Disons-le tout net : avec une affiche composée de Marcel Et Son Orchestre et de Didier Super, on savait que le politiquement correct allait prendre du plomb dans l’aile ! Et c’est bien ce qu’il s’est passé en ce soir du 18 avril 2025 dans la salle du Bikini, à Toulouse. Avec un concert qui affichait quasi complet pour une soirée placée sous le signe de la folie douce et de l’irrévérence, le public, nombreux, a répondu à l’appel des artistes nordistes. D’ailleurs dès l'entrée dans la salle, l'ambiance est posée : perruques fluos et déguisements improbables. Les Toulousains se sont mis au diapason de la bande venue de Boulogne-sur-Mer. On sent que la fête sera déjantée…
C’est Didier Super qui ouvre le bal, accompagné de son Groupe Discount pour une performance totalement barrée. Entouré d’un batteur et d’un bassiste et de trois choristes surnommées "les Sous-Marques", Didier Super démarre son show pied au plancher dans une atmosphère façon black metal : l’homme du nord est maquillé, porte une perruque et une longue cape noire. Dès les premières minutes, le ton est donné : cynisme noir, maladresses simulées, provocations XXL et dixième degré à tous les étages. Fidèle à sa réputation d'artiste iconoclaste, Didier balance ses titres corrosifs en rafale ponctué de reprises improbables (« Il Venait D’Avoir 18 Ans », « No Woman No Cry », « All By Myself »), armé de son humour aussi absurde que grinçant (« Choisis Ton Sexe », « Debout Chômeur »).
Pendant 1h30, l’artiste déroule un répertoire sans aucune censure, où il mitraille tout ce qui bouge : racisme, féminisme, écologie, handicap, jeunes, vieux, riches, pauvres, politiciens, extrémistes de tous bords, … personne n’est épargné, chacun en prend pour son grade à travers des chansons volontairement borderline (« Ça Fait Chier », « Vive L’Armée De Terre »). En effet, chaque chanson est une bombe à retardement qui explose en plein visage du politiquement correct. Sous des apparences de grotesque et de provocations outrancières faciles, Didier Super construit en réalité une critique acerbe du monde contemporain, révélant les contradictions et les hypocrisies de notre époque avec une ironie mordante (« Bâtard De Vegan » - avec son lanceur de salades -, « Révolution », « Boom », …)
Sur scène, Didier Super fait le spectacle en agressant ses musiciens et ses choristes et en poussant toujours le curseur plus loin (« Juif », « On Va Tous Crever »). Dans la fosse, les réactions sont multiples : certains éclatent de rire, d'autres grimacent ou restent interdits devant l’audace assumée du spectacle. Mais malgré quelques visages dubitatifs, l'immense majorité du public joue le jeu, hurlant les refrains et suivant Didier dans ses délires scéniques à l’instar de « Y’En A Des Bien ». À mi-parcours, Didier Super s’autorise quelques digressions envers le public toulousain - notamment sur les élevages de canards du sud-ouest - avant de partir jouer en fond de salle près de la console au milieu des spectateurs pour une petite session en acoustique mais toujours aussi grinçante. Quelques minutes plus tard, Didier Super revient sur scène en slammant sur le public au son de « Pourquoi ? » repris par ses choristes.

Le groupe discount, quant à lui, apporte une assise musicale qui contraste habilement avec le côté foutraque du chanteur : des rythmiques tantôt basiques, tantôt étonnamment carrées, des chœurs volontairement approximatifs mais toujours complices, et cette capacité à renforcer le sentiment de joyeux chaos permanent, notamment lorsque les choristes se rebellent contre le chanteur par une énième insulte ou un (faux) passage à tabac. Une manière d’élever le mauvais goût au rang d’art majeur !
En clôturant son set sur quelques morceaux emblématiques comme « S’il Vous Plaît Les CRS » ou « Y’En A Des Biens », Didier Super confirme une chose : même après vingt ans de carrière à secouer les codes et à franchir allègrement TOUTES les lignes rouges, il reste l'un des trublions les plus précieux de la scène française. Derrière l’humour noir et la provocation volontairement outrancière, c’est un miroir déformant de notre société qui est tendu à chacun.
Setlist Didier Super Et Son Groupe Discount :
- Intro
- Ameno
- Il Venait D’Avoir 18 Ans (Dalida)
- All By Myself (Céline Dion)
- No Woman, No Cry (Bob Marley)
- Eternal Flame (The Bangles)
- Boum
- Debout Chômeur
- Chanson Pour Les Palestiniens
- Chanson Pour L’Équipe De Football D'Ukraine
- Arrête Un Peu Ta Parano
- Vive L’Armée De Terre
- Révolution
- Le Temps des Colonies (Michel Sardou)
- (Salafistes)
- Juif
- Féministe
- Ça Fait Chier
- Pourquoi ?
- Choisis Ton Sexe
- Bâtard De Végan
- Plus De Boulot
- J’En Ai Rien A Foutre
- On Va Tous Crever
- Petit Caniche, Peluche Pour Vieux
- Comment Rater Son Concert
- S’il Vous Plaît Les CRS
- Le Club Des Catholiques
- Y’En A Des Biens
- Un Vendredi Soir Au Bataclan
- Bravo Didier Ton Concert C’était La Classe
Marcel Et Son Orchestre
Après une courte pause nécessaire pour le changement de plateau et pour reprendre ses esprits après le passage tonitruant et corrosif de Didier Super, voilà que la soirée bascule dans une toute autre dimension avec l’entrée en scène de Marcel Et Son Orchestre. Après une petite introduction solennelle pour annoncer les festivités, le groupe balance d’entrée de jeu, le morceau « Petite Culotte » avec des costumes déjantés, des chorégraphies absurdes et une bonne humeur contagieuse en guise d’étendard. Pour l’occasion, Didier Super sera de la partie avec ses choristes sur ce premier titre, histoire de passer le flambeau de l’irrévérence à ses valeureux collègues de Boulogne-sur-Mer.

