Cinéma : Drive, le retour du Pulp !

Drive, qui sortira en France le 5 octobre prochain, est le nouveau film du réalisateur danois Nicolas Winding Refn, connu pour sa trilogie Pusher, et qui a plus récemment fait parler de lui avec ses deux derniers films, Bronson et Valhalla Rising (passé inaperçu chez nous, re-titré pour l'occasion Le Guerrier silencieux). S’il s’était alors éloigné de son style habituel pour expérimenter (surtout sur le deuxième nommé), le réalisateur est ici revenu à un style plus « conventionnel », qui lui a mine de rien valu le prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes. Bien que le fond n’ait en apparence rien de bien original - un as du volant, cascadeur blasé qui bosse pour la pègre à ses heures perdues, prend fait et cause pour une jeune femme dont il tombe amoureux et la défend face aux gangsters qui s’acharnent sur elle et sa famille -, le traitement réservé transforme ce qui n’était sur le papier qu’une série B acceptable en un petit chef d’œuvre pulp, dont la musique est un élément primordial. A ce titre, ne vous laissez pas abuser par la bande annonce qui se concentre sur l’action dans le but d’appâter le badaud et ne reflète en rien la nature profonde du métrage.

On peut rapprocher Drive du cinéma de Michael Mann dans l’intention. Rien n’est expliqué verbalement, toutes les interactions entre les personnages se réalisent dans les gestes et les regards, et pourtant l’émotion est palpable du début à la fin. Le personnage principal, campé par un Ryan Gosling débordant de charisme, s'avère être l’archétype du héros, version moderne du chevalier errant/cowboy solitaire, beau gosse mystérieux aux airs d’ange capable de se transformer en machine à tuer, professionnel taciturne inébranlable insensible au monde qui l’entoure qui deviendra vulnérable au fur et à mesure qu’il s’humanise. On sent que le réalisateur a trouvé son alter-égo à l’écran, d’où une incroyable alchimie entre la mise en scène et son héros. On ne connaîtra ni son nom, ni son passé. Les personnages sont montrés tels qu’ils sont au moment où on les voit, sans qu’il soit besoin de rajouter des informations secondaires qui alourdiraient la narration et briseraient l’ambiance cotonneuse dans laquelle baigne le film, faite de cassures de rythme entre tranches de vie lumineuses et explosions de violence, peu nombreuses mais qui de ce fait gagnent en efficacité et marquent la rétine.

La love story platonique aurait pu sonner creuse et bouche-trou comme souvent, elle est ici magnifique et touchante, presqu’adolescente, et parvient à éviter les raccourcis faciles, ce notamment grâce à Carey Mulligan, impeccable d’un bout à l’autre en mère de famille prise entre son mari qui sort de prison et ses sentiments pour le pilote, avec qui l’alchimie est une fois de plus au rendez-vous. On est à l'exact opposé de la gourde silliconnée apportant un sex-appeal de pacotille. La dernière scène entre eux est résume toutes les qualités précédemment évoquées, teintée d’un romantisme tragique qui leur sied parfaitement (et je ne vous raconte pas la conclusion, démentielle). Le reste du casting (un festival de « gueules ») et la direction d’acteurs sont à l’avenant, ce qui permet à Refn de réussir là où Mann s’était passablement planté avec Miami Vice et Public Ennemies : la narration se fait non par le dialogue mais via la réalisation, d’une classe folle, sans que l'on s'ennuie une seule seconde.

La classe est d’ailleurs ce qui décrit sans doute le mieux Drive. Tout est classe dans ce film, de la mise en scène aux personnages (le pilote, un fantasme devenu réalité), en passant par le final romantique en diable (sisi), ce qui permet à ce qui n'était "qu'" une série B de transcender littéralement son potentiel pour atteindre un nouveau palier. Dans son utilisation des références, Nicolas Winding Refn se rapproche également de Tarantino, partageant visiblement le même amour du cinéma de genre, tout en prenant soin de développer son propre ton. On est loin de l’humour du réalisateur de Pulp Fiction, l'univers étant ici solidement ancré dans le réel. Tout est palpable, bien que l'histoire se situe dans un cadre purement pulp, dans lequel les décors deviennent des acteurs à part entière.
 

   


La ville et la nuit s'avèrent des acteurs primordiaux, tout comme la musique, qui est pour beaucoup dans l’ambiance du film. La bande son de Cliff Martinez (compositeur ayant travaillé à plusieurs reprises avec Steven Soderbergh et batteur des Red Hot Chili Peppers sur leurs deux premiers albums et les tournées qui ont suivi), mais aussi les chansons qu'il a retenues, qui vont de l’électronique faussement rétro à la pop post/punk 80’s. Si comme moi vous ne connaissez ni Kavinsky, ni College, et encore moins les artistes alternatifs du label américain Italians do it Better (ici The Chromatics et Desire), nul doute que vous serez surpris. Les amis du schtroumpf et de son émission le Gros Virus seraient particulièrement inspirés d’y jeter une oreille. En résumé, une bonne grosse baffe à l’esprit foutrement rock comme on aimerait en voir plus souvent, qui fait un bien fou après un été à base de Transformers, Pirates des Caraïbes 4 et autres Harry Potter. Le cinéma existe encore !

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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