28 mai 2025. Gruissan, plage des Chalets. Sous les derniers feux du soleil, la 23e édition du Défi Wind bat son plein. Durant dix jours, cette grand-messe des sports de glisse réunit plus de 2 300 rideurs issus de 48 pays, parmi lesquels quelques pointures venues pour s’affronter en windsurf, kitesurf et wingfoil comme Pierre Le Coq ou Ellie Aldridge. Mais le spectacle n’est pas uniquement sur l’eau : sur la scène du village, ce vendredi soir, un autre défi se joue — plus intime, plus vibrant — celui du retour aux sources de Will Barber, enfant du pays, devant un public, son public qui est aussi une véritable famille...
Trois ans après son dernier concert à domicile, l’auteur-compositeur gruissanais fait donc son grand retour sur les planches du Défi Wind, au cœur d’un festival qu’il connaît par cœur notamment pour présenter en live son dernier single, "I Feel Alone" sorti en mars dernier en duo avec son ami, Fred Coux (Soul Music Airlines). Mais loin de se reposer sur ses lauriers ou de se contenter d'une prestation en pilotage automatique, Will Barber a pris le parti de ne pas faire les choses à moitié et de mettre en place une formule énergique mêlant blues racé, folk viscéral et rock musclé, au travers d'un set chargé en suprises... et en émotion !
Car forcément, ce soir, le contexte du concert c’est un peu comme un repas de famille avec des visages (re)connus dans le public et cette sensation que la scène est juste une extension naturelle du village : ce n’est pas un show comme les autres, c’est clairement une histoire de retrouvailles.

Dès les premières notes de "Faded", le ton est donné : le set sera résolument électrique, organique et généreux ! En effet, Will Barber n’est pas là pour jouer les chanteurs de salon. Il a apporté avec lui son blues rugueux, son folk à fleur de peau, sa voix rocailleuse et cette énergie rock qui ne demande qu’à déborder. En fonction de la teinte des morceaux, le musicien alterne donc le jeu des guitares : électrique ("Rolling Waves"), acoustique ("Piece of Heaven"), et bien sûr la fameuse Weissenborn, son instrument de prédilection — popularisé par Ben Harper — qui est aussi devenue la signature de son style épuré ("Do You Sleep", "Wild Wild Earth"...).
Comme on pouvait s'y attendre, Will Barber revisite en profondeur sa discographie, en piochant allègrement dans ses deux albums Alone (2018) et 13 (2023) au travers de morceaux comme "How Long", "You & I" ou "Monkey" avec quelques reprises très personnelles à l'instar de "Personal Jesus" ou d'"Another Brick In The Wall" de Pink Floyd, en forme d'un clin d’œil à l'émission The Voice à laquelle il a participé en 2017. L'ensemble tourne bien et le son est plutôt bon sous la tenture de la scène du Défi Wind.
Après un "Piece Of Heaven" plutôt prenant avec ses accents introspectifs, Will dévoile la première surprise du set en appelant sur scène son ami Fred Coux pour une interprétation live en duo du tout dernier single "I Feel Alone". En l'espace de quelques mesures, le titre prend une dimension majestueuse grâce au son riche en harmonies de la guitare 12 cordes de Fred et de sa voix qui complète parfaitement la tessiture de Barber. Ce moment suspendu, intense et complice est clairement un moment fort de ce concert ! Difficile ne pas avoir le poil qui se hérisse...

