Kémar Gulbenkian, chanteur de No One Is Innocent

"Avec ce nouvel album, nous sommes redevenus des kids un peu branleurs qui font du rock’n’roll"

Signant un retour aux sources percutant avec Propaganda, No One Is Innocent poursuit un bonhomme de chemin qui a commencé il y a plus de 20 ans. Personnage atypique, Kémar Gulbenkian semble plus que satisfait avec ce nouvel album. Homme engagé, c'est à l'occasion d'une interview parisienne qu'il revient sur la carrière de son groupe, la politique et également le centenaire du génocide arménien.

Salut Kémar, merci pour cette interview. Ne perdons pas de temps, No One a ouvert pour AC DC au Stade de France : qu'est-ce que ça fait ?

Je commence à redescendre, je n'ai pas trop dormi ces jours-ci. On a été sur un nuage pendant deux soirs. Nous sommes une génération de gamins qui étaient fans d'AC DC, on a fait des solos d'Angus Young avec une raquette devant un miroir... Et se retrouver 30 ans après à partager la scène avec eux, c'est un rêve. Une grosse dose d'adrénaline aussi, j'ai trouvé que mon groupe n'était pas si apeuré que ça et était surexcité. Pas pris une peur particulière mais pris par une envie de jouer, parce que nous avions décidé de jouer 75% des nouveaux morceaux avec une fraîcheur de jouer ces nouveaux titres... Du coup, exités comme des kids. Et à la redescente et bien nous n'oublierons jamais. Le logo de ton groupe dans le Stade de France, en plein jour, en voyant la gueule des gens qui sont contents de te voir, tous souriants. Et surtout, tu sais que tu ne joues pas que devant des Parisiens mais devant la France entière, et ça c'est canon.

D'ailleurs No One semble destiné à ouvrir pour les légendes : Motörhead au Zénith, Guns and Roses à Lyon...

Oui, surtout Motörhead, c'est pas facile . Mais le respect que nous avons senti de la part du public nous a rassuré. Et puis, la chance de rencontrer Lemmy. Personnellement Motörhead fait partie de mes premiers amours en musique avec Black Sabbath et Iron Maiden. C'est quelque chose de regarder ce monsieur. J'ai baigné dans cette culture rock'n'roll powerfull.

No One Is Innocent

Sixième album, je ne pense pas me gourer en parlant d'un retour aux sources ? Avec moins d'électro notamment.

Il n'y en a pratiquement pas même ! Comme d'habitude on a commencé à bosser sur l'ordinateur avec une boucle de batterie et du home studio. De ça est sorti un côté un peu « clash », quand on allait en répét', la mayonnaise ne prenait pas, il n'y avait pas de jus et d'intéraction entre nous. Là j'ai dit « ok travaillons chacun de notre côté pendant deux mois et on se retrouve après ». Chacun est arrivé avec son travail, il y avait quelque chose de plus instinctif, de plus animal. Et là toutes les compos sont arrivés. Il fallait reprendre l'ADN de No One. Physiquement nous nous sommes retrouvés, No One est un groupe qui n'évolue pas s'il n'y a pas d’interactivité entre nous quand ça joue. Très vite les compos très directes sont arrivées. De là, on a décidé de suer pendant des mois et de cette énergie est né l'album, on a travaillé comme à nos débuts.

Cette énergie est d'ailleurs un bon outil pour le groupe engagé qu'est No One is Innocent. A l'image de Tryo ou Tagada Jones, vous avez choisi de rendre hommage aux victimes de Charlie Hebdo avec la compo « Charlie ». Peux tu nous en dire plus ?

