Entretien avec Takana Zion

C'est entre deux dates de sa tournée avec Harrison Stafford que nous avons rencontré Takana Zion afin qu'il nous parle de Good Life, son album sorti en mai dernier et enregistré à Kingston. Takana Zion nous livre un entretien sans retenue de sa vision sur la Jamaique.

Bonjour Takana Zion, pourrais-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas à La Grosse Radio?

Je suis né à Conakry, en Guinée. Je suis artiste chanteur de reggae, et mes thématiques principales sont la spriritualité, la dénonciation de la méchanceté humaine et la lutte contre l'ignorance, car je considère l'éducation comme la base de la vie.

Comment l'idée de de faire de la musique est née, et comment cela s'est-il traduit?

J'ai toujours été touché par les souffrances endurées par les gens autour de moi, par le peuple guinéen, par ceux qui sont passés avant, et c'est cette souffrance là que j'essaye de dénoncer, et contre laquelle j'essaye de lutter. Depuis tout petit, je chante à la maison, sur le chemin de l'école, de partout, jusqu'à ce qu'un jour, j'ai pu trouver ma propre identité à l'intérieur même de ce que je chantais. 

Et cela nous ramène à quelle époque?

Entre 1996 et 1998, j'ai vraiment eu cette révélation, et cela s'est accéléré en 2000/2001, avec la sortie de quelques morceaux sur des compilations, jusqu'à sa matérialisation au travers de Zion Prophet, mon premier album officiel en 2007.

Pour en revenir à Good Life, l'album évoque un retour aux sources, aux racines que ce soit musicalement ou en terme de lyrics. Partages-tu ce sentiment?

Je me suis toujours identifié à travers le roots, et je ne pense pas l'avoir jamais quitté. Il s'agit d'une suite logique à Rasta Government, qui est l'un de mes disques les plus roots. Je reste dans sa continuité, et ne rompt pas avec mes racines. C'est d'ailleurs parce que j'ai toujours eu cette attirance pour le roots, que j'ai voulu enregistrer en Jamaique. 

Quel effet est-ce que cela procure d'enregistrer dans le studio de Bob Marley,le mythique Tuff Gong à Kingston?

C'est un sentiment de bien être. Cela te fait grandir dans ton estime de toi même, et je l'ai vraiment vécu comme une bénédiction, surtout sachant qu'aller là bas n'est pas réservé à tout le monde. Pouvoir jouer avec des musiciens qui jouaient déjà du reggae avant que nous ne venions au monde est quelque chose d'extraordinaire. J'ai joué, chanté et grandi avec ces musiciens là. C'est un peu comme réaliser son rêve avant même d'avoir commencé à rêver.

C'est vrai que tu étais entouré de quelques légendes: Bunny Wailer, Dean Fraser au saxophone..... Peux-tu nous expliquer comment ont été organisées les rencontres?

Lors de mon arrivée, je voulais chanter avec Chronixx, Protoje, la nouvelle génération. et quand ils ont entendu le roots que je chantais, ils m'ont dit qu'il fallait chanter avec un vieux père comme Bunny Wailer, que c'était ce qui correspondait le plus à mon style. C'est ensuite mon directeur artistique, qui est lui même jamaicain, qui a pu organiser cette rencontre. 

Comment la chanson s'est montée? Tu avais déjà un texte pour Bunny Wailer? 

J'ai commencé à travailler sur cette chanson dès 2009. Arrivé en Jamaique, je l'ai dévellopé. Bunny et moi avons la même philisopie, et il a décidé de s'inspirer du 133e psaume de David pour son texte, ce qui collait parfaitement avec mon envie initiale. 

Etre là bas, sur cette ile avec ses côtés traditionnels, voire mystiques, est-ce que ça t'a fait évoluer sur l'appréciation de la musique?

Yeah man, en travaillant avec des musiciens aussi exceptionnels, tu apprends fortement. Dès que je commençais à chanter, ils savaient comment m'accompagner. Et c'était ensuite à moi d'aller dans leur direction, de m'adapter au riddim qu'ils imaginaient. J'ai compris que, dans l'esprit du roots, il faut être en accord avec ses musiciens, et à partir du message que tu as envie de passer, il faut s'adapter au riddim que eux te proposent. 

Si tu avais une anecdote marquante à nous raconter...

Il y en a tellement! Le guitariste avait de tels maux de tête, qu'une fois habitué à une sonorité, il ne voulais plus en changer. En sortant faire une course en voiture, il ne voulait pas que quelqu'un stoppe le moteur de la voiture car il s'était familiarisé à son ronronnement. Par mégarde, sa femme a coupé le contact, et il s'est alors mis à hurler et à courir de partout! C'est vraiment un peuple particulier!

Quelles sont les principales différences que tu as pu constater entre l'Afrique et la Jamaique?

Je trouve que les jamaicains ont perdu le concept de famille. Il est rare de voir là bas une famille unie partageant les mêmes valeurs. Du coup, beaucoup de jeunes manquent d'éducation, ils deviennent violents, injurieux et se rassemblent en gangs.
En Afrique, les gens grandissent à l'intérieur de la famille, avec l'énergie de l'Alpha et l'Oméga, de papa et maman, et les jeunes une fois adultes, cultivent cette idée. Quand une société se développe hors de ces valeurs, elle se détruit. On ne peut pas devenir violent quand on grandit dans l'amour d'une famille unie. Le manque d'amour fait que l'être humain tombe dans la haine ou la violence.

Il y a d'ailleurs des références à la famille dans ton album, avec une chanson dédiée à ta femme...

Nous sommes du même village, et la famille pour nous est sacrée.

On voit aussi des références historiques: Marcus Garvey, Nelson Mandela dans Rainbow Generation; est-ce un devoir de mémoire ou un message à passer pour les nouvelles générations?

Marcus Garvey a parcouru toute la terre pour rassembler la race noire, pour lui permettre d'améliorer ses qualités de vie. C'est domage qu'un africain puisse grandir sans connaitre des hommes comme ceux là, avec ce qu'ils nous ont légué comme héritage, comme enseignement. C'est notre responsabilité de dire que l'on peut toujours aller au delà de ses rêves. Il faut se cultiver, apprendre, s'armer, avoir des références, des repères, des sources. C'est ça l'héritage de Marcus Garvey, c'est l'éducation. 
L'esprit de Mandela nous a enseigné le pardon, la tolérance. Toutes ces valeurs doivent être transmises aux jeunes générations. Il ne faut pas que cela tombe dans l'oubli.

Personne ne parle aux jeunes africains de ces références?

Non, on mentionne simplement le nom de Marcus Garvey, mais sans expliquer quel homme il a été et quel était son combat. Pour Mandela, c'est différent car l'histoire est beaucoup plus récente. Mais personne ne peut dire si ce sera toujours le cas dans 50 ans. Les rastas doivent témoigner et dire que l'unité noire et l'unité africaine a été possible grâce à la philosophie et à l'enseignement de gens comme ceux là.

Quels sont tes projets à venir?

J'ai le projet de créer un centre culturel dans mon village à 50 km de Conakry. Ce centre permettra d'initier les jeunes à la musique, à la lecture. j'aimerais le créer au milieu d'un beau jardin afin que les gens qui viennent le fréquenter puissent s'évader et se cultiver en toute sérénité.

Si tu avais un artiste avec qui tu rêverais de collaborer...

Je me concentre d'abord sur mon projet culturel, mais pour un prochain album, j'adorerais jouer avec une artiste féminine comme Queen Ifrica.

Merci Takana Zion pour nous avoir accordé cette interview.

Takana Zion -photo site IWelcom

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