Balik des Danakil lors de leur première date de l’année


C'est lors de la première date de leur tournée "Entre les lignes" que j'ai eu l'occasion de rencontrer toute la troupe des Danakil et Balik le chanteur en Interview. J'arrive donc dans la belle salle du 106 à Rouen en fin d'après-midi, et je tombe sur Tom-Tom (trompettiste) qui m'emmène dans le Bus où se trouve tout le groupe. Je discute d'abord un peu avec chacun, l'atmosphère est détendue, tout le monde est ouvert, disponible et avec le sourire. Après quelques coups de fils passés par Balik, on monte s'installer dans "le salon" pour échanger un peu au calme.

Ras Pierro: Salut Balik, merci de ton accueil et de ta disponibilité. Ca fait plaisir de vous voir ici après ce long chemin déjà parcouru, pourrais-tu m'en faire le bilan?

Balik:  Alors tout s'est fait petit à petit, c'est sûr que si tu regardes entre 2006 et 2014, il y a beaucoup de choses qui ont changées. Le public a grandi, le groupe a progressé j'imagine. Ca s'est vraiment fait pas à pas, chaque concert a fait le suivant. J'ai vraiment l'impression avec les gars d'avoir avancé tranquillement, sans voir les années passer. La première tournée en bus que l'on a faite, c'était avec Roots Underground en 2009, c'était la première sensation de tour "professionnel". Après en 2011, le nouvel album nous a conforté dans notre statut d'intermittents, et dans la place qu'on pouvait avoir dans le coeur des gens. En 2014, on sort notre quatrième album studio, et on a la sensation de ne plus être "les petits jeunes", les petits nouveaux, ni complètement les plus anciens comme par exemple Sinsémilia. Et il y a toute une nouvelle génération d'artistes français qui arrive, on est plus "la révélation" et on essaye donc d'asseoir un peu notre place, de bonifier notre travail, faire des albums qui soient meilleurs que les précédents, en tout cas on essaie d'assumer le poste de petits frères des uns et grands frères des autres.

balik DANAKIL

R-P: J'ai remarqué que la communication avant la sortie d'"entre les lignes" était plus mystérieuse que celle faite lors de votre précédent album "Echo du temps", pourquoi?

B:  Lors d'"Echo du temps", les petits teasers réalisés en amont pendant la construction de l'album étaient une superbe idée, je suis le premier fan en les revoyant, ça rappelle des souvenirs. Mais ça reste de la communication, on ne voulait pas faire deux fois la même chose. Je précise qu'entre-temps, ça a été fait par beaucoup d'autres groupes parce que la vidéo est notre moyen de communication. Sur cet album on a choisi de clipper déjà quatre morceaux, et si le budget nous parvient, car c'est beaucoup d'argent à investir, on en fera encore d'autres.

R-P: Là, vous avez sorti "Le rêve" et "Hypocrite" en clip, quels seront les deux autres?

B: Les deux autres clips vont sortir bientôt, ils sont déjà tournés. Un clip du morceau "Mali-Mali", et aussi sur le morceau "Ne touche pas". "Ne touche pas" devrait sortir dans une dizaine de jours, et "Mali-Mali" où les images ont été prises à Bamako, vers la fin de la tournée. 

 

R-P: Comment s'est construit l'album "Entre les lignes"?

B: Pour la fabrication de l'album, ça a été essentiellement enregistré dans un studio qui s'appelle Berduquet, dans l'entre-deux mers, région Aquitaine. Et moi, étant résident depuis deux ans maintenant à Bamako, on a fait beaucoup d'échanges, de fichiers, d'enregistrement, de maquettage. J'avais une petite pièce dans ma maison où je travaillais, j'avais tout mon temps, j'étais vraiment dans une super configuration pour bosser. J'étais vraiment dans mon rythme, rien de cadré, ça m'a donné une liberté de penser, de l'air! Et de temps en temps je revenais en france répéter pendant quinze jours, on s'enfermait pour mettre le travail en commun, puis répéter, répéter, répéter... 
Ca s'est fait comme ça, les gars ont beaucoup bossé les riddims en France sans moi, ils m'ont envoyé des séries et des séries de riddims et à la fin, il y en a eu 15 ou 16 de sélectionnés, sur lesquels on a bossé, sur lesquels j'ai maquetté au Mali avant de rentrer travailler en live avec l'équipe.

R-P: L'album "Echo du temps" a-t-il influencé le fait que tu vives au Mali?