En fait, c'est un des deux derniers titres qui a été bossés. Par rapport à des événements qui nous touchent, nous n'avons jamais réagit dans l'immédiateté. Il y avait une instru qui traînait depuis un moment mais nous n'arrivions pas à en voir le bout. Et puis il y a eu les événements de Charlie.Très vite, je me suis dit « je veux écrire sur ce qui s'est passé» car nous faisons partie des kids qui ont ouvert Charlie Hebdo et dans lequel nous nous sommes toujours retrouvés. Ecrire ce morceau a été un challenge, je ne voulais pas le rater. J'étais dans un état d'esprit «quitte ou double», si ça me plaît j'y vais, si ça ne me plaît pas je n'y vais pas. J'ai beaucoup bossé avec mon co-auteur, un vieux pote de lycée avec qui j'écris de temps en temps, tous les albums en fait. Et l'instru était destinée à un morceau en anglais ou une face B. C'est peut-être le morceau le plus court, le plus simple, mais c'est celui sur lequel nous avons le plus bossé. T’imagines ?

No One Is Innocent

Aborder ce sujet peut être vu comme une épée de Damoclès...

Oui c'est ça. Et je voulais surtout pouvoir m'exprimer sur le « Je suis Charlie mais... » de certains artistes, de politiques, de citoyens... Comment tu peux dire ça ? Des aberrations ! C'est un morceau que l'on va défendre corps et âme, que l'on va jouer très longtemps et, surtout, entretenir l'ADN de ce groupe : avoir de la mémoire. Utiliser la musique pour garder en mémoire ces choses qui nous ont marquées.

No One ne réagit pas dans l’immédiateté, mais il y a quelques années, si tu revenais sur les élections de 2002 avec « Où étions nous », en 2015 tu sembles prévenir avec « Putain si ça revient »…

"Où étions nous", c’était une façon de se dire « putain qu’est-ce qu’on a branlé quoi ?! », une sorte de boomerang sur le fait que le pire est à venir. C’était une interrogation sur nous-mêmes. Avec « Putain si ça revient », nous avons essayé d’exprimer, sur les côté menaçant de la zik et les côtés punchy des autres parties, ce qui se passe dans la tête du citoyen qui est constamment en train de subir les sales idées que l'on entend dans ce pays et qui finit par imprégner de ces sales idées. Ce putain si ça revient, c’est le moment où le mec se réveille et réalise que ce ne sont pas ses idéaux. Ne pas se laisser bouffer par la tentation du pire, ne pas se laisser pourrir par ces sales idées. C’est un moyen de rejeter ces fausses idées de ce parti qui n’a rien d’une institution politique. Il faut réveiller nos consciences et se demander si ce parti est la seule réponse aux problèmes de ce pays. Regarde Podemos en Espagne, un vrai parti démocratique qui s’est imposé. C’est ça qu’il faut mettre en lumière : s’interroger.

Autre engagement, à tes débuts, tu rendais hommage au génocide arménien avec « Another Land», cette année c’était le centenaire de ce génocide…  

… Et je t’explique tout de suite : je ne veux pas être l’Arménien de service qui vient défendre la cause. Ok je l’ai fait il y a 20 ans parce que ce triste événement avait besoin d’être mis en lumière. Je l’ai fait. Après j’ai rencontré plein de gens qui s’interrogeaient sur « qu’est-ce que c’est que ce génocide ? ». Depuis je pense qu’il y a eu beaucoup de travail et que la mémoire a bien fait son boulot. Je suis allé en Arménie en septembre 2014 avec mes potes des Ogres de Barback qui ont des origines arméniennes. Nous sommes partis pendant une semaine, et je vais te dire : la reconnaissance du génocide, la majorité d’entre eux ils ont en rien à foutre. La vraie cicatrice qui reste dans les campagnes, surtout au nord, c’est la guerre avec les Azéries. C’est ça leur vraie douleur. Et surtout, aux travers des commémorations du centenaire, je veux rappeler que là-bas ils demandent une seule chose : avoir à bouffer. Si on passait plus de temps à dire que ces gens ont besoin de manger que d’obtenir une pseudo reconnaissance du génocide par les Turcs, ça leur servirait plus. Et je pense que c’est ce genre de voyage initiatique qui te montre la réalité. Voilà ce que je pense !

