Guitare En Scène 2022 J1 : kilt et stroboscope

Attention à toi qui lis ces lignes, ne va pas vérifier ce qu'on a pu écrire sur les éditions précédentes de Guitare en scène, il est possible que nos introductions se ressemblent ! Ce festival où l'on se sent comme à la maison - certes, nos petits badges colorés font aussi le taf, on y retrouve les mêmes gueules -, où des groupes habitués à de grosses configurations jouent devant un public plus réduit ("l'effet club" ! dira l'ami Zegut !), on l'aime plus que de raison.

Après deux ans d'absence et sous un cagnard qui nous ferait presque préférer la flotte au houblon, revoir les scènes Chapiteau et Village rassemble autant de nostalgie que d'envies d'en découdre devant du gros rock qui tâche. Côté prog, toutes les saveurs sont au rencard, autant d'occasions de s'exciter face à de nouvelles découvertes, des légendes que l'on aurait pas encore vu, que de tirer la grogne face aux sempiternelles rengaines ou aux groupes qui, reprenons l'expression, nous en "touchent une sans bouger l'autre". C'est parti pour une série de textes dithyrambiques, de descentes acerbes noyées sous des punchlines bien trop lourdes, toujours en saluant l'éclectisme d'un événement qui sait varier ses ambiances.

Black Label Society - Scène CHAPITEAU - 20h

Il nous a fallu user de bons mots pour encenser notre cher festival, tant nous n'en avons plus pour parler du premier set auquel nous assistons, celui de Black Label Society. On aurait adoré commencer notre journée par The Prize, et retrouver derrière la six cordes ce cher Christophe Godin. Faisant pourtant partie des murs du festival, chacune de ses venues, qu'elles soient en solo, avec Mörglbl ou ici avec cette nouvelle formation, se veut différente, en plus d'être une parfaite mise en jambe et humeur pour affronter une nuit de concerts. Notre premier raccord amplifié avec les planches Saint-Juliennoises se fait moins chauve et plus barbu, plus bourru aussi. Zakk Wylde et ses acolytes sentent bon l'asphalte, les clubs de bikers jouant aux durs quand ils veulent surtout masquer leur grand cœur aux petits sentiments. Ces derniers, on les retrouve sur le devant de la fosse, accolés à la barrière, occupés qu'ils sont à lever les bras poings fermés, ébahis devant les gros riffs écrasants qui leur font oublier leur prochain passage au contrôle technique. S'il y a bien une autre chose à contrôler, ce sont leurs tympans une heure trente après, tant le son est (trop) fort, dans une tradition rock'n'rollesque un poil trop au pied de la lettre - perpétuée par Airbourne une heure après -, qui confère à la puissance ce que la mélodie oublie. On défie quiconque n'ayant pas récupéré les précieux bouchons d'oreilles offerts gracieusement à divers stands du festival d'avoir entendu autre chose qu'un brouhaha indigeste.
Dommage tant pour une fois, et ça nous tuerait presque de le dire, cette prestation de Black Label Society se situe parmi leurs plus incarnées. L'impression de voir un groupe soudé fait illusion, et change de l'habituel show calibré pour Zakk Wylde, comportant son interminable "solo de guitare", où il parcourt la même pentatonique en boucle devant une foule acquise à l'esbroufe facile. Si la branlette a bien lieu, elle se passe à deux, lors d'un duel où le barbu en chef et Dario Lorina, six cordes derrière la tête, enchaînent les licks sexy, pas vraiment techniques mais qui font leur effet. C'est trop long, toujours, mais c'est bien plus sympa à regarder, d'autant qu'une certaine alchimie est palpable, au-delà du côté très rodé du groupe. Les amateurs et amatrices de gros riffs déplacé(es) pour l'occasion en ont pour leur vestes à patchs - nous aussi on aime le rock, mais merde, fait chaud - : un concert lourd et puissant, qui ne démérite pas sa réputation (pour une fois!) de rouleau compresseur scénique. Pour les autres, dont nous faisons partie, la constatation est similaire, mais teintée de certaines nuances : un concert lourd, puissant deux trois morceaux, pour un groupe qui ne démérite pas sa réputation d'usine à titre unique. C'est selon.

Airbourne - Scène CHAPITEAU - 22h

Après la bande à Zakk Wylde, ce sont les Australiens d'Airbourne qui investissent la scène du Chapiteau ! En pleine tournée intensive, on appréhende l'état vocal de Joel O'Keefe. Surtout quand, au détour d'une date Maiden-esque en Allemagne, on a pu se rendre compte que le dit Joel semblait déjà cramé quatre jours avant le festival de St-Julien. Mais avec une taille bien plus modeste que les stadiums, arenas et autres Mainstage qu'Airbourne fréquente en ce moment, on se dit que ça peut sûrement donner quelque chose d'intéressant, voire sembler intimiste pour les quatre drôles. La bande son façon Terminator retentit, deux coups de cymbales, et le combo nous balance son "Ready To Rock", début de set obligatoire pour lancer les hostilités. Comme on l'a dit, le son est effectivement très fort aujourd'hui, et ce n'est clairement pas pour Airbourne qu'il baissera. Les bouchons sont salvateurs !

Quiconque connaît un minimum le groupe ne sera pas surpris, l'énergie déployée ici est impressionnante. Ok, il faut désormais tirer un trait sur le temps où Joel grimpait sur tout ce qui bouge pas et se créait des parcours d'obstacles avec les amplis, mais les autres comparses sont loin d'être statiques. Tel son mentor Angus, Joel traverse la scène en courant, fait du duckwalk, ou headbangue en synchronisation avec Justin Street (basse) et Jarrad Morrice (le guitariste rythmique en place depuis cette année) : bref, il fait le show. Si vocalement Joel semble un peu juste, la setlist est en revanche dans le haut du panier de la tournée. Les réguliers sont au rendez-vous, on pense à "Back In The Game", "Boneshaker" ou le rappel sur "Live It Up", "Raise The Flag" et "Running Wild". Les classiques lancers de verres de bière dans le public et distribution d'un whisky-coca beaucoup trop chargé aussi. Ce soir, on a en revanche droit à deux autres classiques de Running Wild, "Too Much, Too Young, Too Fast" et "Stand Up For Rock 'n' Roll", pour notre plus grand plaisir. Taille réduite oblige, c'est directement au milieu de la foule que Joel se balade à dos d'agent de sécurité pendant "Girls In Black", quand au Hellfest il devait se contenter du crash barrière. Si on peut toujours regretter un groupe assagi ou en mode pilote automatique depuis un peu trop longtemps, il est difficile de ne pas se laisser embarquer par la machine australienne.

Last Train - Scène VILLAGE - 23h40

Seul groupe modérément soft de la journée, Last Train a l'honneur de clore la première journée de Guitare En Scène. Phénomène encensé sur les scènes de l'Hexagone et en festivals depuis un bon paquet d'années maintenant, c'est la toute première fois que le groupe alsacien se produit à Guitare En Scène. Encensé par le public et par les présentateurs : Monsieur Zégut lui-même reste sur scène pendant tout le début du set. Loin de la disto omniprésente et des larsens réguliers des deux premiers groupes, le rock alternatif que nous propose Last Train est teinté de nuances. L'intensité des riffs trouve un écho dans le chant de Jean-Noël, le quatuor bien statique, chacun à son poste pendant la majorité du set, les jeux de lumière stroboscopique habillant le set du plus bel effet. À plusieurs moments en revanche, les trois guitaristes se retournent vers le batteur et le groupe montre une communion interne. Un set un poil calibré, qui ne se permet pas une minute improvisée, mais qui dans son exécution a le mérite de fonctionner. Les ambiances développées dans ces passages seront malheureusement gâchées par la corne de brume d'un festivalier, pour qui ça n'allait pas assez vite ou assez fort. L'entendre beugler à d'autres moments, couvert par la saturation des guitares n'est pas un souci, mais pendant des passages tout calme où l'on est censé planer, c'est pas très sympa, monsieur. On a apprécié ce set en conclusion de cette première journée, quoique, ce serait oublier la Jam prévue sous le chapiteau.

Ah, la jam. Ce moment toujours très attendu par les festivaliers et l'organisation, l'ADN du lieu vanté par les musiciens et musiciennes, mais qui généralement se conclut sur un enchaînement de morceaux cultes, pas si jammés que ça. Réappropriés par le style propre des musiciens, tout au plus. Les vrais bœufs, improvisés sur le moment, on les croise plus du côté de la scène Village (des relents du superbe set de Manu Lanvin en 2017 s'amoncellent à la rédaction de ces lignes !), et celle organisée des semaines à l'avance par le festival, si elle fait plaisir, fait plus l'impression d'une foire aux curiosités qu'à un moment désiré de communion musicale. Surtout que cette année, les déconvenues sont au rendez-vous. Zakk Wylde, annoncé, ne sera pas de la partie, prétendument en plein vol. Un invité mystérieux, non annoncé - à regarder le profil flouté sur l'affiche, un homme aux cheveux longs et blancs, on hésite entre Mikkey Dee et Pierre-Jean Chalençon -, non plus. Joel O'Keefe, censé opérer à la six cordes tout du long, ne vient que lors du rappel pour chantonner sur "Highway to Hell" (moment bien intense, cela dit !). Heureusement, Gus G, Marco Mendoza, Dino Jelusic, Mario Lepojlavec et Maggy Luyten sont bien au rendez-vous, et ont une belle envie de jouer. S'enchaînent les tubes rock/metal, de "Crazy Train" (Ozzy Osbourne) à "Immigrant Song" (Led Zeppelin) en passant par "Burn" (Deep Purple), pour le plaisir des présent(es). Une setlist logique pour une soirée qui s'est faite sous le joug de formations plus lourdes qu'à l'accoutumée, même si les morceaux ne sont pas toujours agréables à écouter, notamment lorsque les solos sur-shreddés des deux guitaristes oublient le groove originel et s'enfoncent dans la démonstration lourdingue. Pas de jam donc, mais des retrouvailles avec des classiques du genre que l'on reprend sans hésiter, énergie et musiciens qui s'éclatent à l'appui. On préfère les vrais bœufs, mais on ne crache pas sur ces rencontres scéniques que l'on ne peut croiser qu'ici.

Crédits reports : Félix Darricau et Thierry de Pinsun

Crédits photos : Luc Naville et Caroline Moureaux

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