B: Oui bien sur ça a joué. Après c'est indépendant, je suis parti avec ma femme qui cherchait du boulot, à droite ou à gauche, ça aurait pu être Dakar ou une autre ville. On cherchait à aller en Afrique. Et puis on a eu un plan à Bamako, moi j'étais fou de ça parce que j'y avais passé du temps, j'avais un super réseau de potes et de musiciens, ça a un peu forcé le choix. Vivre en Afrique c'est génial. Tout changement est bon, je pense que je n'aurais pas regretté d'aller vivre où que ce soit. J'avais envie de quitter la région parisienne, je l'avais dit dans "Quitter Panam" d'ailleurs, ce n'était pas anodin. Je voulais vraiment bouger! Je suis parti. Pour l'instant, je suis revenu pour la tournée, et, d'ici la fin de l'année, je pense qu'on repartira pour quelque part. Mais on a plié bagage de Bamako.

danakil


R-P: Comment les différents featuring d'"Entre les lignes" ont vu le jour? ( Harrison Stafford, Twinkle Brothers, Ky Mani Marley).

B: On a beaucoup tourné avec les Groundation. On a sympathisé, les bus se sont suivis pendant des semaines. La rencontre s'est faite naturellement. Pour les Twinkle Brothers, c'est un contact, Jérôme Levasseur, qui s'occupe des Zicalises, qui nous a mis en lien avec eux. Il a organisé une session studio un après-midi dans Paris, ce qui est extraordinaire car ils n'avaient jamais fait de featuring sur d'autres albums. En arrivant au studio ils nous ont dit "On ne sait pas pourquoi on est là". On a passé un super après-midi, avec des vibes de ouf! Et pour Ky-Mani Marley, il n'est pas sur l'album mais sur  la version I-Tunes et Vinyle, on l'a aussi rencontré en tournée. On avait deux dates avec lui deux soirs de suite. Le premier soir on est allé le rencontrer, on lui a fait écouter une version en anglais de "Marley", morceau sur son père. On a passé un moment dans le bus avec lui, et on lui a dit que le lendemain, on kifferait faire un morceau avec. Et le jour suivant juste avant son concert, il est venu dans la piaule, on a mis des matelas aux murs, et on a enregistré un titre comme ça, la vibes était top.

R-P: Pourquoi ce titre n'est-il pas sur le CD?

B: On ne l'a pas mis car sur la version I-tunes, il fallait au moins un morceau inédit, c'est le concept. Et aussi parce que ça nous a semblé être une bonne répartition des titres. Ca nous a paru opportun d'intriguer les gens sur internet avec un autre morceau. Il y a aussi d'autres morceaux sur le vinyle qu'il n'y a pas sur l'album comme le titre acoustique de "Mali-Mali". Et sur le disque, il n'y avait plus de place, on l'a blindé en durée; on ne pouvait pas tous les mettre.

R-P: Après "Les hommes de paix" ou "Marley", tu as écrit "Mahatma", l'hommage aux grands hommes te tient à coeur?

B: Oui, ce sont des gens qui m'inspirent beaucoup. Marley, Gandhi et Mandela sont les 3 personnages les plus charismatiques que je connaisse. Je me suis beaucoup intéressé aux trois, j'ai lu tout ce que j'ai trouvé sur chacun. Je n'ai pas fait de chanson sur Mandela car il y a une part d'inspiration, de musique, de moment, qui te rappelle une personne. C'est marrant, quand j'ai reçu ce riddim, ça m'a renvoyé à des émotions, à des choses que j'avais ressenties en lisant  sur Gandhi et en apprenant sur lui. On apprend beaucoup à s'intéresser à des personnages comme ça, on apprend sur soi, sur l'humilité, savoir prendre de la hauteur sur plein de choses, en suivant l'exemple juste de quelques lignes, en feuilletant les pages. C'est très saisissant. Je savais aussi qu'il fallait que je revienne à Gandhi après "Les hommes de paix". Je n'avais abordé le sujet que brièvement. J'avais 18 ans au moment où je l'ai écrit, j'en ai 32 aujourd'hui. J'ai plus tout à fait le même regard, donc je savais qu'il fallait que je revienne à ce cas-là tout comme aujourd'hui je sais qu'il va falloir que j'en vienne à Mandela. Mais il n'y a rien de prévu encore, j'ai peut-être besoin d'un peu plus de recul.

R-P: Dans le titre "Mahatma", on ressent une vision un peu amère, pourquoi?

B: Effectivement, je pense que s'il était vraiment là pour regarder la suite des choses, il aurait une part de déception, c'est ce que j'ai voulu dire dans le morceau. Mais aussi comme il l'a toujours véhiculé, une grande part d'espérance, une ouverture d'esprit, toujours tendre la main, ne jamais lâcher. 
 

R-P: Dans la chanson "Le rêve", à qui appartient la voix féminine du refrain?