Je ne voulais pas t’énerver…

Au contraire ! Ça me fait plaisir d’en parler parce que mon propos ne va pas dans le sens réel de la diaspora internationale et que je ne suis pas démago. Merde, est-ce que ces gens vont comprendre que les Turcs ne reconnaitront jamais le génocide ? Ou alors avec un nouveau gouvernement… Mais qu’on oublie le passé et que l’on se concentre sur le présent. Que ces gens comprennent qu’à la campagne ils veulent manger. Qu’il y ait de l’eau potable, de l’électricité, des terres fertiles… Quand tu vas à Erevan, là oui tout va bien. T’as des 4x4 et la mafia fait bien les choses, c’est resté très soviétique comme décor. Mais sors de la capitale et va à Gyumri là où il y a eu un tremblement de terre il y a 20 ans, tu vois les stigmates du tremblement de terre.

No One Is Innocent

En espérant que tu sois entendu… Revenons à la musique, No One semble avoir trouvé une certaine stabilité dans son line up ?

Shanka est toujours là, mais actuellement il est avec sont groupe aux USA. Du coup on a ramené Nico d’Eiffel qui est un des meilleurs guitaristes rock et on a de la chance de l’avoir. A côté, on a le grand Bertrand à la basse, Gaël (batterie) est là depuis quatre ans et le petit nouveau c’est Poppy qui a beaucoup participé à l’écriture de Propaganda. Mais que l’on soit d’accord : je n’ai jamais refusé à un zikos de No One de défendre son propre projet. Yann, qui était avec nous, quand il a bossé sur son projet (Fills Monkey) de façon acharnée, je lui ai dit « c’est génial fonce mec ». Il n’y a jamais eu d’enfermement dans No One Is Innocent.

Un morceau, « 20 ans », est présent sur l’album. 20 ans plus tard, des bars au Stade de France… C’est l’heure du bilan.

C’est un groupe qui nous a procuré des émotions incroyables, de faire et de dire ce que l’on veut, un groupe qui nous fait rêver. Avec ce nouvel album, nous sommes redevenus des kids un peu branleurs qui font du rock’n’roll. Le jouer comme si c’était le dernier, de renvoyer la balle à ceux qui nous ont traité de démagos, d’arrivistes ou d’opportunistes. Mais avec le recul, nos ennemis ont toujours été nos amis puisqu’ils ont parlé de nous. Nous avons toujours su qui nous sommes.

L’heure va être à la scène j’imagine ?

Oui, et on en a besoin. Un concert de No One, c’est 50/50, si l’énergie que nous donnons nous est renvoyée par le public, c’est magique. Depuis Drugstore, je refuse de jouer en acoustique pour les promos. Ce que tu joues doit te ressembler, sinon reste chez toi. Ce qui me botte mec, c’est de faire des grands concerts avec beaucoup de monde et surtout en plein jour. J’ai souvent refusé de passer à 22h en pleine nuit, je préfère jouer à 20h l’été. Je veux voir les gens. Les concerts que l’on a pu faire et que nous ne voyons que 200 mecs dans la pénombre alors qu’ils sont cent fois plus derrière, c’est frustrant. J’ai besoin de voir mon public, de voir ses réactions.

C’est beau. Je vais maintenant te laisser la parole pour ce public justement.

Nous sommes impatients de retrouver nos fans. A chaque fois, entre chaque album, c’est trois quatre ans d’attente. Bien sûr il y a la tournée et lorsque l’on termine une tournée avec No One, nous sommes vidés de chez vidés et on ne veut plus entendre parler de concert. Mais quand l’envie de composer et le retour en studio se profilent, il y a une certaine adrénaline qui vient avec. Propaganda est un album palpable, puissant et instinctif, on va en jouer beaucoup. On va ouvrir nos lives avec « Drone», tout envoyer d’entrée. Bref, on est impatients de vous retrouver ! 

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