Jack White sort son deuxième album solo ! C’est déjà en soi une révolution tant le premier, Blunderbuss, était de grande qualité. Et chez Third Man Records, son label, on fait bien les choses comme d’habitude. Premièrement, le vinyle est à l’honneur. Le single Lazaretto fait l'objet d'un gros battage médiatique car sa sortie est présentée comme une prouesse technique, le morceau ayant été enregistré et pressé en moins d'une demi-journée. Très anecdotique tout ça... Mais le sieur White n’en oublie pas les innovations techniques et nous propose bon nombre de versions spéciales de son nouveau né parmi lesquelles un ULTRA LP bourré de bonus. Chez Third Man Records, on choie le client et on ménage son portefeuille. Un CD de nouveautés à 10,99 € en magasin, c’est assez rare pour être signalé. Maintenant, voyons ce qu’il y a dedans…
Réalisation du ULTRA LP Lazaretto
Réalisation du disque le plus rapide du monde, le single "Lazaretto"
Dès l’intro de “Three Women”, Jack White déroute. On est loin de l’explosion de guitares pleines de phrases blues vintage dont il a le secret. Le tempo est plus lent, la voix est travaillée avec des chœurs, beaucoup plus soul que d’habitude. Un orgue sixties agrémente la fin d’un morceau alambiqué ayant tendance à finir proche du free jazz. C’est sûr, monsieur White ne reste pas sur les sentiers battus.
Avec "Temporary Ground", il joue encore la surprise ave une intro au violon et nous voila plongés dans un registre résolument country. Le morceau est une ballade que l’on imagine volontiers chantée dans un vieux rade miteux de Nashville. Décidément sieur Jack ne se repose pas sur une recette qui fonctionne… Peut être même est-il un peu trop innovant pour les fans de la première heure qui risquent fort de se trouver désorientés.
Autre exploration musicale avec “Would You Fight For My Love?”. Le morceau se situe dans un registre assez éloigné du rock viril auquel Monsieur White Stripes ou Dead Weather nous a si bien habitués. Des influences orientales se font ressentir dans les chœurs, on y trouvera des relents de Led Zeppelin ou plutôt de Page ‘n’ Plant lorsque ceux-ci reprennent "Yallah" ou "Wha Wha" avec des orchestres marocains.
Lazaretto comporte quand même des titres plus conventionnels. Le morceau titre, intro style série TV sixties avec grosse basse et petits bruitages électroniques façon console Nintendo nous fait rentrer dans le vif du sujet avec un morceau "jackwhitien" reconnaissable entre mille. La voix du patron est toujours au top. Les arrangements ne sont pas en reste et quand il s’agit de faire briller la six-cordes, il répond toujours présent avec des solos laissant la part belle à la fuzz. Une revigorante plongée dans un univers fin sixties, début seventies orchestrée de mains de maitre. On dit "Monsieur" White.
Premier extrait de l’album, "High Ball Stepper" est dans la même veine. Jack White se concentre sur la musique et nous livre un instrumental prégnant mélangeant tout un tas d’influences qui lui sont chères. On retrouve le groove des White Stripes, la fuzz des garage men sixties et une bonne dose de blues, le tout malaxé à la sauce Jack White. On entrevoit aussi une grosse culture de l’underground lounge sixties et l’on imagine bien James Bond des sixties (le seul le vrai l’unique) siroter un cocktail au bras d’une playmate en écoutant ce "High Ball Stepper".
"That Black Bat Licorice" est le dernier morceau qui nous semble familier dans l’esprit des "Sixteen Saltines" ou "Freedom At 21" du précédent album. Jack White y libère sa gratte et improvise des riffs pleins de fuzz (certainement générée par la pédale fuzz Bumble Buzz qu’il a conçu avec se potes de Third Man Records). Nous voila rassurés, l’étincelle de génie est donc toujours présente chez Jack.
A coté de cela on trouve des titres très pop comme "Just One Drink" : une mélodie beatlesienne, accrocheuse sur des guitares saturées et un piano flamboyant. La composition est de qualité, on y trouve des relents de folk song, peut-être des traces de la récente collaboration avec Neil Young (A Letter Home). C’est joli, la voix de White sait se faire mielleuse lorsqu’il le faut tandis que la guitare reste précise et affutée.
Même combat que "Just One Drink", "Alone In My Home" est une petite chansonnette très pop toute douce pouvant même ressembler à une comptine pour enfant. "Entitlement" est encore un morceau très soft sans fièvre rock ‘n roll. On a l’impression d’entendre un album unplugged ou piano de Springsteen. Pas foncièrement mauvais bien au contraire mais étonnant de la part du sieur White. Et on continue dans le genre avec "I Think I Found The Culprit", ballade avec pleins de chœurs. On dirait la version dylanienne de "Knockin on Heaven’s Door". Puis on reste dans une folk song roborative où Jack place quelques phrases. L’accompagnement au piano reste très pop et le titre à du mal à prendre du relief et de la consistance malgré une teinte soul.
Et pour clôturer ce Lazaretto encore un titre très (trop?) soft. "Want And Able" est un de ces morceaux que la voix et le génie de monsieur Blanc peuvent transformer en pépite jouissive comme il l’a déjà fait avec "Cold Cold Heart" ou "I Just Don’t Know What To Do With Myself". On termine donc l’album tout (trop?) tranquillement... Sur les albums des White Stripes, ce genre de morceaux était perçu comme un havre de paix dans un monde de chansons rock puissantes. Ici, il est plutôt noyé dans les nombreuses compositions du même style.
Avec Lazaretto, Jack White nous montre une facette relativement méconnue de sa personnalité musicale. Les chansons pop mid tempo y sont très nombreuses et les deux premiers extraits dévoilés à savoir "High Ball Stepper" et "Lazaretto" plutôt dans le style du précédent Blunderbuss ou encore des groupes plus rock du patron ne sont pas totalement représentatifs de l’ensemble de l’album Lazaretto. Les compos pop folk sont de bonne qualité mais je pense que comme moi beaucoup de fans attendent de Jack White une musique plus sauvage et rebelle laissant une plus grande part à la guitare qu’au piano, ce qui n’est pas vraiment le cas sur cet album.
Maintenant, c’est à vous de vous faire une opinion. Lazaretto reste quoi qu’il arrive un très bon album mais plus délicat à aborder que Blunderbuss qui lui a été une véritable gifle musicale dans le monde du rock ‘n’ roll. Après plusieurs écoutes successives on arrive à s'intégrer un peu mieux dans l'univers dans lequel Jack White veut nous entrainer. Il s'éloigne en tout cas de plus en plus de ses précedents groupes et semble de plus en plus attiré par le coté pop folk. Il ne manque plus qu’à voir quel rôle Jack White va jouer sur scène pour promouvoir son nouveau bébé.