Fatbabs – Music Is For Kids

Fatbabs n'est désormais plus un inconnu pour les massives français. Pour tous ceux qui suivent assidûment Naâman, il est l'un des artisans incontestables du succès du jeune Normand sur la scène hexagonale. Mais s'il opérait dans l'ombre du chanteur jusqu'à ces dernières années, il a fini par sortir peu à peu de sa place de beatmaker de Naâman pour se lancer lui aussi dans son projet solo.

Alors certes, Fatbabs est toujours l'un des fidèles lieutenants de l'auteur de Beyond (la grosse chronique ici), mais il est vrai qu'il acquis une certaine part d'autonomie depuis 2017, millésime au cours duquel il publiait un excellent premier EP, Daily Jam (la grosse chronique ici), qui faisait état de ses différentes influences : hip-hop, soul, funk, trip-hop, pop, un peu d'electro et...très peu de reggae. Puis, deux ans plus tard, il récidivait avec Holidays (la grosse chronique ici) qui confirmait son éclectisme et son ouverture musicale et qui était en quelque sorte un prélude à un projet plus complet à paraître six mois plus tard. 

En effet, le 15 novembre, Fatbabs sortira son premier véritable album, Music Is For Kids, chez Big Scoop Records après avoir choisi le format court de l'EP ; autrement dit de transformer l'essai brillamment accompli sur Daily Jam et Holidays.

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Et si nous parlions de "prélude" à propos de ce dernier, c'est pour deux raisons : tout d'abord, parce que deux titres figurent sur les deux productions, "Keep On Rollin" et "Lalala" (avec Naâman, forcément) et d'autre part la pochette de Holidays qui annonçait celle de l'album où l'on voyait un Fatbabs enfant en train de faire de la balançoire. Le titre était ainsi tout trouvé pour sa nouvelle galette, Music Is For Kids, d'autant plus qu'ici le beatmaker est entouré d'une ribambelle de gamins devant le Mont-Saint-Michel. On croirait, à juste titre, regarder une photo de vacances. Lourd de symboles !

Tout renvoie par conséquent à l'évasion, à l'insouciance, comme peuvent l'être le temps des vacances et de l'enfance. Et ça tombe bien, puisque ce Music Is For Kids est particulièrement adéquat pour se détacher des tracas du quotidien. Dommage qu'il ne soit pas sorti avant l'été, on l'aurait bien écouté sur la plage ou en train de chiller en terrasse. Mais disons qu'il tombe à pic pour oublier la pluie et la grisaille ambiantes.

Bref, trêve de considérations météorologiques, penchons-nous plutôt sur le contenu de cet album. Celui-ci s'ouvre par...un titre reggae, "A quoi tu penses ?" en feat. avec Naë sur un riddim qui rappelle les Wailers, autant par la batterie que par les claviers ou la ligne de basse. Mais pour celles et ceux qui s'attendraient à un opus strickly reggae, ils seront très rapidement déçus, puisqu'il s'agit pratiquement du seul morceau reggae à recenser ici. Fatbabs l'a casé au début, de sorte qu'il en soit vite débarassé...

Mais outre cet intérêt pour le genre né à Kingston, ce qui nous interpelle à travers "A quoi tu penses", c'est la présence de Naë. En effet, nombreuses sont les femmes à être intervenues sur ce Music Is For Kids et Fatbabs a d'ailleurs composé un "Woman" dédié à la gente féminine avec des parties vocales par Jazz P, MC Kaur et la fusée écossaise, Soom T qui se pose là sur un beat qui nous remémore ceux que l'on entendait sur son Free As A Bird (la grosse chronique ici). Fatbabs signe avec "Woman" une instru à la croisée du hip-hop et du funk, perdue quelque part entre Grandmaster Flash, Zapp & Roger (les voix au vocoder) ou le G-Funk de Dr Dre. C'est également notre ressenti concernant "Keep On Rollin" avec Naâman et Demi Portion qui, décidément, n'en finit plus de collaborer avec des artistes reggae.

