On n'y croyait plus ! Et pourtant, c'est bien une réalité : la Ruda est de retour sur scène dans le cadre d'une grosse tournée française de 25 dates d'avril à septembre 2025 pour fêter les 30 ans du groupe. Après un premier tour de chauffe lors de l'Endurock Fest le 5 avril dernier, les Saumurois sont fins prêts pour renouer avec le public. Leur public.
Souvenez-vous : c'était en 2012 et on vous annonçait dans nos colonnes la tournée d'adieu de La Ruda après presque 20 ans de bons et loyaux services. Après un petit rabibochage de quelques dates en 2019, on espérait fébrilement que le groupe revienne pour de bon après 7 ans de silence. Il n'en fut rien. Or, lorsque fin 2024, La Ruda a annoncé son retour sur scène au travers d'une grande tournée française, intitulée L'instinct Du Meilleur Tour 2025, le sang des fans n’a fait qu’un tour !
17 mai 2025. C’est dans la salle du Bikini à Toulouse que La Ruda a posé ses amplis après 6 ans d’absence et un silence bien trop pesant depuis lors. Mais ce soir, les héros sont bien là, en chair, en cuivres et en sueur, pour cette date toulousaine immanquable pour les fans. Entre nostalgie assumée, énergie brute et reconnexion joyeuse, ce concert résonne d’entrée de jeu comme un grand cri d’amour lancé à un public fidèle… et grisonnant !
En effet, dès les abords de la salle, le ton est donné : les quadras et quinquas sont venus nombreux, souvent accompagnés de leur progéniture, pour revivre l’âge d’or de leurs années lycée, lorsque le ska-rock français faisait danser toute une génération à coups de riffs cuivrés et de textes fédérateurs. Le temps est certes passé par là et beaucoup de bière a coulé sous les ponts depuis belle lurette, mais dans les yeux de tous les adolescents d’antan, une même lueur : celle des grands soirs, celle qui fait battre le cœur un peu plus fort…
Hilton John
Avant que La Ruda ne mette le feu à la scène du Bikini, c’est Hilton John – alias Arnaud Luis – qui a la lourde tâche d’ouvrir la soirée. Un habitué des lieux, pour ainsi dire : ancien barman, programmateur et aujourd’hui régisseur de la salle toulousaine, Arnaud n’en reste pas moins musicien accompli. Auteur-compositeur-interprète, il se produit en solo sous le nom d'Hilton John ou avec le duo Tess & John, et n’a jamais cessé de défendre ses morceaux à la croisée du folk, du rock et d’une certaine rugosité héritée de ses racines ouvrières, profondément ancrées dans le bassin minier de Decazeville dans l'Aveyron...
La dernière fois qu’il avait foulé la scène du Bikini, c’était en première partie des Stranglers en décembre 2021. Ce soir-là, rebaptisé Hill Tone, son projet avait une belle carte à jouer : la salle était pleine, le public de quinquas venu en masse pour applaudir les hommes en noir, avec même quelques fans britanniques ayant traversé la Manche. Une occasion idéale, donc, pour se faire connaître... sauf que la COVID est passée par là. Ses comparses (bassiste et batteur) étant cas contacts, Arnaud s’était donc retrouvé seul sur scène – et même s’il avait malgré tout assuré un set guitare/voix sincère et résolument rock, on était resté un peu sur notre faim.
Ce soir c'est donc une nouvelle opportunité pour Hilton John de confirmer le bon avant-goût qu'il nous avait laissé entrevoir il y a presque 4 ans...

Hilton John est donc de retour, dans une configuration similaire à 2021 : seul avec sa guitare, face à un Bikini déjà bien garni. Et si le défi est de taille – faire monter la température avant le raz-de-marée La Ruda – Arnaud ne s’en laisse pas conter. Son jeu de gratte à la Gretsch, à la fois râpeux et accrocheur, sent bon l’huile de coude folk et les amplis qui grésillent, le tout auréolé de textes à la fois introspectifs et autobiographiques comme « L’Horloge » ou « Eldorardo ». De plus, certaines compositions convoquent aussi les ombres de Johnny Cash ou de Nick Cave avec une noirceur élégante et un groove poussiéreux (« The Road »).
On sent chez Hilton John une sincérité désarmante, une volonté d’en découdre malgré que le fait de se produire seul s’avère un peu comme une contrainte en l’absence de basse et de batterie. Pourtant, le set fonctionne plutôt bien et le public, à la fois curieux et bienveillant, entre facilement dans son univers (« Eddy Mitchell », « On My Mouth »).
Mais tout comme en 2021, le set laisse encore un petit goût d’inachevé dans la mesure où on sent au travers des morceaux, le potentiel d’un projet plus vaste, d’une musique taillée pour un groupe. Mais qu’on ne s’y trompe pas : le moment est agréable et porté par une vraie présence scénique. Il y a juste comme un avant-goût qui donnerait envie d’en entendre (beaucoup) plus, dans des conditions plus complètes.
En tout cas, chapeau bas à Hilton John pour cette mise en bouche honnête, rugueuse et habitée, à l’image de son parcours…

Setlist Hilton John :
- L'Horloge
- Eddy Mitchell
- Eldorado
- On My Mouth
- The Road
- Ginger
- Vos Amants
La Ruda
Pendant un rapide changement de plateau, la salle du Bikini se remplit vite, si bien qu’il est difficile de circuler pour atteindre les premiers rangs et les places du balcon. Il faut jouer des coudes pour se rapprocher de la scène. À quelques minutes du concert, la tension monte dans le pit et l’impatience grandit vite : les Saumuriens sont vivement et chaleureusement attendus !
Et spoiler alert : La Ruda n’a pas déçu. En effet, loin d’un simple set en forme d’un exercice de nostalgie, les Saumuriens ont fait le choix de mettre en place un concert incandescent, piochant dans trois décennies de son répertoire avec la ferme volonté de ne jamais baisser le rythme. Ainsi, d’entrée de jeu, l’opener « L’Instinct Du Meilleur » envoie les premiers frissons au sein d’une audience déjà conquise d’avance et qui bondit comme un seul homme dès le lancement de ce titre de 2000. En l’espace de quelques mesures, La Ruda s’est vite mis le public toulousain dans la poche, comme au bon vieux temps !

