L’Entourloop – La Clarté dans la confusion

Cinq ans après Le Savoir-faire (la grosse chronique ici), L'Entourloop a sorti son nouvel album, La Clarté dans la confusion, le 10 juin chez X-Ray Production. Et la grosse prouesse de cette galette tient au casting incroyable que le collectif a pu mobiliser.

On ne va pas s'amuser à compter tous les artistes présents ici, mais à vue d'œil et à raison de deux feat. par morceau en moyenne, tout en sachant qu'il y a vingt tracks dans cet album, gageons qu'une quarantaine de chanteurs et autres producteurs sont présents sur cette Clarté dans la confusion. D'autant plus que le spectre est assez large, puisqu'il court de Ken Boothe à Degiheugi en passant par Bounty Killer. Vaste programme !

Les Stéphanois ont ainsi adopté la démarche d'un certain DJ Khaled, pour ne citer que lui. Le DJ américain est en effet réputé, dans une dimension mainstream certes, pour afficher une belle ribambelle de feat. dans ses albums. Sur le dernier en date, Khaled Khaled, il a pu convoquer des personnalités aussi différentes que Nas, Justin Bieber, Drake ou encore...Bounty Killer.

Mais si l'offre paraît alléchante à première vue, il faut savoir gratter le vernis qui cache les défauts. Car malgré des têtes d'affiche exceptionnelles, le résultat de ce Khaled Khaled était bien moyen musicalement parlant (voir ici), des titres ambitieux côtoyant des morceaux très décevants.

Un album réussi mais à la structure déconcertante

On fera globalement le même constat avec ce nouvel opus de L'Entourloop. Non pas que l'album soit moyen, il est plutôt réussi, mais c'est surtout la désillusion rencontrée devant des "pointures" du reggae/dub international qui nous aura avant tout heurté ici. Mais nous y reviendrons plus tard. En outre, c'est la structure même de l'album que nous avons eu du mal à apprivoiser.

Ainsi, si cette galette ne s'appelle pas La Clarté dans la confusion par hasard, le résultat final nous apparaît plus proche de la confusion que de la clarté. En somme, on n'arrive pas à identifier la ligne directrice de l'album et où le crew a précisément voulu en venir.

Bien que les tracks sont bien produites dans l'ensemble, l'opus est difficilement assimilable à un tout cohérent, ceci étant notamment dû au fait que cette Clarté... comporte trop de titres, beaucoup trop. Et forcément, l'on s'y perd parfois.

En fait, eu égard à ce nombre abyssal de tracks, cette Clarté... n'est pas véritablement un album, il s'agirait plutôt d'une mixtape. Une mixtape "banging hip-hop inna yardie style", pour reprendre la devise du crew et que Juju Rogers paraphrase parfaitement dans "Mana" où il proclame cette profession de foi significative : "his imperial majesty mix with Master P".

On est ainsi en terrain conquis tout de même avec cet album ; c'est de L'Entourloop pur jus où le hip-hop s'acoquine avec le reggae/dancehall.

Les tracks dévoilés en avant-première il y a quelques mois ne dérogent pas à l'esthétique des Stéphanois et l'on a d'ailleurs eu un faible pour la collaboration entre Alborosie et Promoe qui rappellerait presque les associations entre rappeurs et toasters dans les années 90/2000.

Des têtes d'affiche décevantes...

Cependant, en parlant d'années 90, General Levy et ses compères beatmakers n'innovent pas spécialement sur "People is massive", sorte de "jungle is massive" moderne, comme si la jungle n'avait pas évolué en 25 ans.

De la même manière, Manudigital propose juste un remix banal de son "Shoot & Collect" avec Junior Cat sur "Mumbai 808" (c'est pourtant très rare que l'auteur de Bass Attack ne fasse pas preuve de plus d'ambition).

Et O.B.F fait du O.B.F des plus classiques sur "Lift up your head", alors que le crew de Rico sait pourtant se montrer plus exigeant avec ses riddims an 3000. Ce sont ces "pointures" évoquées plus haut qui nous auront déçus ici.

En tant que figure de proue, seul Tippa Irie semble être dans son élément sur le rub-a-dub 80's "Fi Di Yut" avec Blackout JA. Même Ken Boothe ne réussit pas à emporter notre adhésion dans "Eternal Roses".

Quant à la "Saga" menée par Killa P, Flowdan et Big Red si elle avait tout pour nous plaire sur le papier, dans la pratique il y manque un souffle et un enthousiasme certains.

...mais des combinaisons tonitruantes

A contrario, certains titres s'inscrivant dans la droite ligne des productions antérieures de L'Entourloop font preuve d'efficacité.

On mentionnera ainsi la combinaison entre Queen Omega, Red Fox et Lyricson dans "Florilège", un big bad tune à base de rub-a-dub et de dancehall. Dans cette catégorie, on retrouvera également le très bon "Rock Mi Nice" avec Kabaka Pyramid et son groove hip-hop ou la belle ballade smooth avec Degiheugi dans "La fleur de l'âge".

Côté efficacité, on retiendra aussi "Scoville Anthem" avec son trio 100% féminin, à savoir LMK (agréablement surprenante via ses lyrics en anglais, chose pourtant pas forcément aisée), Reverie et Lady Chann.

Avec une ligne de basse massive, un hommage à UK Apache ainsi que des flows plus que limpides, ce "Scoville Anthem" est assurément l'une des plus grandes réussites de cette Clarté dans la confusion.

Deux autres artistes féminines nous éblouissent ici. Dawa Salfati, avec sa voix suave et soul, vient enrichir la prod trip-hop et jazzy de The Architect sur "Clin d'œil" ; et on soupçonne même le trompettiste N'Zeng d'avoir ajouté sa patte ici.

Quant à Dope Saint Jude, elle interagit avec Troy Berkley sur "Drop" dans le meilleur binôme de l'album. En effet, les deux artistes se répondent avec brio dans ce track à la croisée du dub et du trap. On insistera également sur la technique du MC des Bermudes qui propose des parties autant toastées que rappées.

Troy Berkley à l'image de l'album

Les interventions du frontman du crew sont d'ailleurs à l'image de cette Clarté dans la confusion, où des morceaux de haut niveau côtoient des titres plus ambigus. Si l'on a pleinement apprécié le track cité plus haut ainsi que le hip-hop en mode dancehall "Magistral" (qui porte très bien son nom) avec Bounty Killer, "Madzilla" avec Blabbermouf ou "Lift up your head" avec O.B.F sont nettement moins entraînants.

Et enfin, à l'instar du Savoir-faire, c'est un dub aussi stepper que massif et puissant qui vient conclure cet album. Diffusé dans le Start from Scratch Mix (voir ici) l'été dernier, ce "Downtown - Befour Steppa" a tout pour devenir un hit incontournable de sound system, et plus si affinités, ces prochaines années.

C'est une efficacité dancefloor indéniable et redoutable qui habite ce track à travers une sorte de synthèse du "Organ Donor" de DJ Shadow et des prods d'High Tone et de Kaly Live Dub d'il y a vingt ans. Un bouquet final à écouter sans modération !

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NOTE DE L'AUTEUR : 6 / 10



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