Festival Les Nuits de l’Alligator #1 à La Maroquinerie – Live report du 27 au 29 janvier 2024

18 piges ! Le Festival du Gator, qui essaime la bonne parole de la zik à gratte dans l’hexagone chaque début d’année, est donc majeur. Mais c’est lui qui continue à nous vacciner à haute dose de blues, rock et autres produits dérivés (auxquels nous sommes honteusement et définitivement accros). Ces trois premières soirées furent à l’image des autres éditions, surprenantes, jouissives, riches en connexion avec le public.

Mat Van T. & Bror Gunnar Jansson - 27 janvier

Cette première soirée du gator cru 2024 était one-man-band only, économique, n’est-il pas ? Comme on est fielleux… Le mode solo est tout de même le format originel du bluesman honky tonk man et on ne peut soupçonner la Maroq qui soutient ce festival depuis sa création, de jouer les rapiats. Avec ses blagues à l’accent redneck et son harmo, sa paire de moustaches et sa chevelure dépassant de sa casquette siglée Daily Routine, Il en a blousé plus d’un ce soir-là le Mat Van T. Pas plus ricain que mézigue le gars. Sauf qu’un détail crucial n’a pas échappé à notre regard expert, il portait des chaussettes blanches ! Franchement, ça détonne non ? Ses “I belong to the country”, “Living dead blues” et autres “Falling under your spell” sont eux très convaincants. Il va même jusqu’à yodeliser à la manière des chanteurs country. Et son jeu de guitare, - acoustique comme électrique - et de grosse caisse sont à l’avenant. Mat Van T n’est donc pas de Memphis, mais de Lille ; s’il passe dans l’ch’nord ou ailleurs, allez lui causer en ricain, il appréciera !

En bon dandy invétéré, le Norvégien Bror -“frère” - Gunnar Jansson porte lui ses chaussettes assorties à son costard. Veste pied de poule, vêtu de noir de la tête aux pieds donc, il se déchausse religieusement avant de prendre place derrière son imposant matos et ouvre un carnet, nullement gêné par le fond musical qui continue d’occuper l’espace sonore. Départ en douceur sur “William is back”. Perfide le frérot ; il dissimule derrière cette valse bluesy une sinistre histoire de tueur au couteau… Sa voix est tantôt faussement nasillarde, toujours puissante, accompagnée de savants râles amplifiés par la réverb. Elle ferait revenir illico Robert Johnson de son enfer personnel. Volontiers pince-sans-rire, il s’amuse de jouer sur des grattes cheap (une Danelectro et une Squier à la robe patinée à souhait). De son propre aveu, il est beaucoup question de serpents dans ses textes, mais il excelle surtout dans le portrait en osmose totale avec la musique (le boxeur cubain de “Butch”). Maitrisant à la perfection batterie et pédales d’effets, Bror Gunnar Jansson est aussi à l’aise dans le blues traditionnel, le rock fifties (“Mystery Train”) que dans les longues embardées sauvages à la guitare (“Ain’t no grave”). Heureux qui comme lui fêtait ce soir-là, les dix ans de sa première Maroq, la sortie de l’album à l’époque et surtout le début de sa carrière professionnelle. 

Jimmy Diamond & Israel Nash - 28 janvier 

Les nuits du Gator se suivent et ne se ressemblent pas. C’est sa marque de fabrique et c’est pour ça que cela fonctionne si bien. Deux formations, l’une Néarlandaise, l’autre Ricaine pur jus, pour une soirée sous le signe du classic rock matiné d’Americana. Selon leur présentation sur Facebook, le trio Hollandais de Lemele a à coeur de “s’emparer des racines du rock seventies, qu’ils mixent avec de l’indie rock”. Première partie, première fois en France avec un premier album à défendre. Les pauvres Jimmy Diamond ne sont pas vraiment aidés par le matériel US qui occupe une bonne partie de la scène. Jim Zwinselman, guitariste et lead vocal se retrouve à jardiner tout seul à droite, tandis que Ruud Gielen et Floris Poessé, respectivement batteur et bassiste, se serrent presque l’un contre l’autre à gauche. Cela ne les empêche pas de livrer ce qui semble être un condensé de leur musique ; des morceaux entremêlant moments calmes et passages plus nerveux, le tout guidé d’une voix claire très classique et des soli joliment exécutés. Une prestation encore empreinte de verdeur, mais qui se bonifiera avec le temps. “Two ways street”, morceau final sur lequel ils se lâchent enfin, l’a prouvé. 