Mais revenons aux participations féminines, puisqu'il s'agit de l'une des composantes essentielles de ce Music Is For Kids (ou plutôt Music Is For Women). Avec Rachel Lacroix sur  "Sad Owl", Fatbabs nous a concocté une prod funk et jazzy garnie d'une trompette latino, d'un ukulélé et du bruit des vagues venant s'échouer sur le rivage. Quand on vous dit que cet album aurait dû sortir avant l'été !
Avec "Life Is A Child", on se délecte de la voix captivante et délicate de Madeline sur une prod trap de Fatbabs nuancée par des mélodies et arrangements suaves. On retrouve cette même association lourde et délicate (notamment via les violons) sur "Celestial Dance" où vient s'exprimer le duo mixte composé de Floretha et de Joey Larsé, mais aussi sur "Relate" façon Moby en feat. avec Marcus Gad, l'un des meilleurs artisans du deep roots actuel.

Car si Fatbabs n'a (presque) pas produit de reggae, il ne s'est pas moins entouré d'artistes se revendiquant du genre. C'est cependant sur des instrus dub qu'on pourra les entendre. En premier lieu, les Jahneration qui, après leurs expérimentations rock n'roll sur leur dernier album Stuck In The Middle (la grosse chronique ici) se retrouvent sur l'excellent "Close To Me", un concentré de dub et de trap, comme si Bill Laswell avait rencontré les instrus les plus smooth de DJ Snake. Quant à Sizzla, le seul et l'unique, on se réjouit fortement de pouvoir l'entendre sur cet album. Lui qui avait sorti l'un des meilleurs albums reggae/dancehall de la décennie en 2017, le somptueux I'm Yours (la grosse chronique ici), se retrouve sur une prod oscillant entre trap et dub stepper de Fatbabs, démontrant une fois de plus que le Jamaïcain ne se soucie guère des étiquettes musicales. 
Puis, c'est toute la bande proche de Naâman qui se réunit sur une sorte de "We All" 2 (voir ici) sur "Lalala". On comprend dès lors l'envie qu'avaient tous ces potes de se retrouver pour partager la vibe, mais ce "Lalala" ne contient pas l'énergie et l'efficacité nécessaires du titre initial pour nous faire skanker, d'autant plus qu'il s'intègre mal au contenu intégral de l'album.

En effet, la ligne directrice de l'opus reste quand même une ambiance à la fois "lourde et suave" pour reprendre nos termes plus haut. Et cette définition trouve son paroxysme dans le magnifique "Enfants De La Terre" sublimé par la voix magnifique d'Adil Smaali et dans lequel Fatbabs a mis toute sa virtuosité de beatmaker éclectique : un beat hip-hop/dancehall, des synthés house (probablement le Korg M1), du violon, de la trompette, etc... Une véritable leçon de composition. Et on est d'autant plus subjugué par le très beau "Like A Melody" aux influences soul et gospel avec Mood SupaChild et un Naâman qui confirme avec brio ses récentes inflexions soul et pop dans son Beyond.

Et pour rester sur cette ambiance chill, on ne peut que croire que Fatbabs s'inscrit dans la lignée d'un certain Petit Biscuit tellement "Inspiration" ressemble à l'electro posé de l'auteur de "Memories" et "Sunset Lover" qu'il s'agisse du beat ou des voix samplées. Au fait, Petit Biscuit ne serait-il pas Normand lui aussi ?
C'est également par deux instrumentaux que Fatbabs conclut son Music Is For Kids. Tout d'abord, le titre éponyme à base d'electro, de trompette et de guitare hispanisante, et ensuite "Pages" qui mélange la soul, des cuivres mexicains, un solo de guitare, encore des violons et curieusement...le reggae. La boucle est bouclée !

Artiste : Fatbabs
Album : Music Is For Kids
Label : Big Scoop Records
Date de sortie : 15/11/2019

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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