Entretien avec Williams Brutus

Quelques heures avant son concert au Crusoé de Dijon (le gros report ici), La Grosse Radio s'est entretenue avec Williams Brutus.

Alors que son premier album est en préparation et dont un avant-goût a été donné aux massives via un EP, tout logiquement intitulé Williams Brutus - EP (la grosse chronique ici), nous voulions en apprendre un peu plus sur lui.

Williams Brutus est revenu sur son parcours, sa conception de la musique et sur ses liens avec Haïti.

Bonjour Williams Brutus, merci de nous recevoir au nom de La Grosse Radio. Peux-tu te présenter ?

Bonjour, je m'appelle Williams Brutus, je suis chanteur et guitariste. J'ai commencé il y a une dizaine d'années avec un duo nommé SAÏ, et depuis environ deux ans je mène une carrière solo.

La Grosse Radio a couvert le Festival Contraste & Couleurs au cours duquel tu étais présent. Quelques réactions à propos du concert que tu as donné ?

Pour une première édition, c'était un super festival et très bien organisé par Broussaï et leur asso. C'était un plaisir pour moi d'ouvrir ce festival sur une grosse scène de la sorte, d'autant plus qu'il y avait du monde dès le début. Le public a été très réactif devant ce set acoustique, l'ambiance était vraiment cool. Tout s'est bien passé, c'était une soirée hyper positive.

Ce soir, tu te produiras avec un band. Est-ce pour apporter une touche plus reggae, contrairement à un set acoustique plus traditionnel ?

En fait, la formation classique avec laquelle je joue, c'est celle avec les musiciens. Parfois, selon les demandes, il m'arrive de faire un concert acoustique, mais ce n'est pas ma priorité, ce n'est pas dans ce contexte que je m'exprime le mieux.

Est-ce également pour mieux te différencier de ce que tu pouvais proposer avec SAÏ ?

Je veux surtout apporter quelque chose de plus pêchu. Avec l'acoustique, tu vas plus toucher les gens dans l'émotion. Au contraire, avec un band, tu vas plus être dans la dynamique et dans un aspect plus punchy.

williams brutus, interview, dijon

Quelles ont été tes motivations pour te lancer en solo après l'aventure SAÏ ?

SAÏ s'est arrêté fin 2014 et dès lors j'avais le choix entre stopper définitivement la musique ou continuer en solo sous mon propre nom. J'ai eu une grosse période de réflexion avant de pouvoir trancher, surtout que je ne voyais pas vraiment l'intérêt de poursuivre dans une perspective acoustique. Je ne savais pas non plus s'il fallait que j'opte pour du reggae, de la chanson, de la pop ou un côté plus world, mais j'ai finalement décidé de mélanger toutes ces influences, mais en conservant tout de même une patte personnelle.

Alors justement, ton EP, Williams Brutus - EP, est composé de différents genres musicaux. Cependant, quelle en est la ligne directrice ?

Le fil conducteur de ma musique reste avant tout le reggae, mais j'essaye de mettre une esthétique plus moderne dans le son et les arrangements et d'intégrer des aspects plus world et pop, notamment avec la reprise de "Girls just wanna have fun" de Cindy Lauper. Ceci afin de rendre ma musique plus ouverte, plus accessible que le reggae classique.

Comment es-tu venu au reggae ?

J'ai commencé à en écouter tard, vers 18 ans, contrairement à certaines personnes que je croise qui baignent dedans depuis leur enfance. C'est donc venu assez tard, mais ça m'a pris instantanément et depuis ce moment, ça représente environ les 2/3 de toute la musique que j'écoute.

Tu as donc repris "Girls just wanna have fun" de Cindy Lauper, mais également "Another day in paradise" de Phil Collins ou "Every Breathe you take" de Police. Tu es un fan des années 80 ?

(rires) On m'a demandé la même chose récemment, à savoir si je n'étais pas resté bloqué dans les années 80 et si je n'étais pas un peu has been. Plus sérieusement, c'est tout simplement le fruit du hasard si j'ai repris ces titres. Après, si tu veux vraiment toucher le public avec des morceaux très pop, donc très populaires, les années 80 représentent un vivier énorme. La musique des années 60 et 70 est axée sur la soul ou le funk et est donc moins connue du grand public, plus par des spécialistes ; ce n'est pas tout le monde qui va écouter un Otis Redding par exemple, alors que chacun a au moins déjà entendu un Phil Collins ou un Queen.

Est-ce que le fait d'aborder un vaste éventail de genres musicaux te permet de toucher un public plus large ?

Je ne le fais pas nécessairement dans cette optique-là, c'est surtout parce que ça me correspond en tant qu'artiste et que personne. J'ai été adopté, je suis originaire d'Haïti et je suis arrivé en France en 1991. J'ai grandi dans une famille française, et j'ai donc cette double culture issue à la fois des Caraïbes et d'Europe, ça fait partie de moi. Et si je peux faire découvrir la musique antillaise à des Européens qui y sont étrangers, alors tant mieux ; la musique est avant tout une histoire de partage et d'échange.

williams brutus, interview, dijon

Depuis peu, tu publies sur Facebook des vidéos dans lesquelles tu reprends des morceaux que tes auditeurs ont choisis...

Tout à fait. Les gens qui me suivent sur Facebook proposent, dans les commentaires des vidéos précédentes, la reprise qu'ils aimeraient que je chante et je choisis parmi toutes les suggestions. J'ai lancé ça il y environ un mois et c'est plutôt cool. Je suis assez sensible au fait que ce soit le public qui puisse soumettre quelque chose et ensuite ça me permet de travailler des morceaux auxquels je n'aurais pas nécessairement pensé, comme le "I wish you were here" de Pink Floyd, qui est la dernière reprise en date.

Des médias, autres que ceux spécialisés dans le reggae, se sont-ils intéressés à toi ?

En fait, c'était une démarche réfléchie de sortir en premier lieu "I Tried" afin d'avoir le soutien des médias reggae que l'on connaissait. Par contre, le deuxième single qui va arriver n'est pas du tout un morceau reggae, histoire d'ouvrir l'univers et de toucher d'autres médias. En effet, je n'ai pas du tout envie d'être étiqueté dans la catégorie "reggae", bien que j'y suis en ce moment avec "I Tried", mais le public découvrira au fur et à mesure que je ne me borne pas qu'à ce seul genre musical. Et justement, lorsque je fais des reprises sur Facebook, je fais exprès de choisir des morceaux qui ne sont pas reggae, même si je peux avoir des propositions pour reprendre du Clinton Fearon par exemple, mais ça ne m'intéresse pas.

D'autant plus que tu as une voix plus soul que reggae. As-tu exercé un travail spécifique sur celle-ci ?

Non pas spécialement. J'ai ce timbre naturel, je suis né avec cette voix, merci maman, merci papa ! (rires) Ça fait dix ans que je fais de la scène, la voix tu la travailles dans la manière d'amener l'émotion et la dynamique. Je n'ai jamais pris de cours de chant, c'est donc quelque chose que j'ai travaillé sur le terrain. Après, lorsque je m'écoute, je ne remarque que mes défauts, de cette manière ça me pousse à progresser et à ne pas me reposer sur mes acquis, surtout que je croise régulièrement des chanteurs avec des voix exceptionnelles mais qui n'ont malheureusement pas la chance d'être reconnus pour ce qu'ils sont et ce qu'ils font.

Tu l'as déjà évoqué brièvement plus haut, mais peux-tu nous parler de ton retour aux sources en Haïti ?

J'ai été adopté en 1991, je suis arrivé dans ma famille adoptive à Mâcon et j'ai grandi dans cette ville. Je suis arrivé à un moment de ma vie où c'était nécessaire pour moi de connaître mes racines, ma culture d'origine et surtout les membres de ma famille. J'ai donc découvert à 28 ans mes frères, sœurs, nièces, neveux, cousins, c'était incroyable et extraordinaire, digne d'un film ! Tout s'est très bien passé, j'ai été reçu d'une manière formidable. C'est important de se plonger dans ses racines et son passé afin de mieux de se projeter dans l'avenir et l'aborder plus sereinement. Je me posais beaucoup de questions par rapport à cela, mais maintenant j'ai les réponses.

Ces thèmes sont-ils des sources d'inspiration pour tes textes ?

Pour cet album, essentiellement oui, les textes découlent de ce retour aux sources. Ça parle un peu de moi, mais plus globalement de choses générales. Dans "I Tried", j'aborde l'individualisme qui peut régner en Occident, dans les pays riches, alors que dans les pays pauvres, en Haïti, par exemple, la population n'a rien mais elle te donnerait tout. Les gens restent très souriants et avenants, bien qu'ils vivent dans une misère incroyable, ils n'ont ni eau ni électricité, j'ai croisé certaines personnes qui n'avaient pas mangé depuis quatre jours. Finalement, tu ne peux que revenir humblement en Europe, sachant que tu as un toit, tu as accès facilement à l'eau.

Tu viens quelque peu d'y répondre, mais quel est ton regard sur la situation politique et sociale actuelle en Haïti, sachant que les informations transmises par les médias mainstream sont très souvent biaisées ?

Je ne regarde pas la télé. Pour Haïti, on a énormément parlé du tremblement de terre en 2010, parce que les médias savaient que ça allait rapporter de l'argent et faire de l'audimat, le traitement de l'information était donc perverti. Il y a eu des réactions à chaud, mais par la suite, ils se sont complètement désintéressés d'Haïti et maintenant on n'en parle plus. En ce moment, les grands sujets sont les élections présidentielles et législatives et dans six mois, ce sera autre chose. Les médias ciblent uniquement l'information sur ce qu'ils veulent te faire savoir, te faire penser. Il vaut donc mieux découvrir les choses par soi-même, voyager, aller à la rencontre de l'autre.

Et musicalement parlant en Haïti ?

La musique en Haïti est très portée sur le kumpa, un genre local très répandu dans les Caraïbes ; il incarne mes racines, j'en ferai donc un jour, c'est sûr et certain. De plus, les Etats-Unis étant tout proches, les Haïtiens écoutent également beaucoup de musique américaine.

                                   williams brutus, interview, dijon

Peux-tu nous parler de ton album qui va arriver prochainement ?

En concert, on joue essentiellement les morceaux de l'album. J'en suis super fier, je ne dis pas nécessairement cela parce que c'est mon album. Ça faisait dix ans que j'étais en auto-production avec SAÏ et là, j'ai eu la chance de signer sur le label Garvey Drive de Pierpoljak. Je suis très satisfait d'avoir ce projecteur-là, ce soutien et ce développement avec ce type d'arrangements ; j'ai donc hâte que le public le découvre et l'apprécie.
Il n'y a pas encore de date définie pour la sortie, mais ce sera pour fin septembre, début octobre. D'ici là, vous pouvez toujours vous procurer mon EP Williams Brutus - EP paru le 7 avril et destiné avant tout à faire découvrir mon univers musical avant l'album.

Tu as des dates de prévues à annoncer ?

On va principalement tourner en Bourgogne-Franche-Comté, mais s'il faut jouer à Tombouctou, je joue à Tombouctou (rires) ! Hier j'étais à Paris, aujourd'hui je suis à Dijon, le 9 juin je ferai la première partie de Sinsemilia à Dommarien (52).

Un dernier mot pour La Grosse Radio ?

Ça fait plusieurs années que je vous suis et que je lis vos articles. C'est un honneur de pouvoir être cité sur La Grosse Radio. Merci à vous ! Bonne continuation et je vous dis à très bientôt pour un prochain concert.

BIG UP Williams Brutus ! Merci de nous avoir accordé cette interview !
BIG UP également à Eiffer !

Crédits photos : Live-i-Pix

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