Rencontre avec Dubioza Kolektiv – 2/5/2016

 « Chacune des chansons de l'album raconte une petite histoire de liberté, car du supermarché jusqu'au parlement on manque de liberté. » 

J'ai pu rencontrer Vedrun le bassiste et Brano le DJ dans un bar parisien, m'octroyant une place dans leur agenda surchargé d'interviews. Tout le monde veut les entendre, et c'est normal, les Dubioza Kolektiv sont vraiment charismatiques.

LGR : Tout d'abord, pourquoi ce nom ?

DK : On a choisi ce mot parce qu'il peut à la fois ressembler à « dubious » en anglais (incertain, hasardeux) et surtout qu'en argot bosnien, « dubioza » signifie à peu près « dans la merde », ce qui revient au même.

LGR : Votre histoire est-elle si incertaine ?

DK : En Bosnie en 2003, les conditions étaient dures. On sortait de la guerre, et pour se sentir exister, il fallait tout créer à partir de rien.
Avant de fonder un groupe au style politiquement incorrect, on s'est surtout demandés ce qu'on allait dire, c'est ensuite qu'on s'est interrogés sur le moyen de le dire. Nous nous sommes réunis entre musiciens de divers coins de Bosnie, et ce n'était absolument pas banal, de se déplacer pour jouer de la musique.
À l'époque on jouait dans la rue, lors de manifestations. À présent, nous sommes 9 personnes en tournée, dont 7 sur scène, et nous venons de plusieurs pays de l'ex-Yougoslavie.
On chante dans les langues de ces pays, pour les gens de ces pays.

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LGR : Pardon ? On a un traitement de défaveur alors, dans le reste du monde ?

DK : Eh bien, nous avons connu des trucs particuliers là-bas. Alors on chante dans la langue intime des gens de choses qu'ils ont connues, de sujets importants de leur point de vue. Et on chante en anglais pour le reste du monde, pour vous prévenir.
En ce moment en Europe, de plus en plus de barrières se dressent. Et nous, on sait où ça mène, on l'a vécu ; on le chante dans la langue internationale. Mais il y a aussi de l'espagnol, de l'italien, dans l'album. Les gens chez qui on joue adorent ce multiculturalisme.

LGR : Oui, vous invitez toujours plein de monde dans vos albums… Avec Happy Machine on retrouve Manu Chao par exemple (et d'autres invités malheureusement inconnus en France). Pourquoi ?

DK : Lors des concerts on rencontre toujours des gens, alors ça se fait naturellement. Que peuvent bien faire des musiciens après quelques verres ? Jouer ! Et on enregistre, tout simplement, on ne force jamais rien, ça se fait sur le moment.
Il y a de sacrées rencontres. Par exemple, Dzambo Agusev, un trompettiste macédonien qu'on a rencontré par hasard… on lui a demandé de jouer un peu, tant et si bien qu'il a fini par figurer sur 9 chansons de l'album, qui en contient 10... Et je n'imagine plus enregistrer quelque chose sans lui maintenant !

LGR : Parlons enfin de l'album, Happy Machine donc. Pourquoi ce nom ?

DK : Pour parler de liberté, toutes les chansons parlent de liberté. On s'est aperçus par exemple qu'en République Tchèque il était interdit de distiller son raki à la maison, et pas chez nous. C'est tenter d'interdire une petite liberté... et ça ne marche absolument pas là-bas ! C'est pour cela que l'illustration de l'album est un schéma d'alambic. Oui, chacune des chansons raconte une petite histoire de liberté, car c'est ce qui nous manque, du supermarché jusqu'au parlement.
 

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LGR : Où avez-vous enregistré ?

DK : Chez moi (Brano) ! En Bosnie, il n'existe pas de marché de la musique comme il peut y avoir ailleurs. Il faut tout faire soi-même. Alors j'ai installé à la maison tout ce qu'il faut comme un mini-studio, et on fait tout comme ça.
De toute façon, on ne sépare pas distinctement les phases de création, de tournée, d'enregistrement… Non, ça c'est bon pour les groupes commerciaux. Par exemple, l'une des chansons de Happy Machine a été enregistrée dans une chambre d'hôtel une nuit en Italie, lors d'une tournée.
Dès qu'on a le son qui va bien, l'inspiration, on enregistre. Et quand on a assez de morceaux, on appelle ça un album, on lui donne un nom et on le met sur Internet.

LGR : Et tous vos albums sont disponibles gratuitement. C'est engagé, mais comment vous financez-vous ?

DK : On se finance surtout avec les concerts. C'est fini le business traditionnel de la musique, et heureusement ! Nous, ce qu'on aime, c'est rencontrer des gens, échanger, jouer pour des humains, en face d'eux. Parce que c'est ça la musique, c'est pour les auditeurs, c'est pas pour une industrie, le but n'est pas d'acheter des carrés de plastique (des cassettes, pour les plus jeunes qui n'auraient pas compris 😉 ), c'est d'entendre ce qu'on a à dire. Cette mort de l'industrie en fait c'est un retour aux sources.

LGR : Et à l'avenir, que prévoyez-vous ?

DK : Déjà, on prévoit seulement l'avenir proche hein. On revient de trois semaines de tournées sur la côte est-américaine, après l'Europe on ira en Australie…
Pour le moment on est en France, et d'ailleurs c'est assez intéressant, on constate une nette différence du public entre le Nord et le Sud de votre pays.
Et puis un prochain album va sortir, en bosnien/serbe/tchèque, donc on se concentrera sur des concerts dans nos pays.
Et sinon on a déjà fini quelques clips, il n'y a plus qu'à les mettre en ligne. Notamment une vidéo tournée lors de notre concert dans l'amphithéâtre de Pula en Croatie, et aussi un film d'animation qui devrait être disponible en septembre.

Un grand merci à Brano et Vedrun, et n'oubliez pas d'écouter leur musique et d'aller les voir en concert.

Le groupe sera en concert demain à la Maroquinerie, pour acheter vos places, cliquez sur le lien ci-dessous :

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