Jah Jazz Orchestra – Introducing Jah Jazz Orchestra

« La musique est un cri qui vient de l’intérieur » comme le chante si bien Bernard Lavilliers dans sa chanson "Noir et blanc" et sorti sur l’album mythique Voleur de feu en 1986. Et chacun peut y voir une relecture de la musique quand elle est jouée ‘avec les tripes’.

Impulsé par le contrebassiste et arrangeur Yves Marcotte celui-ci a fait le pari à travers le groupe Jah Jazz Orchestra, de revenir aux racines du ska, initialement une vision jamaïcaine du jazz et du rhythm’n’blues,– pour les prolonger dans une musique instrumentale explosive, mélange de groove, d’improvisation et d’arrangement à la sauce big band.

S’attaquer à certains monuments n’est jamais chose facile et à travers ces 12 titres judicieusement choisis, Yves Marcotte nous emmène dans une 4ème dimension musicale et signe cet album chez Brixton records.

Jah Jazz Orchestra, Ska, Brixton records, Skatalites

Et quel plaisir de découvrir des reprises des légendaires Skatalites à travers 2 titres, tout d’abord le "King Solomon" sorti au Studio One et qui apparait sur de nombreux 45 tours, aux cotés de Roy Richards ("Port o Jam"), Delroy Wilson ("Conquer me"), Souls Vendor ("Black Mans Dub") ou encore Brentfort All Stars ("Ska tom"). On savait les Skatalistes (tout comme Clemend Dood) très influencés par les musiques US d’époque. Le Jah Jazz Orchestra pousse encore plus loin dans le jazz sur le début de chansons avant qu’ils n’acccèlèrent le tempo avec une contrebasse bien présente et du ska cuivré que n’aurait pas renié un Don Drummond. Le solo en est magistral.

Le deuxième morceau des Skatalites est "Ska la parisienne", apparu en 45 tours, en face B du trop méconnu chanteur R’n’B jamaicain Jimmy James avec son "Swing Dow the line" (repris des décennies plus tard par Jim Murple Memorial). Même démarrage sur la batterie pour ce titre reprenant quasi la même rythmique quelques 60 ans après, se différenciant sur la fin par un jam du plus bel effet.

"Work Song" de Charles Mingus, qui date de 1956 (album Mingus at the Bohemian) donne la part belle à la contrebasse pour partir dans un ska déjanté. C’est une explosion joyeuse de cuivres qui ne pourra que satisfaire les fans de ces instruments nobles trop souvent de nos jours joués par des synthétiseurs froids, sans âme véritable.

"Just Ska with me" est une  adaption de "Just Squeeze me" du grand Duke Ellington date de 1941 et qui est un standard du jazz, repris entre autres par Miles Davis, Marvin Gaye, Sarah vaughan et la délicieuse Janis Martin. L’orgue est digne d’une partition d’un Jacky Mittoo et les solos/duels trombone, saxophone et trompettes nous transportent directement dans ces soirées fumeuses d’un night club du coté du Queens, de Brooklyn ou du Kingston des années 50’s.

On retrouvera une autre reprise de Duke Ellington sur "The mystery song" de 1929 (ou 1931, les dates divergent quelques peu) avec une énorme surprise dans la rythmique car nous passons dans la dimension reggae/jazz avec dès l’intro une basse qui rappelle le "Natural mystic" de Bob Marley. Mystique est bien le mot pour un morceau qui transporte loin de la turpitude du quotidien ambiant. Une belle réverb sur la fin de morceau qui nous fait passer dans un dub bien senti.

Autre légende à être revisitée, le grand Dizzie Gillespie avec son titre le plus célèbre "Manteca", qui date de 1947 et qui pour l’occasion a été rebaptisé "Manteska". Il faut reconnaître qu’avec ses influences mambo, il est reconnu comme le premier morceau de jazz latin (tiens cela rappelle aussi le "ska latin" des Skatalites), cela ne pouvait donner qu’un titre qui provoque des fourmis dans les jambes même si on peut être pris à contre-pied sans jeu de mot par une alternance de rapidité et lenteur du morceau avant de repartir sur une vitesse à donner un agréable vertige, ce qui en fait un hybride, les jeux de batterie et guitare étant essentiels sur ce titre.