Actifs depuis 1986 et visiblement immunisés contre toute forme de maturité, les Boulonnais sont venus défendre leur nouvel album en date, C'Est Pas À Vous Qu'Ça M’Arriverait sorti le 21 février 2025 sur le label At(h)ome, après 12 ans de silence discographique. Ça se fête ! Et même si le groupe était déjà venu à Toulouse en 2021, il compte bien mettre en place ce soir - comme à son habitude - un set survitaminé en mixant ska, rock, punk et chanson populaire dans un grand carnaval sonore où tout est prétexte à la fête et à la dérision (« Femme Mûre », « Les Neurones À Crêtes », la reprise des Satellites « Le Mouton Kabyle », …). En plus c’est l’anniversaire du bassiste Bouli, donc la bamboche n’en sera que plus folle ! En effet, sur scène, ça saute, ça slame, ça virevolte dans un capharnaüm organisé où chacun semble rivaliser d’énergie pour pousser le délire toujours plus loin entre blagues potaches entre deux morceaux, mini-scènes burlesques improvisées ou déguisements improbables échangés à la volée.
Autant dire que le public, chauffé à blanc dès les premiers titres, entre instantanément dans la danse, se donne à fond dans le pit et répond aux moindres sollicitations du chanteur Mouloud. Visiblement heureux d’être de nouveau sur scène pour présenter son nouvel album, Marcel Et Son Orchestre dévoile ses tous nouveaux morceaux chaudement accueillis par le parterre du Bikini avec une ferveur insolente à l’instar de « Stigmatisez-moi ! », « Quand On Sait Pas Dire Non », « Maudit Karma », « Étron Flotteur », « Autocentré », « V'là L'Dégât ! » ou bien encore « Dans Ma Boudinette crachés ». Les nouvelles compositions passent ô parfaitement le baptême du live et même si certains ont découvert ces morceaux ce soir, ils les ont adoptés ! Ceci étant, entre deux nouveautés, Marcel Et Son Orchestre prend bien soin de glisser quelques classiques indémodables comme « La 7ème Compagnie En Jamaïque », « Médiseuse » ou « 62 Méfie-Te » repris en chœur par les spectateurs, dans une communion joyeusement bordélique (« Comme Un Balai »).
Comme de bien entendu, la mise en scène est fidèle à la légende du groupe, si bien que le Bikini salle devient une immense cour de récréation où l’insouciance et la bêtise assumée sont érigées en art de vivre ! On aura aussi droit à la sortie de Bouli sur un bateau pneumatique propulsé au-dessus du public pour une session de slams épiques sur "Brrr... (Au Début Elle Est Froide)" ! Et petite cerise sur le gâteau : Didier Super reviendra aussi sur les planches avec Marcel Et Son Orchestre pour un featuring totalement foutraque, en totale adéquation avec l’ambiance générale !
Cependant, derrière le côté volontairement déjanté des Boulonnais, la machine Marcel Et Son Orchestre tourne à plein régime et est sacrément bien huilée. Ainsi, derrière le chanteur Mouloud qui focalise toutes les attentions, le groupe fait montre d’un savoir-faire solide. À ce titre, la section basse / batterie composée de Bouli et Bistek n’est jamais prise en défaut et permet aux autres musiciens de mettre en place de bonnes mélodies et d’habiller les titres avec des cuivres ou des gimmicks de gratte bien ficelés (le classique « Où Sont Passées Mes Pantoufles ? », « Les Vaches »).
Après environ 1h30 d’un concert mené tambour battant, impossible de dire qui, du groupe ou du public, est le plus rincé. Mais ce qui est certain, c’est que Marcel Et Son Orchestre, pour son grand retour, a tenu toutes ses promesses : du second degré, du rire, de l’énergie à revendre et cette irrépressible envie de tout envoyer valser pour mieux célébrer la fête et l'absurde... En ces temps difficiles, ce concert était une véritable parenthèse enchantée. Merci, Marcel !

Setlist Marcel Et Son Orchestre :
- Petite Culotte
- Stigmatisez-Moi !
- Maudit Karma
- La 7ème Compagnie En Jamaïque
- Autocentré
- Quand On Sait Pas Dire Non
- Médiseuse
- Comme Un Balai
- Le Mouton Kabyle
- Femme Mûre
- V'là L'Dégât !
- 62 Méfie-Te
- Dans Ma Boudinette
- Étron Flotteur
- Les Neurones À Crêtes
- Jean-Patrick
- Où Sont Passées Mes Pantoufles ?
- Brrr... (Au Début Elle Est Froide)
- Soirée Ferrero
- Les Vaches
Crédits photos : Vincent BN. Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe