[MAJ] Puts Marie – Masoch I-II


On se prend une giclée de désespoir saupoudré de nappes aériennes de synthé farfisa, et ‘’Obituaries’’ par les chaînes qu’il traîne d’entrée et la voix geignarde nous étale au milieu du tapis du salon, bras en croix, fixant les angles des murs, horizons meurtriers."

Un trou de sept bonnes années dans le cv d’un groupe, ça pourrait sentir le moisi sévère derrière les instruments et au fond de la grosse caisse, mais Puts Marie a désormais 15 ans et en a vu d’autres. Quand ton chanteur, Max Usata, se cale à New York, que ton bassiste, Igor Stepniewski, ère au Mexique et que ton batteur, Nick Porsche, est passé à mille autres choses, c’est forcément avec une passion extraordinaire que les cinq gaillards nous chiadent un 6 titres tout en étant basés en Suisse…

Cette troupe de saltimbanques nous a sorti un EP intitulé Masoch au printemps dernier et nous ressort les 6 titres de cet EP accompagnés de 6 nouveaux dans un album fait de neuf et de moins neuf dirons-nous, Masoch I-II... reste à voir si l'addition opère un mélange agréable à un EP qui se tenait parfaitement. L'ambiance en pâtit-elle ? Nous avions chroniqué le premier Masoch en mai dernier et nous nous étions laissé bercé par une tendre mélancolie. A la première écoute de Masoch I-II, le ton change...

rap, garage, nostalgie

En paraphrasant Bernie Bonvoisin (‘’Antisocial’’) et Barbarba (‘’Dis, quand reviendras-tu ?’’), le temps perdu ne se rattrape plus. Mais a-t-il été perdu ? A la première écoute de Masoch I-II, je ne le crois pas. On ressent pourtant une grande nostalgie générale, voire une mélancolie que ce soit par la manière de Max de nous chanter son tourment ou l’ambiance de funérailles de l’ensemble sur la première partie de l'EP. Un EP Masoch I qui était clairement défini, ancré dans le champ lexical de la tristesse, sinon du masochisme, comme le nom de cet opus le présageait. Un EP de jour de pluie. Un EP de jour de déprime. Et pourtant, même sans Lexomil, on ressortait des 6 titres l’âme moins en peine, rasséréné par la compréhension de notre sort par leurs auteurs. Mais c’est à double tranchant. D'autant plus que s'ajoutent désormais 6 nouveaux titres moins tendres, collés à la suite...

‘’Pornstar’’ nous prend par son mélange de genres, qu’il lie le porn et le love ou le Rock et la diction du Rap, la richesse chagrine de la souffrance du cœur. La recette pop rock des années 90 bat son plein et nous prend dès ‘’A quantum of sun’’. La décennie vintage qu’on nous ressert aujourd’hui n’est pas pour me déplaire tant l’ado que j’ai été s’y est complu. En cela Masoch serait un hymne à ma génération Y plaintive et maussade. Dans le morceau d’intro, on se prend une giclée de désespoir saupoudré de nappes aériennes de synthé farfisa, et ‘’Obituaries’’ par les chaînes qu’il traîne d’entrée et sa voix geignarde nous étale au milieu du tapis du salon, bras en croix, fixant les angles des murs, horizons meurtriers. ‘’The bathhouse’’ ne dépareille pas, ‘’Lost Soul’’ non plus, ‘’All yours am I’’ encore moins. Je charcle autant les Puts Marie qu'ils me dézinguent à grands coups de guitares saturées, de synthés surreprésentés. Mais cette masse, il me la faut. Car, là, j’ai un oreiller sur la tête et froid aux orteils. Je suis en retard, je dois choper le bus de 7h18 pour aller au lycée. J’ai pas envie. Mais, j’ai 35 ans, bordel.

Je vous laisse savourer le clip réalisé par Cyril Gfeller dans une espèce de boîte de nuit bisexuelle ou simplement sexuelle, illustrant un morceau ‘’Pornstar’’ d’amour irrémédiable, deuxième titre de l'album, donc du premier Masoch, si vous suivez..

En rentrant du lycée de mes cauchemars, j'écoute la suite de l'album, le Masoch II donc, histoire de me réveiller. "Mob Kisses" grince d'entrée en une longue intro pénétrante, Max Usata reprend la main après ce débit de guitares suturées, tout en douceur, avant un retour en montée de l'instru, ce morceau alterne entre fougue et poésie. Se recaler esuite sous des airs (désert...) de western avec "Hecho en Mexico où la batterie nous fait avancer au trot des chevaux sauvages, le morceau qui détone, comme un rêve intermédiaire. L'album alterne entre l'urbain et le rural, tout en restant dans le trash. Et nous continuons à cheval dans les tristes hurlements de "Horses gone far", et la mélancolie reprend le dessus... J'ai la tête sous mes livres de cours, le Bic prêt à s'enfoncer dans mon oreille gauche. Je saigne en moi tant Max me déglingue de sa souffrance. Souffreteux, le leader vocal l'est dans un "Brush Air" langoureux et long, qui réserve pourtant sa surprise quasi metal finale. L'énergie est revenue avec un relent saturé grunge à la "Smells like teen spirit" de vous savez qui, sur "Sugar run".

Puts Marie navigue sur les eaux de toutes les mers, ne se refuse aucune expérience. On aurait apprécié que "Sugar run" finisse l'album pour me laisser collé sur le bureau de ma chambre d'ado teintée de posters que je ne renierait presque pas aujourd'hui, mais il n'en est rien. "Tell her to come on home" se charge parfaitement du final, en une synthèse de l'ensemble, rapide et désespérée...

Yann Landry

Crédit photo : Jenna Calderari

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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