"Fools rush in" ("Where Angels Fear To Tread") composé par Rube Bloom et des paroles par Johnny Mercer est un monument de la chanson US chantée à la base par The Four Freshman et a été repris par Ricky Nelson, Frank Sinatra ou encore Elvis Presley . Jah Jazz Orchestra lui donne un côté plus sombre, plus feutré, la batterie oeuvrant sur un tempo reggae et un très joli jeu du trombone qui donne envie de claquer des doigts façon crooner tout en se balançant sur ce morceau entrainant.

"Black narcissus", joué par Joe Henderson en 1976 sonnait comme un jazz fusion, style film policier avec une intrigue alambiquée. Jah Jazz Orchestra le revisite, et le magnifie avec des cuivres puissants et un joli contretemps sur la contrebasse/batterie qui rappelle que même s’il existe des écoles de musiques, il y aussi beaucoup de feeling dans l’approche des notes des différentes portées.

Avec "Tin Tin Deo", joué à l’origine par Walter ‘Gil’ Fuler et  Dizzie Gillepsie, on accélère le rythme, là encore on sent le plaisir à jouer de tous les musiciens avec un superbe solo de la contrebasse qui ravira les amateurs de Lloyd Brevett, le contrebassiste original des Skatalites. Et que dire du solo trompette qui nous fait bouger la tête pour envahir tout notre corps.

"Nutville" joué initialement par Horace Silver nous donne aussi un savant dosage de jazz et de Ska enragé avec des accélérations du rythme et de superbes prises de pouvoir des cuivres.

Jah Jazz Orchestra, Ska, Brixton records, Skatalites

Il faut quand même savoir que tous les morceaux ont été enregistrés en l’espace de 2 jours seulement lors d’une session intense au Blend Studio par Antoine Estoppey. On ressent tout le plaisir et l’intensité des musiciens à se rencontrer qui donnent les lettres de noblesse à la musique jamaïcaine et du jazz : lumineuse et sombre, profonde et enjouée, simple et raffinée, mais toujours ancrée dans la tradition.
Le mix s’est effectué au studio Retromixer par Top’s et le mastering au Basst Hit Studio par Dave Darlington.

La pochette, haute en couleur et qui rappelle en même temps les anciennes pochettes de jazz ou de ska a été confiée à Félix Vincent.

Tout ce beau monde a été produit et dirigé artistiquement par Yves Marcotte, que l’on retrouve aussi derrière la (contre)basse.
Aux autres instruments, nous retrouvons des musiciens de tout horizon, Léon Phal au sax alto, Louis Billette sax tenor, Shems Bendali à la trompette, Zacharie Ksyk à la trompette et trombone, William Jacquemet au trombone,Andrew Audiger au piano et claviers, Théo Duboule à la guitare et François Christe à la batterie.

Ont été aussi invités sur cet album, Solal Excoffier à la guitare, Anthony Dietrich Buclin au trombone et Arthur Donnot au sax baryton.

Vous l’aurez compris, il s’agit là d’un album parfait, qui au-delà de la machine à remonter le temps (jusque dans les années 1930’s) vous fait (re)découvir des musiques non pas d’une autre époque mais des morceaux intemporels que l’on peut même considérer comme éternels. Le graal musical.

Jah Jazz Orchestra – Introducing…
Brixton Records
Sortie  le 9 novembre 2020
Disponible en CD, Vinyl
Et sur toutes les plateformes de téléchargement légal

Trackslist :
  1. Ska La Parisienne 
  2. Just Ska With Me 
  3. Black Narcissus
  4. Fools Rush In
  5. Work Song  
  6. King Solomon 
  7. The Mystery Song 
  8. Manteska  
  9. St. Louis Skank
10. Tin Tin Deo
11. Nutville
12. Let’s Cool One

 

close

Ne perdez pas un instant

Soyez le premier à être au courant des actus de La Grosse Radio

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

NOTE DE L'AUTEUR : 10 / 10



Partagez cet article sur vos réseaux sociaux :

Ces artistes en relation peuvent aussi vous intéresser...