Empyre : entretien avec le chanteur Henrik Steenholdt

Ce vendredi 31 mars sort Relentless, troisième album d’Empyre, formation britannique prometteuse qui donne dans le heavy rock mélancolique. Nous avons pu nous entretenir avec le sympathique frontman Henrik Steenholdt à propos de la genèse du groupe et de son actualité.

Bonjour Henrik, merci d’être avec nous aujourd’hui. Peux-tu commencer par présenter à nos lecteurs les membres d’Empyre, vos influences ainsi que votre style musical ?

Merci à vous de me recevoir ! D’abord, ce n’est pas facile de décrire le style musical d’Empyre, en tout cas en un mot ou un genre. Je vais d’abord commencer par nous présenter : je suis Henrik, au chant principal et à la guitare rythmique la plupart du temps, et je suis également l’un des compositeurs. Notre guitariste lead est Did Cole. Occasionnellement, nous échangeons les rôles et il passe à la guitare rythmique, c’est arrivé un peu plus souvent pour cet album-ci. Cependant, c’est un excellent guitariste, bien meilleur que moi en tout cas ! Grant Hockley est notre bassiste, et Elliot Bale notre batteur.

Elliot est le plus jeune du groupe, ses influences sont plus du côté du rock moderne et de la musique country, alors que Grant a un background complètement prog : beaucoup de ses groupes favoris font partie du label Kscope que nous avons rejoint récemment. C’est lui qui m’a fait connaître des groupes comme Porcupine Tree et The Pineapple Thief. Did apprécie également la country, mais à part ça c’est celui qui se rapproche le plus de moi en termes d’influences : on a grandi en écoutant des genres très différents, mais on aimait vraiment le rock assez direct, un peu pop, des années 80, et surtout le rock des années 90.

Ma première rencontre avec le rock s’est faite avec du rock plutôt doux et atmosphérique, à la Dire Straits, puis je suis passé par des groupes comme les Guns N’Roses, Bon Jovi, Aerosmith, avant de tomber dans le grunge. Did a connu un peu le même parcours, on se rejoint là tous les deux en termes de vision de la musique, et les deux autres musiciens viennent apporter leurs styles. Tu vois, il y a un peu de tout dans nos influences, et je pense que c’est de cette variété que vient le son d’Empyre.

Empyre band 3 2023
Crédit photo : John Blackham

On perçoit dans votre nouvel album une atmosphère assez mélancolique et des thèmes plutôt personnels. Y a-t-il une sorte de fil rouge thématique dans Relentless ?

Oui, c’est vrai que la mélancolie est vraiment un aspect important de la musique d’Empyre. Je pense que ça s’explique par le fait que j’aime ces chansons à l’ambiance un peu triste dont on parlait juste avant, plus que des chansons festives ou joyeuses. Les morceaux avec des éléments mélancoliques m’ont toujours plus parlé.

Pour l’album, je dirais qu’il faut regarder la progression des morceaux et la tracklist. La première piste, "Relentless", et un titre assez hard rock, plutôt agressif. On voulait montrer cette facette de notre musique d’emblée. Ça peut rappeler certains morceaux assez puissants de notre précédent album, Self-Aware (sorti en 2019, ndlr). "Relentless" parle de confiance en soi, mais avec une colère et une frustration exacerbée. "Waking Light", le morceau suivant, joue un peu sur les mots : on y parle de la construction du groupe Empyre comme de la construction d’un empire.

En fait il n’y a pas vraiment de thème commun, cependant on retrouve un peu cette ambiance sombre dans de nombreux titres. "Parasites", par exemple, traite d’une relation qui tourne mal, on y retrouve aussi la colère qui se mêle à la mélancolie. "Hit & Run" parle de mon retour dans un lieu, au Danemark, que je connaissais bien étant enfant. Ce morceau est censé évoquer une sorte de chaleur, mais montre aussi ce sentiment qu’on a en revenant à un endroit qui n’est plus du tout le même que ce qu’on a connu autrefois. "Forget Me" doit être la chanson la plus triste de tout l’album… En réalité, la plupart des morceaux ont été écrits avec une perspective beaucoup plus personnelle que sur le précédent album, soit à partir de mon ressenti, ou de celui de Did, puisque nous sommes les deux compositeurs principaux.

Justement, parlons du processus de composition. Est-ce que c’est une tâche plutôt individuelle ou collective ? Partez-vous plutôt de la musique ou des paroles pour écrire un titre ?

Ça dépend vraiment des morceaux. Le schéma le plus fréquent, pour ce dernier album, c’est plutôt une première idée trouvée par Did ou par moi, une base couplet / refrain sur laquelle l’autre va travailler pour arriver à quelque chose de plus élaboré. La plupart du temps, c’est la musique qui vient d’abord, mais parfois l’idée de départ est un titre de chanson. Quand j’ai trouvé la ligne de guitare de "Relentless" par exemple, j’imaginais déjà ce riff courir du début à la fin du morceau, de façon implacable, et c’est en toute logique que le titre relentless (en français : impitoyable, implacable ndlr) est venu. Mais généralement, la musique est composée en premier. On donne d’abord des noms de code débiles aux morceaux, et en les jouant on fredonne une mélodie, puis une phrase nous vient, et on part de là en essayant de construire autour de ça.

 

Le planning de l’enregistrement de Relentless a été bouleversé par la situation sanitaire. Raconte-nous comment tout ça s’est passé.

En fait, plus de la moitié des chansons ont été écrites au début de la pandémie. Un titre ou deux avaient déjà été plus ou moins élaborés avant, on avait eu le temps de les jouer ensemble en répétition, mais ça n’a pas été le cas pour les autres. La première année de pandémie, on a beaucoup écrit et enregistré les démos. Une fois que les réglages techniques ont été faits, les gars ont enregistré leurs parties, chacun dans leur coin. Le challenge, après, a été de rassembler toutes ces pistes différentes.

Il a fallu attendre quelques mois pour que Did et moi puissions nous retrouver pour écrire nos parties ensemble. Et même pour le passage en studio, ça a été compliqué, car à l’époque au Royaume-Uni, les confinements s’enchaînaient, avec des niveaux variables de restrictions sanitaires, des jauges en studio à ne pas dépasser, etc. Il a fallu trois sessions d’enregistrement distinctes en studio pour arriver à faire l’album, en enregistrant quatre titres à la fois, pas plus. On a essayé de bosser le mixage à distance, et puis on a changé d’avis, on a donc retrouvé Neil Haynes notre ingénieur du son pour essayer de le faire en studio avec lui, mais ça ne nous convenait toujours pas, puis on a fini par trouver Chris Clancy d'Audioworks qui s’est occupé de mixer l’album. Au final, la genèse de l’album a bien pris un an ! Ça a été très long … mais peut-être que ça a été pour le mieux, finalement. Bien sûr, ça devenait très frustrant de ne pas arriver à finaliser l’album rapidement, mais nous avons vraiment bossé dessus pour essayer de faire du mieux possible, sans précipiter quoique ce soit.

Le mix met en valeur le côté massif de votre musique, et son potentiel à être joué en live, comme du bon arena rock. Et justement, vous avez déclaré avoir l’ambition de jouer sur les plus grandes scènes. Quel programme !

(rires) Tu sais, quand on a commencé à jouer ensemble vers 2016, on s’est demandé ce qu’il fallait faire pour se faire connaître en tant que groupe de rock. Par où commencer, faut-il qu’on prenne un manager, un tourneur ? On n’en savait rien, et on a essayé de nous adresser à plein de gens du milieu. Une des premières personnes qu’on a rencontrées nous a simplement demandé : « Vous voulez faire quoi, exactement ? », et la première chose à laquelle j’ai pensé, c’est que je voulais jouer dans les plus grands festivals d’Europe. À cette époque on n’avait même pas encore terminé d’écrire notre premier album Self-Aware, personne ne nous connaissait, et c’est vrai que ça pouvait sembler complètement stupide ! Aujourd’hui, on se dit qu’on est davantage en position d’espérer. Ce côté arena rock, ça vient du fait que c’est comme ça qu’on écrit notre musique. On a envie de tester notre musique, de la mettre à l’épreuve des grandes scènes. En tout cas, c’est ce que l’on espère, et cette motivation nous anime.

 

Il y a quelques jours, vous avez donné quelques concerts chez vous à Northampton. Le public a pu découvrir des morceaux inédits de ce nouvel album. Comment ont-ils été accueillis ?

Ça s’est très bien passé. Nous sommes très heureux des réactions et de l’accueil du public. Nous n’avons pas forcément l’habitude d’être en tête d’affiche, et là ça a été un peu irréel de présenter plusieurs singles d’un album qui n’était pas encore sorti ! Je garde aussi un excellent souvenir d’un concert en octobre 2022, le jour même où le premier single "Relentless" est sorti. On a annoncé ce morceau, et le public a crié et applaudi : visiblement ils l’avaient déjà écouté plusieurs fois dans la journée ! La semaine dernière à Northampton, il y a eu des réactions sympa des gens à des morceaux comme "Relentless" ou "Parasites" (les deux premiers singles à être sortis, ndlr). Ce ne sont pas encore des morceaux considérés comme des favoris des fans, mais on a vu que le public les apprécie beaucoup, les accueillait chaleureusement, en chantant les paroles, c’est vraiment super.

 

Est-ce que le public français peut espérer vous retrouver bientôt sur scène ?

Je l’espère vraiment. Peut-être dans des festivals comme le Hellfest ou d’autres festivals français, en tout cas nous avons très envie de venir tourner chez vous, et en Europe, et ça se fera sûrement l’an prochain. D’ailleurs il y a eu de très bonnes réactions aux premiers singles sortis, en France surtout, je ne m’y attendais pas du tout, c’est une très belle surprise.

Le plus gros problème qui se pose pour les groupes britanniques à l’heure actuelle, tu t’en doutes, c’est de sortir du Royaume-Uni. Ce n’est pas impossible, bien sûr, mais c’est très cher et cela passe par une quantité incroyable de formalités administratives assez dissuasives, depuis le Brexit. Nous avons bon espoir car nous avons signé depuis peu avec une grosse agence de booking, ITB. Ils s’occupent des tournées des Rolling Stones, des Guns N’Roses, Pearl JamOn espère pouvoir partir en tournée comme première partie de groupes assez importants.

 

Tu nous a déjà parlé des groupes avec lesquels vous avez grandi, et que vous considérez comme des références. Mais à l’écoute de l’album, on reconnaît des univers musicaux qui se rapprochent, en fonction des morceaux, de groupes comme Alter Bridge, Audioslave, ou Soundgarden. Cela fait pas mal d’influences américaines ! Quels artistes considères-tu comme tes "héros", musicalement parlant ?

Oui, c’est vrai, ces groupes que tu cites nous ont beaucoup influencés, surtout Did et moi. Avant de créer Empyre, on était dans un groupe de reprises tous les deux, et on jouait des morceaux de groupes qu’on aimait. Ça nous est arrivé de jouer du Alter Bridge, sinon on reprenait pas mal de groupes grunge US de l’époque, parce que c’était la musique qu’on écoutait quand on était jeunes, du Soundgarden, Audioslave ou Stone Temple Pilot. Côté anglais, Dire Straits est un groupe qui a également beaucoup compté pour moi, c’est grâce à eux que je me suis mis au rock. Il y a aussi le groupe américain Extreme que l’on affectionne particulièrement, Grant et moi, et on était très contents de les voir se reformer dans les années 2010. D’ailleurs Nuno Bettencourt (guitariste d’Extreme – et de Rihanna, ndlr) est un guitariste qui m’a beaucoup influencé, au même titre que Mark Knopfler ou Slash. Mes modèles au niveau vocal sont Eddie Vedder, Chris Cornell ou Myles Kennedy. On aime beaucoup tous ces artistes, alors même si notre objectif n’est pas de sonner exactement comme eux, je pense que c’est normal qu’on reconnaisse certaines de ces influences dans notre musique. Une fois, à la fin d’un concert, quelqu’un est venu nous voir et a décrit notre son en disant que c’était comme si Soundgarden et Pink Floyd avaient eu un enfant ensemble. (rires) C’est vrai qu’il y a de l’atmosphérique dans notre musique, et des choses plus heavy aussi.

