignant avec son père, est une pièce touchante.
 


Au final, La principale force de ce douzième album solo ne vient pas tant de la qualité intrinsèque des chansons que de la mélancolie qui s'en dégage, et qui donne de l'intensité à l'ensemble. "Today Is The End", "Under The Graveyard", "All My Life", "Goodbye"... Autant de titres très évocateurs quant à la nostalgie qui plane au-dessus de cette sortie aux allures de testament. L'émotion est palpable à chaque instant, les paroles du morceau éponyme en sont l'exemple parfait ("I don't want to die an ordinary man"). Sur ce plan, impossible de nier l'impact d'Ordinary Man.
 


Dommage de terminer par deux bizarreries au goût douteux. "It's A Raid", à l'esprit punk et dont le seul mérite est d'apporter du rythme à un disque qui en manque cruellement, tombe à l'eau au moment de son refrain poussif. Quand à "Take What You Want", en featuring avec Travis Scott, nous allons tenter de rester polis en disant simplement que cette putasserie popisante n'avait pas sa place ici. Ozzy a-t-il vraiment approuvé ce choix ? Difficile à croire, tant le succès commercial de ce titre disponible depuis quelques temps semble avoir été la seule motivation pour l'insérer en guise de conclusion.

Déconcertant. Voilà le sentiment qui prédomine après une bonne dizaine d'écoutes. Non, il ne s'agit pas d'un grand album : si celui-ci était sorti il y a quinze ou vingt ans, aucun de ces morceaux n'aurait duré sur les setlists, ni marqué la carrière du chanteur. Mais voilà, nous sommes en 2020, Ozzy Osbourne est un homme affaibli par cinquante ans de musique et d'excès, et Ordinary Man sera probablement son ultime témoignage. Comme un dernier Noël avec un proche que l'on sait condamné, mais que l'on regarde avec tendresse en oubliant l'espace d'un instant qu'il n'est plus que l'ombre de lui-même. 

Note : 6.5/10

Ordinary Man, sorti le 21 février 2020 via Epic Records

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NOTE DE L'AUTEUR : 6 / 10



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