Arcade Fire – Her (Bande Originale)

Le nouveau film de Spike Jonze sort dans les salles françaises ce mercredi 19 mars. L'auteur des excellents Dans la peau de John Malkovich, Adaptation et Max et les maximonstres (il réalise aussi des courts-métrages, des vidéoclips, quand il ne joue pas les producteurs) revient avec un nouveau film qu'il a lui-même écrit. Un film qui a indéniablement fait parler de lui, de une parce qu'on est toujours curieux de voir ce que cet auteur peut nous sortir, de deux parce que Her a été nommé plusieurs fois aux oscars et a gagné celui du meilleur scénario, de trois parce que c'est Arcade Fire qui a composé la bande originale avec le violoniste Owen Pallett, qui a déjà collaboré avec le groupe sur les albums The Suburbs (2010) et Relfektor (2013), ainsi qu'avec de nombreux artistes de rock (REM, Linkin Park, Franz Ferdinand...) et sur plusieurs bandes originales. 

A propos du film, le moins que l'on puisse dire est que son oscar du meilleur scénario explique au moins en partie la difficulté à en parler et/ou le décrire. "Comédie dramatique de science-fiction" ? Dans un futur proche, Théodore, joué par Joaquin Phoenix, gagne (bien) sa vie en écrivant des lettres d'amour pour des gens qui n'y arrivent pas, utilisant son intelligence pour mettre en mots les sentiments des autres, alors que lui-même a le plus grand mal à exprimer les siens, ce qui explique qu'il soit en plein divorce. Un divorce qu'il a énormément de mal à accepter, jusqu'à ce qu'il s'installe un nouvel OS sur son ordinateur. Quelques calibrations plus tard, le voilà avec un logiciel parlant, programmé pour coller le plus possible à la personnalité d'un être humain, avec une capacité à apprendre et à évoluer (et accessoirement, la voix de Scarlett Johansson).


La deuxième bande annonce (la première est plus joyeuse, celle-ci plus mélancolique), avec la chanson "Supersymmetry" d'Arcade Fire, originellement écrite pour le film, puis retravaillée pour apparaître sur l'album "Reflektor"


Pour faire court, Théodore va entamer une relation amoureuse avec son OS. Dit comme ça, c'est terriblement réducteur. Le film traite bien sûr des relations amoureuses, pourquoi ça marche, pourquoi ça foire, que recherche-t on dans la compagnie d'un(e) autre, mais aussi de la solitude des individus dans les sociétés modernes, leur désir (paradoxal ?) de connexion, et plus largement de la recherche du bonheur. Le tour de force du film est de parvenir à éviter les idées reçues simplistes (les réseaux sociaux ne sont pas de vraies relations humaines, tomber amoureux d'un logiciel c'est le mal) pour se diriger vers davantage d'ambiguïté, de complexité. Si l'être humain était simple, ça se saurait, et on se contenterait d'aller voir Spiderman et ses collègues botter des culs. Mais comme ce n'est pas le cas, on a aussi des films comme ça qui s'adressent à notre complexité, et qui parviennent à le faire en faisant appel au moins autant à nos sens, sinon davantage, qu'à notre matière grise.

A ce titre, la musique est un élément particulièrement important, puisqu'elle donne de la couleur aux scènes et participe pleinement à la narration. A l'instar de ce qu'avaient réussi Trent Reznor de NIN et Atticus Ross pour The Social Network de David Fincher, Arcade Fire et Owen Pallett parviennent à composer une bande originale qui fait véritablement corps avec les images. Indépendamment del'opinion de chacun sur le film (que j'ai pour ma part beaucoup aimé), force est de reconnaître la qualité du travail des musiciens qui se sont pleinement imprégnés de la vision du cinéaste pour la retranscrire en musique. Le film se vit comme un rêve, dans une ambiance cotonneuse (à tel point qu'il est assez difficile de se souvenir de scènes particulières sorties de leur contexte), à la fois confortable et un peu triste, ce qui reflète avant tout la personnalité profonde de son héros. La musique suit donc cette tonalité globale, avec des thèmes joliment mélancoliques et discrets.

La musique peut bien sûr être grandiloquente si le film le demande, il n'y a pas de mal à ça, mais quand ce n'est pas le cas, elle peut aussi s'avérer envahissante et désservir le propos du film qu'elle est censée illustrer en exagérant l'ambiance recherchée, qui risque de devenir caricaturale. Ici, La contribution d'Owen Pallett aurait éventuellement pu faire un peu peur, puisque son propre travail solo est assez pompier. Mais l'homme n'est pas né de la dernière pluie et sait distiller ses montées en puissance avec parcimonie, quand l'action le demande. Le reste du temps, la partition reste calme, douce et vaporeuse, suggérant des ambiances plutôt que de les imposer. Le piano se taille la part du lion, pour un résultat tout en subtilité. Ce qui peut également s'avérer être une petite faiblesse, car si la musique est parfaitement adaptée au film, elle perd un peu de son impact émotionnel dès lors qu'elle est sortie de son contexte et écoutée sans les images.

Toutefois, l'essentiel reste bien sûr de ravir les oreilles du spectateur et de lui faire ressentir le propos au mieux. A ce titre, Arcade Fire réussit un petit tour de force et démontre s'il en était encore besoin que les musiciens véritablement talentueux peuvent s'exprimer de bien des façons différentes. Les réalisateurs de tous poils seraient bien inspirés de faire plus souvent appel à eux, plutôt que de nous ressortir toujours les mêmes compositeurs du placard, aussi talebtueux soient-ils ! Le changement, ça peut aussi avoir du bon, et tant pis si Arcade Fire n'a pas gagné l'oscar de la meilleure musique pour lequel il était nominé (c'est Gravity qui l'a raflé). Si à l'instar de la FM, vous en avez marre du cinéma en boîte, des comédies françaises frelatées et des blockbusters indigents, voici une excellente occasion d'aller au cinéma... en attendant Spiderman.
 


Pour finir, un petit extrait dont les dialogues ont été coupés (ils apparaissent en sous-titres) pour apprécier la musique à sa juste valeur !

 

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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