L’imposant aigle stylisé qui s’étale sur le fond de scène affiche nettement la couleur ; on est dans l’Amérique des grandes plaines, fière de ses racines. Et manifestement, cette image des États-Unis - devenue moins prégnante ici d’un point de vue musical - résonne encore outre-Atlantique. Le premier rang de la fosse est trusté par des fans, lesquels refusent mordicus de céder un peu de place à notre pauv’ vidéaste. Rien d’étonnant à cela, Israel Nash a tout du chanteur-prédicateur charismatique. Accompagné d’un quarteron de disciples aguerris en backing band, chapeau étoilé et magnifique Gretsch White Falcon en bandoulière, le Texan emballe la salle dès le deuxième titre “Ozark”. Surtout lorsqu’il entonne des Sha La La La vite repris en chœur, même chez les non-convertis. En revanche, sa propension à se lancer dans de longues harangues, certes pleines de conviction, en endort plus d’un. Il a beau se hausser sur la pointe de ses boots, nous prendre à témoin à tour de bras, ses histoires dont il nous a semblé comprendre quelques brides - la musique en tant que force fédératrice, le sort des vétérans - m’évoque une de ses morceaux, “Lost in America”… On finira malgré tout par se retrouver lors du passage intimiste avec son complice Eric Swanson à la pedal steel. Plus convaincant en duo, car moins grandiloquent.   

Theo Lawrence & Nat Myers - 29 janvier 

Une chaise de bar, un ampli, une pédale d’effet et quelques lumières… Ce ne sont pas deux one-man-band qui vont tenir la baraque pour cette troisième nuit de l’Alligator, mais deux jeunots avec leur guitare et leur couteau ! On se gausse, on se gausse ; en fait, cette soirée a été rajoutée en dernière minute. Les programmateurs n’ont sans doute pas voulu priver le public parisien de l’excellent Nat Myers, prévu dans les autres salles de l’Hexagone. Et ils lui ont trouvé un sparring partner en mode miroir, Theo Lawrence, habitué du festival et qui a fait la route depuis Bordeaux où il est désormais installé. Mais c’est l’américain qui se charge du lever de rideau et qui s’installe en mode décontracté. Casquette Robert Finley sur le crâne, dobro sur la jambe, la binouze au pied - il la taquinera plus d’une fois - et une setlist griffonnée sur un bout de papier. L’américain d’origine Coréenne, tombé amoureux du delta blues des origines, est poète et excessivement bavard. Seul souci, il débite sa prose avec un accent sudiste guère compréhensible, même pour des franchouillards amateurs de Bourbon. Hormis les inévitables “you know what I mean” ou les “yes sir” qui ponctuent ses chansons, on ne pigera guère que des références au Titanic, à la Tour Eiffel et la France qu’il découvre. Et au Mad Dog, du “Hobo wine” comme l’indique le titre du morceau sus-nommé. Pas bien grave, son chant digne des plus grands bluesmen et sa virtuosité à la guitare compensent sans problème. Le public est raccord ; il entonnera avec lui des “Love my baby” plus que convaincus.

Je l’ai découvert sous ce même format solo et au même endroit, mais le désormais moins jeune Theo a pas mal changé de braquet ces dernières années. Exit le rock oscillant entre 50 et 60, la pop bluesy flirtant avec la soul, le crooner a fait place au chanteur country pur jus. Exit aussi la gomina et le look rock, place à une coupe plus sage et à un costard à paillettes à rendre verte de jalousie Dolly Parton. Et sur lui, ça passe crème, sans une once de ridicule. Theo Lawrence, c’est la force tranquille, d’une conviction et d’une authenticité qui forcent le respect. Il va nous délivrer en toute complicité une vingtaine de morceaux, très courts et pour la plupart inédits, commençant tous par les mêmes accords selon lui. Theo Lawrence évoque les figures mythiques américaines, le trucker (“California Poppy”), le galant destructeur de foyer (“Homewrecker), le country Gentelman ou l’amoureux éconduit pyromane (“Prairie fire”). Ou de personnages telle cette patronne d’un bar musical d’Austin, à laquelle il rend hommage (“Penny’s chair”). Theo Lawrence s’inscrit totalement dans la veine naturaliste du style musical qu’il a décidé de transcender et il est bien possible qu’il creuse ce sillon pendant un moment.

Crédit photos : David Poulain / David Poulain

Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe

Crédits vidéos : Franck Rapido

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