Sur les planches, l’alchimie entre les musiciens est palpable. On sent que le groupe est visiblement heureux de se produire devant son public et les musiciens se donnent à fond à l'image de Ben, un bassiste monté sur ressorts qui occupe bien l'espace et du percussionniste Yaya, en grande forme. Ce dernier s’offrira même un même solo de djembé sur le devant de la scène. Sur le côté, le guitariste / claviériste P.J, reste plutôt discret mais redoutable d'efficacité ("Do You Sleep") tandis que Valentin, le batteur, n'est jamais pris en défaut. Mais au-delà de leurs performances individuelles respectives, on remarque que les morceaux vivent sur scène : tantôt rallongés, tantôt modulés ou amplifiés selon le ressenti du public, les compositions de Will Barber ne sont jamais figées et restent ouvertes en fonction de l'émotion du moment. On est loin du concert calibré, et c’est tant mieux. On sent qu'on est dans l’instant, dans le vrai... dans le live !
Et ça le public l'a bien compris puisqu'il fait bien honneur au groupe. Ainsi, on retrouve ici et là, des festivaliers qui dansent, qui reprennent les refrains en choeur etc. L'ambiance est à la fois familiale, chaleureuse, festive et même touchante lorsque Will s’adresse à ses amis entre deux morceaux, remercie, partage et promet de se retrouver après le concert. À ce titre, au moment de changer une énième fois de guitare, l'homme un peu submergé par l’émotion, branche son jack... sur la mauvaise gratte ! Sourire gêné et petit moment de flottement... Oui, c’est aussi ça, de jouer "chez soi" !
Alternant allègrement passages intimistes et moment plus rentre-dedans réhaussés par des effets pyrotechniques bien sentis qui trahissent pas l’ambiance intimiste du concert, Will Barber et les siens réussissent un subtil équilibre entre grand show et moment de partage. De fait, on se trouve happé au fil des morceaux dans l'univers du musiciens qui présente ici et là, ses nombreuses facettes musicales et ses influences allant de Pink Floyd à Lynyrd Skynyrd, en passant par les Rolling Stones, Creedence Clearwater Revival, ou encore par des bluesmen obscurs et les folksingers de Greenwich Village. Mais que l'on ne s'y trompe pas : sa musique à la croisée du blues, du folk et du rock reste marquée par une personnalité singluière qui touche au coeur ("Lonely", "Protect Yourself").
Après des titres forts comme le dansant "You & I" ou "Need That", le public aura droit à une nouvelle surprise. Et quelle surprise ! C'est maintenant au tour de Lily Rose, la fille de Will Barber, de rejoindre son père sur scène pour un moment tendre et complice sur une reprise de "All I Want" de Kodaline, accompagné par l'occasion par Fred Coux à la guitare. Et même si la toute jeune fille n'est pas tellement à l'aise de se retrouver à chanter devant le public malgré les encouragements de son papa et de l'audience, ce titre empreint d'une émotion prégnante est tout bonnement superbe. De fait, les frontières entre scène et public s’effacent : ce soir, tout le monde est invité à partager un peu de cette intimité musicale...

Au bout d'une bonne heure et quarante cinq minutes de set, le groupe entame la dernière ligne droite avec notamment le désormais classique "Another Brick In The Wall" suivi de "Wild Wild Earth" rugueux à souhait qui termine de mettre à genoux les spectateurs du Défi Wind. Or, alors que l'on pensait qu'on se dirigeait tranquillement vers la fin du set, voià Fred Coux encore une fois de retour sur scène avec des lunettes de soleil flanquées sur le nez pour une reprise improbable mais ô combien excellente de "Jump" de Kriss Kross à la façon de Cypress Hill avec Will à la Weissenborn. Sous la tenture, le public ne se fait pas prier et saute lui aussi comme un seul homme au son de ce mélange de blues rock énervé et de rap. On ne s'attendait pas à cette cover mais force est de constater qu'elle fonctionne parfaitement.
Après avoir quitté la scène sous de copieux applaudissements, Will Barber et les siens reviendront pour un dernier rappel avec "Protect Yourself" afin de clore de main de maître un set de 2 heures d'une intensité et d'une générosité remarquables...
Au final, en ce vendredi 28 mai, Will Barber n’a pas juste fait un énième concert. Il a partagé un bout de lui-même avec une authenticité rare, une énergie communicative et une générosité de chaque instant. Même s'il s'est produit dans des petits chaussons, devant un public conquis et une scène qu’il connaît par cœur, le musicien a prouvé que malgré ses très nombreux concerts et festivals partout en France et même ailleurs, il a su rester profondément attaché à ses racines.
Gruissan, ce soir, lui a rendu tout l’amour qu’il y a mis. Et c’est sans doute ça, le plus beau des défis.
Setlist Will Barber :
- Faded
- Rolling Waves
- Lonely
- How Long
- Personal Jesus
- Piece Of Heaven
- I Feel Alone
- You & I
- Need That
- Do You Sleep
- Monkey
- Another Brick In The Wall
- All I Want
- Wild Wild Earth
- Jump
- Protect Yourself
Crédits photos : Vincent BN. Toute reproduction interdite sans autorisation du photographe