Marina P & Stand High Patrol – Summer On Mars

Stand High Patrol n'est pas de ces groupes qui aiment à se reposer sur leurs lauriers. Préférant le goût du risque et de l'aventure devant le conformisme confortable, le crew breton n'a jamais sorti deux fois de suite le même album. Après un Midnight Walkers typiquement reggae/dub digital, A Matter Of Scale (la grosse chronique ici) arpentait des chemins plus jazzy pendant que The Shift (la grosse chronique ici) se voulait comme un hommage au boom-bap.

Avec Summer On Mars (paru le 9 novembre dernier), comme l'on pouvait s'y attendre, Stand High Patrol n'a pas cédé au chant des sirènes de la facilité. Et pour cause ! Si l'on retrouve, comme l'accoutumée un Pupajim à la composition (mais curieusement absent sur les parties vocales, hormis sur un titre), le groupe s'est entouré d'une nouvelle recrue pour ce quatrième album. Enfin nouvelle, pas tant que cela, puisque Marina P est une collaboratrice de longue date de SHP sur scène. Néanmoins, les artistes n'avaient encore jamais travaillé ensemble sur disque. C'est désormais chose faite avec ce Summer On Mars.

Nouvelle recrue donc nouvelle esthétique, cela va sans dire. Même si l'on reconnaît indéniablement la patte SHP ici, force est de constater que Summer On Mars vient encore repousser les limites (si tant est qu'il existe des limites) du groupe avec un son très anglais, et principalement trip-hop, voire dubstep des débuts (façon Burial et Skream), lorsque celui-ci cherchait encore à s'affranchir des beats techno ou house. Plusieurs styles cohabitent ainsi sur cette galette, du hip-hop à la soul, du dub à la techno minimal, du dubstep au trip-hop, ce qui en fait une œuvre très versatile et qui serait la rencontre entre le Ekphrön d'High Tone, l'opus le plus expérimental des Lyonnais, et le Playground de Stepart (la grosse chronique ici), justement sorti chez Stand High Records l'année dernière et qui, déjà, condensait des influences techno, dubstep minimal et soul dans une ambiance electro, indus et très froide.

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Si nous nous référons à Ekphrön d'High Tone, c'est parce que cet album, bien que très éloigné du dub, avait été réalisé selon les techniques propres au genre. Il en va de même avec Summer On Mars et qui, intrinsèquement, demeure très expérimental également, encore plus qu'A Matter Of Scale, ou comment redéfinir encore et encore le dubadub.

Ainsi, pour poursuivre sa quête du Graal dubadub, il fallait donc se renouveler pour SHP. Et pour se renouveler, il fallait du sang neuf, de la fraîcheur et qui de mieux que Marina P pour mener à bien cette mission ? D'autant plus que, bien qu'opérant au sein du game reggae/dub français, la chanteuse italienne n'a pourtant rien d'une Sister Nancy ou d'une Judy Mowatt ; les filiations il faudrait plutôt les rechercher du côté de Marlena Shaw ou de Shara Nelson, c'est-à-dire de la soul. C'est déjà ce que l'on avait affirmé à travers sa rencontre avec The Radiators (la grosse chronique ici) et avec KSD (la grosse chronique ici). Le dub français, après avoir largement rendu hommage aux pères spirituels que sont King Tubby, Jah Shaka et consorts, serait-il en train de se diriger, entre autres, vers une soul expérimentale, de la même manière que Massive Attack, Portishead et Morcheeba l'avaient déjà envisagé au cours des années 90 ? On est en droit de le penser et même Dub FX, le globe-trotter australien s'est aussi permis de faire du Portishead récemment avec sa dernière vidéo avec Sahida Apsara et le saxophoniste Mr Woodnote (voir ici).

Ce n'est par conséquent pas un hasard si l'on entend le vent (celui de Brest ?) sur le titre d'ouverture, "Working Class", symbole d'un souffle nouveau jeté sur le dub français. Marina P se pose d'ailleurs pratiquement a capella sur ce morceau très épuré (hormis le vent ne résonnent juste un tambourin et le crépitement d'un vinyle), hommage rendu à la classe ouvrière.
Sur les trois tracks suivants, "Atmosphere", "Landlord" et "Fragile", on ressent une certaine ambiance à la Aphex Twin, artiste ayant émergé à la même époque que la vague trip-hop, avec leurs nappes de synthé ambiant et leurs beats qui lorgnent entre la techno et l'electro ; mais c'est un Aphex Twin qui aurait été passé à la moulinette Massive Attack ou Portishead. Quoiqu'il en soit, ces titres sont à double tranchant, à la fois mélancoliques et enjoués.

Cette dualité est également à l'œuvre sur "Spring Rain", où le renfort de Merry à la trompette acte ce constat. Les basses digitales emblématiques de SHP viennent se manifester alors que le beat se fait par contre plus hip-hop ici, inaugurant ainsi un nouveau chapitre dans ce Summer On Mars.

En effet, le hip-hop façon West Coast (normal, les SHP viennent de Brest, ville représentant la West Coast française) marque de son empreinte "Dreamcatcher" et "Raw Lines". Et là encore sur "Dreamcatcher", on ressent un certain contraste entre une Marina P qui, bien loin de prendre le pas d'un Snoop Dogg, conserve son timbre soul, pendant que Pupajim, sur sa seule apparition dans l'album, oscille entre flow mélodique et plus toasté.
Quant à "Raw Lines", il s'agit peut-être du titre le plus abouti sur ce Summer On Mars, celui dans lequel SHP a su réunir dans un seul et même son, mélodies à la Aphex Twin, hip-hop de Dr Dre, nappes planantes à la Massive Attack et interprétation à la Portishead. On ne demandait pas mieux pour chiller !!

L'album se termine par deux morceaux reggae, c'est-à-dire où se propage un skank. Le track éponyme conserve tout de même une trame hip-hop avec une grosse bass line, reconnaissable entre mille, à la SHP, bass line digitale que l'on retrouve sur "Rosetta" qui aurait d'ailleurs pu tout à fait figurer sur Midnight Walkers et qui retentit comme un hommage au mythique "Karmacoma" de Massive Attack sur le tout aussi mythique Protection qui sera remixé plus tard par Mad Professor.

TRACKLIST

1. Working Class   
2. Atmosphere  
3. Landlord   
4. Fragile  
5. Spring Rain    
6. Dreamcatcher ft Pupajim 
7. Raw Lines   
8. Summer on Mars   
9. Rosetta

Artistes : Marina P & Stand High Patrol
Album : Summer On Mars
Label : Stand High Records
Date de sortie : 09/11/2018

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NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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