Beaucoup des groupes que tu cites sont américains, et on retrouve ce grain un peu US dans votre musique mais aussi dans certains de vos clips. Je pense à la vidéo de "Hit & Run", à l’esprit entre ghost town et road trip, où vous êtes filmés au milieu de nulle part.

C’est vrai, c’est l’effet qu’on recherchait en faisant ce clip. Mais contre toute attente, ça a été tourné en Angleterre ! Qui pourrait imaginer le Sud de l’Angleterre comme une région désertique sous une chaleur étouffante ? (rires) Comme je l’ai déjà dit, il s’est passé de longs mois entre l’enregistrement des morceaux et la finalisation de l’album. J’ai donc eu le loisir d’écouter ce morceau de nombreuses fois, au moment où on faisait les choix de singles, et je me suis rendu compte que les meilleures circonstances pour l’écouter, c’était en conduisant, l’été, la fenêtre ouverte. Il y a un air d’été et de road trip qui se dégage du titre.

On a tourné le clip quelques semaines avant de signer avec Kscope, notre nouveau label. On savait déjà que ça allait se faire, et que les choses allaient bouger pour nous, on voulait donc être préparés à ça et on s’est lancés dans un clip un peu plus ambitieux. C’était l’été dernier, à la fin de la canicule, que vous avez aussi connue en France je crois, et on avait choisi le lieu à l’avance, cette station-service abandonnée. On a eu de la chance car il faisait beau et chaud ce jour-là. Dans le clip on pense que c’est perdu au milieu de nulle part. Alors qu’en réalité, c’est juste au bord d’une autoroute, il y avait pas mal de circulation d’ailleurs, et au montage il a fallu s’arranger pour faire disparaître les camions qui passaient derrière nous ! (rires) D’ailleurs, sur notre chaîne Youtube il y a un making of de ce clip, et les images de la caméra à 360° montrent bien les camions juste derrière ma tête !

Pour le dernier single, "Waking Light", tu as réalisé le clip grâce à une technologie d’intelligence artificielle. Raconte-nous cette expérience !

D’abord, la réalisation vidéo et les arts graphiques me passionnent. Un jour, je regardais des vidéos sur l’IA et j’essayais de me familiariser avec ça, et Youtube m’a proposé une vidéo d’une trentaine de secondes de ce qui s’appelle un zoom infini. J’ai trouvé ça captivant, et j’ai voulu essayer d’en faire. J’ai fait une petite séquence test, le résultat m’a plu, et j’ai donc continué. J’ai utilisé des outils d’IA pour créer une œuvre graphique avec cette technique à partir d’un millier d’images variées comprenant, entre autres, des artworks de nos singles, et avec un logiciel After Effect, tout s’est combiné. Ça a dû me prendre une semaine de m’amuser à faire ça. Ça n’est pas quelque chose qui colle vraiment au style visuel d’Empyre, mais c’est plutôt le côté intrigant et fascinant des possibilités offertes par l’IA qui m’a plu, et aussi l’idée de faire quelque chose d’artistiquement innovant, au-delà de toutes les questions éthiques qui posent en ce moment à propos de cette technologie.

 

Le mot de la fin te revient, que souhaiterais-tu dire au public français qui vous découvrent avec Relentless ?

Merci d’avoir écouté les singles, n’hésitez pas à écouter l’album en entier et à aller à la découverte d’Empyre par le biais de notre chaîne Youtube. Vous y trouverez les clips, bien sûr, mais également des vidéos avec la caméra à 360°, en réalité virtuelle, des petites vidéos de making of, des interviews de nous quatre sur l’album, les pochettes. Vous pourrez y découvrir aussi pas mal de nos anciens morceaux et des performances live. Et bien sûr, nous attendons avec impatience de pouvoir venir jouer chez vous !

 

Interview réalisée par Zoom le 20 mars 2023

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