B: Elle s'appelle Julie, c'est la chanteuse du groupe Wombo Orchestra. On l'a rencontrée par l'intermédiaire d'une rasta qui nous logeait, dans l'entre-deux mers, quand on était au studio. Le refrain existait déjà, c'est une version Hip-Hop que j'avais déjà enregistrée en amont, où je posais sur le refrain. Et pour l'album, on s'est dit "tiens, et si on trouvait une hispanophone pour faire le refrain"; et la fille chez qui on logeait bossait avec ce groupe et nous a fait nous rencontrer. Ca s'est passé comme ça.

R-P: D'autres combinaisons se sont créées sur cet album, notamment avec Bozo du groupe Sinsemilia

B: Voilà, il est venu renforcer la section cuivre. Entre-temps, on a le tromboniste qui a tracé sa route, pour faire le tour du monde, il est heureux. Du coup, on avait un cuivre en moins sur l'album, et la connexion avec Sinsé et Bozo s'était déjà faite dans l'année. On l'a invité, il est venu apporter sa patte et il sera sur certains concerts de la tournée avec nous. Il sera à l'Olympia, à Genève... Il est en Freelance. 

R-P: Votre label Baco Records a maintenant trois ans, et aujourd'hui c'est votre premier album sorti sous votre propre label, pourquoi ce choix?

B: C'est le premier album Danakil qui sort sous ce label, il y a déjà eu Natty Jean, Brahim, un Ep de Papa Style et Phases Cachées. Les artistes du label sont Natty Jean, Brahim, Danakil, Phases Cachées, Yaniss Odua  sur le tour uniquement, et on va travailler avec Protoje maintenant, pour le tour et le label. 

Au départ, on fait cela pour reprendre notre activité en main car on a eu des soucis avec notre ancien label, et on se sentait capable de faire nous-mêmes ce travail qu'ils faisaient pour nous. On l'a donc fait, et très rapidement on a sorti Natty Jean, puis Brahim... Maintenant on arrive à notre projet, on le fait pour nous, l'un dans l'autre c'est une suite logique. C'est devenu un intérêt commun, les uns nourissent les autres. Le groupe Danakil emmène ces artistes en première partie avec lui. Brahim qui est ancien sur la scène est déjà très reconnu dans milieu underground, et il y a une vraie cohérence avec notre groupe. C'est une mécanique positive. 

 

balik

R-P: Quel message veux-tu faire passer aux lecteurs aujourd'hui pour conclure cette interview,

B: Je dis un peu tout le temps la même chose pour cette question... (rires), mais si vous avez aimé l'album, venez en concert, on donne vie à tous ces morceaux, c'est là qu'on se révèle. C'est aussi là qu'on aime voir le visage des gens qui nous écoutent. On aime bien lire les mots sur internet, mais on aime aussi voir ces personnes en concert. Pouvoir capter les émotions selon les morceaux, les impressions selon les titres joués, voir le public après le show. Cette semaine pour les premières dates, on va vraiment se régaler car c'est la découverte totale. Alors Rendez-vous au concert!

R-P: Que penses-tu de l'évolution de votre public durant ces 12 dernières années?

B: C'est un peu difficile de cerner l'évolution car il y a beaucoup de jeunes, il y en a toujours eu, mais il y a aussi les anciens qui nous suivent. Ce que j'espère, c'est que les gens qui nous suivent depuis le début ont grandi avec nous et continuent à adhérer à l'environnement musical du groupe. J'adore aussi voir les jeunes, car la jeunesse est l'avenir, et puis je me dis que pendant ce temps-là, ils n'écoutent pas toutes les "merdes" que leur sert la soupe que je vois sur certaines chaines Tv ou des conneries comme ça. Si c'est un mec qui chante, il est en lunette avec des chaines et un gros cuir et si c'est une fille, elle est à poil et se touche... J'hallucine complet quand je tombe sur ces chaines. Je me dis que c'est déjà ça de gagné. Aujourd'hui je suis trentenaire, et je me demande comment nos chansons sont prises par les jeunes. Je trouve ça aussi gratifiant d'avoir des gars de mon âge qui viennent me dire qu'il ont saisi telles ou telles émotions fortes dans un titre. Il y a vraiment deux sensations, celle d'être bien avec les jeunes, s'éclater, le côté festif, et j'adore aussi le côté réflexion et sentiments que peuvent apporter certains titres.

R-P: Merci de ta disponibilité et de ta gentillesse pour cette interview, je vous souhaite une excellente tournée 2014!!!!

B: De rien, merci à toi pour ces questions et gros Big Up pour La Grosse Radio Reggae

La tournée et vos places juste en dessous:

 


Photos : iWelcom

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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