Comment ça, The Night Flight Orchestra n'a jamais été chroniqué à La Grosse Radio ? Pourtant, qu'est-ce qu'on aime ce groupe dérivé de Soilwork (qui pourtant n'a pas grand chose à voir musicalement) distillant de bonnes ondes positives à grand renfort de rock des années 80. Pour le nouvel album, intitulé Give us the Moon, le pari de la joie et de la bonne humeur n'était pas gagné.

En effet, The Night Flight Orchestra revient de loin, entre période de pandémie et surtout décès du membre fondateur David Andersson. Certes, ce dernier n'était plus vraiment présent (mentalement et physiquement) mais lors de notre interview avec le chanteur Björn Strid, nous avons bien senti que la blessure n'était pas refermée et qu'il a fallu rebondir.
Toujours fidèle à l'univers aéronautique, l'album s'ouvre sur "Final Call", une petite intro où s'entend une hôtesse d'aéroport appelant les membres du groupe à se rendre en porte d'embarquement. Et c'est parti pour un voyage vers les années 80 où tout était plus facile, où on pouvait prendre l'avion sans enlever ses chaussures ni mettre son shampooing dans une fiole de 3 ml. Pour ceux qui n'ont jamais écouté The Night Flight Orchestra, c'est bien simple : vous prenez ce qu'il y a de mieux dans les années 80 au niveau musical comme Toto, Genesis (oui oui même leur période plus pop), Styx, Blondie et vous mettez tout cela dans un shaker. Décennie encore boudée il y a quelques années, elle revient largement sur le devant de la scène grâce à des artistes comme Ghost, Muse ou même encore Dua Lipa. Et c'est là qu'on se rend compte que même si les années 70 c'était vraiment la base du rock classique, que les années 90 déchiraient tout au niveau metal, il y avait du bon dans les années 80.
La production magnifique est assez orientée vers les claviers avec des références à Steve Porcaro (Toto) ou Tony Banks (Genesis). Impossible de ne pas penser à "Turn it on Again" ou "Rosanna" sur certains titres. Le groupe pourrait se contenter de faire des compositions feel good très accessibles, impression à l'écoute de "Stratus" mais en tendant l'oreille, il se passe plein de choses en arrière-plan . Certes la guitare est un peu plus en retrait mais les guitaristes Rasmus Ehrnborn et Sebastian Forslund se sont vraiment donnés à fond pour rendre hommage à David Andersson. Par ailleurs, tout le groupe lui rend hommage en interprétant sa composition intitulée "Like the Beating of a Heart" qui fait penser directement à "Hot Stuff" de Donna Summer dans le riff d'entrée et à "I Was Made for Loving You" de Kiss. Pas très metal comparé à Soilwork mais c'est un vrai plaisir coupable. Même chose pour "Miraculous" avec ses claviers très ABBA qui horripilent en général les "haters" du groupe Ghost. Autre pépite disco, le morceau éponyme "Give Us the Moon" qui fera danser même le plus sombre des fans de Cannibal Corpse et chanter en cœur tout le Hellfest avec son refrain imparable.
The Night Flight Orchestra ne se contente pas de nous faire voyager dans le temps, il nous entraîne aussi dans l'espace. Coutumier du fait, le groupe aime faire référence à plusieurs villes comme dans "Melbourne, May I", ses riffs très Genesis et son refrain qui met la patate ou "A Paris Point of View", sorte de Emily in Paris avec tous les stéréotypes possibles. Ce dernier fait penser à "Parade", LE morceau des Jeux Olympiques de ... Paris justement, mais si en faisant bien attention aux paroles, on trouve de petites références à ces clichés qui font de la France un si beau pays (ou non). Il convient de louer les efforts du chanteur Björn Strid pour parler français et grâce à sa diction parfaites, les textes sont extrêmement compréhensibles. Evoquons également sa polyvalence et sa voix magnifique, qui impressionneront pas mal d'auditeurs, surtout ceux qui connaissent plus son côté heavy dans Soilwork.
Même si le groupe s'attaque à un style décrié parce que "plus accessible que le rock des années 70", il nous offre une odyssée prog pour clore l'album avec le morceau fleuve "Stewardess, Empress, Hot Mess (and the Captain of Pain)". Il se permet même de bifurquer vers les années 60 avec ce petit rythme yéyé pour revenir vers une ambiance plus "Mamma Mia". Même constat pour "Cosmic Tide" avec son riff très complexe au clavinet. Ce n'est pas parce qu'on fait des "ohohoh" dans un refrain et qu'on utilise une gamme majeure, qu'on ne peut pas faire de la musique intelligente. "Shooting Velvet" par exemple fera grincer des dents à la première écoute avec sa succession harmonique très classique mais en tendant bien l'oreille, on se rend compte qu'il y a toujours une subtilité, un changement d'accord qui complexifie la musique.
Bref vous l'aurez compris, The Night Flight Orchestra c'est comme la blanquette de votre grand-mère que vous mangez depuis quarante ans : c'est accessible, c'est pas révolutionnaire, c'est pas végan (mais sans gluten sauf si vous vous gavez de pain de campagne), mais bon dieu que c'est bon et jamais vous n'avez réussi à refaire la recette. Give us the Moon est un album indispensable en ces temps moroses. Alors certes il est possible de se réfugier dans un album de folk metal scandinave pour évoquer le froid, dans un bon gros hard rock qui tâche mais franchement, qui n'a pas envie de découvrir ou de retrouver l'insouciance des années 80, d'assumer le kitsch et de s'éclater.
Cet opus ne révolutionnera pas le rock (et encore moins le metal puisqu'il ne l'est pas) mais promet de bons moments à chanter à tue-tête dans la bagnole ou en live puisque le groupe nous fait le plaisir de nous rendre visite pour deux dates. Bref courrez vous faire du bien, ce n'est certes pas remboursé par la Sécu, vous aurez peut-être mal à la gorge à forcer de reprendre les refrains, vous aurez peut-être mal aux cervicales à force de secouer la tête (et l'osthéo n'est pas non plus remboursé) mais au moins vous irez mieux. Et pour ça, on dit merci The Night Flight Orchestra.
Crédits photo : DR Laura Florin.
Tracklist
1. Final Call (Intro)
2. Stratus
3. Shooting Velvet
4. Like The Beating Of A Heart
5. Melbourne, May I?
6. Miraculous
7. Paloma
8. Cosmic Tide
9. Give Us The Moon
10. A Paris Point Of View
11. Runaways
12. Way To Spend The Night
13. Stewardess, Empress, Hot Mess (And The Captain Of Pain)
Album disponible le 31 janvier ici sur le label Napalm Records