Il faut dire que sur scène, Pierrot (chant) harangue la foule avec une gouaille intacte, tandis que le guitariste Fred balance ses riffs avec une énergie à décorner les baffles (« Le Bruit Du Bang »). Ritchoune (guitare), Bruixe (basse) et la section des cuivres de Philly, David et Ellias complètent ce tableau sonore toujours aussi efficace, le tout propulsé par la rythmique solide du batteur Manu, impeccable d’un bout à l’autre du set, malgré la chaleur. De son côté, Bruixe se distingue pas mal avec ses lignes de basse tantôt groovy jouées aux doigts, tantôt tranchantes avec un jeu au médiator sur des titres plus rock comme « Profession Détective ».
Si l’on pouvait craindre un groupe un peu rouillé après tant d’années, c’est tout le contraire qui se produit : La Ruda est affûtée, compacte, généreuse. Pas de temps mort, pas de ventre mou durant le set. En près d’1h30 de concert, les musiciens revisitent l’essentiel de sa discographie, depuis ses débuts lorsque le groupe s’appelait encore la Ruda Salska avec Le Prix du Silence de 1996 jusqu’aux titres plus récents d’Odéon 10-14 (2011). Bref, ce soir les classiques s’enchaînent dans une ferveur quasi palpable (« Le Bruit Du Bang », « Unis », « Trianon », « Que Le Bon L’Emporte », « Tant D’Argent Dans Le Monde », …) à la manière de brûlots scéniques qui transforment le Bikini en véritable chaudron. Il fait chaud. Très chaud dans l’arène toulousaine si bien que les membres de la sécurité ont fort à faire lors des nombreux slams des spectateurs.
Car public, lui, se donne à fond sans compter. Ça saute, ça danse, ça chante à pleins poumons. Le pit devient une vague humaine, emportée par des souvenirs qui sentent bon la sueur et les festivals du siècle dernier. Et lorsque ce bon vieux Pierrot évoque entre deux morceaux les compères toulousains des années 90 comme Zebda, 100% Motivés ou Spook and the Guay –, les fans explosent de reconnaissance : entre Toulouse et La Ruda, c’est une vieille histoire d’amour, et elle est loin d’être terminée. On sent que le groupe est heureux d’être là (c’est au moins la dixième fois que les musiciens se produisent dans la ville rose, selon les dires du chanteur), ce qui ne rend pas insensible l’audience qui le lui rend bien. L’osmose entre La Ruda et son public est belle et bien réelle !
Mais loin de dérouler un concert en pilotage automatique en se reposant sur ses lauriers, le combo surprend dans sa capacité à alterner une belle puissance collective (« Tierra Ne Répond Plus », « Profession Détective », « Tout Va Bien », …) et des moments plus intimes à l’instar de « Go To The Party », ainsi que « Trianon » et « La Fumée Des Gauloises », des morceaux plus calmes trouvent leur place dans le set, offrant des respirations bienvenues au milieu d’un feu d’artifice sonore permanent avec toujours les cuivres qui viennent apporter cette patine unique qui fait toute la saveur de La Ruda.

Après plus d’une heure de set, le groupe entame une dernière ligne droite avec un enchaînement de classiques qui terminent de mettre le public à genoux avec la triplette « Le Prix du Silence », « Roots Ska Goods » et « L’Art De La Joie » qui retournent carrément la fosse. Difficile de résister à cette déferlante qui hérisse le poil et colle des frissons dans la nuque ! Et pourtant, ce n’est pas fini. Le groupe revient quelques minutes plus tard pour un rappel tendu comme un arc avec deux morceaux d’anthologie : « Les Maux Dits » et « L’École des Sous-Sols », comme un dernier clin d’œil avant de tirer sa révérence – du moins pour ce soir.
Alors, La Ruda, 30 ans après, c’est quoi ? Un groupe culte, oui. Une cure de jouvence en live, clairement. Mais c’est surtout une machine scénique toujours aussi bien huilée, capable de transmettre une énergie folle et une sincérité rare. Et en cette douce soirée de mai, le Bikini a eu droit à un moment suspendu. Une parenthèse enchantée. Un cadeau de retrouvailles entre un groupe et son public…
Alors merci, La Ruda. À la prochaine ! Et pas dans dix ans, hein ?
Setlist La Ruda :
- L'Instinct Du Meilleur
- La Trajectoire De l'Homme Canon
- Le Bruit Du Bang
- Tierra Ne Répond Plus
- Tant D'Argent Dans Le Monde
- L'Odyssée Du Réel
- Souviens-Toi 2012
- Que Le Bon L'Emporte
- Profession Détective
- Go To The Party
- Tout Va Bien
- Trianon / La Fumée Des Gauloises
- 1982
- Unis
- Le Prix Du Silence
- Roots Ska Goods
- L'Art De La Joie
- Les Maux Dits
- L'Ecole Des Sous-Sols
Crédits photos : Vincent BN. Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe