Les TransMusicales de Rennes 2016 (2&3/12/16)

Il y a quelques jours se tenait à Rennes la 38ème édition des TransMusicales dont La Grosse Radio était partenaire; affichant toujours une programmation aussi riche que métissée, passant par le rock, le folk, le funk, et surtout l’électro qui s’accaparait à elle toute seule la green room du parc expo. Le week-end s’annonçait chargé, avec plus d’une vingtaine de groupes par soir, de quoi frôler l’overdose diront certains ; mais nous, on n’a pas peur !

Début des hostilités (du moins pour nous) vendredi soir dans le hall 3 avec les suisses de Fai Baba qui plongent directement dans un mélange détonnant de Blues-rock garage teinté d’électro, et le moins que l’on puisse dire c’est que ça crache. Entre la saturation extrême de la guitare, le jeu de batterie furieux et la voix élevée du chanteur semblant tout droit sorti d’un garage du Kentucky ; on ne sait plus vraiment où donner de la tête. Si, en fait l’énergie communicative du batteur attire invariablement notre regard, et l’on s’amuse à imaginer ce que donnerait un concours du meilleurs frappeur fou entre notre gaillard, Dave Grohl et Animal du Muppet Show. Dommage néanmoins que le son manque de clarté et que l’on arrive pas trop à déceler ce que nous balance le claviériste…
 

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FAI BABA

 

On enchaîne dans la joie et la bonne humeur avec Con Brio. Originaires de San Fransisco, les américains enflamment la salle avec un naturel désarmant, à coup de riffs funks bien sentis et de saxo pour une fois jazz et non énième ersatz des années 80, tout en évitant de sacrifier la qualité de la musique sur la celle de la prestation.
 

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CON BRIO

Pas de doute, les deux vont de paire et sont parfaitement exécutées, le show restant porté par le virevoltant chanteur, fils non déclaré de Steven Tyler et James Brown, qui se paye le luxe de descendre dans la fosse, de danser avec le trompettiste et de taper le squat sur un clavier avant de nous balancer un salto arrière de folie en retombant parfaitement sur le beat lors du dernier morceau ; de quoi nous laisser bouche bée quelques secondes avant de se dire que finalement, Bruno Mars, c’est vraiment pas terrible.
 

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CON BRIO

De retour dans le hall 3, c’est The Jacques qui assure le show. Enfin, c’est un bien grand mot. Il faut dire qu’on a le droit à du rock british dans la droite lignée des Libertines, et à moins d’être fan du rock dandy/punks collée à une moue de branleur qui se fout absolument de tout, ça bande un peu mou dans la salle, sauf pour les midinettes de service trop contentes d’avoir trouvé un Pete Doherty version 2016. Ajoutez à cela un son criard bien dégueulasse, et on se lasse bien vite de ce rock pataud et pas bien finaud…
 

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THE JACQUES

Samedi, c’est jour de marché sur la place des Lices, alors forcément, on y va pour profiter des bons fruits bio et d’une bonne galette saucisse, à moins que l’on décide de s’arrêter voir la fanfare qui vient concurrencer l’éternel joueur de biniou. Une fanfare, certes, mais pas n’importe laquelle, puisqu’il s’agit des allemands de Meute ; et que la vieille école n’est définitivement pas leur style. Là où le cliché nous amènent à imaginer des pouet pouet en majeurs, on se retrouve avec de l’électro jouée en mineur par notre joyeuse troupe tout de rouge vêtue. Et ils envoient du lourd, les salauds, à tel point qu'on leur pardonne bien volontiers cette relative froideur musicale et qu’on oublie de faire ses courses le temps de ce petit récital en forme de publicité pour le vrai concert de la soirée qui aura lieu lui au parc expo, à quatre heure du mat’, pour les plus courageux. En attendant, tout le monde a remballé son caddie pour applaudir chaudement nos amis de l’est avec les danke d’usage et les sourires plein la figure après une superbe reprise de « Running in the Deep » d’Adele. Comme quoi, Adele, c’est pas terrible et elle ferait bien de se faire accompagner par une fanfare.
 

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MEUTE

Etant donnée la fermeture temporaire de la salle de la Cité, l’Association TransMusicales investissait l’église du Vieux Saint-Étienne, à deux enjambées de la place Saint-Anne. Fermeture providentielle, puisqu’un concert dans la nef sous les arcades, malgré la nappe de froid qui rampe et vous lèche les pieds, ça ne se refuse pas. Surtout que la programmation, assurée par un collectif baptisé La Souterraine, y est durant tout le festival exclusivement française. A 14h, c’est le tour du quintette Aquaserge, déjà sur les planches depuis quatre albums et une dizaine d’années. Les musiciens, réunis d’abord autour du groupe Hyperclean, ont choisi de tailler dans une veine somme toute un peu oubliée de l’histoire du rock. En effet, leur pop psychédélique ne se contente pas de redites du premier Pink Floyd ou du fantasme d’une Californie rêvée et fumeuse, comme beaucoup de groupes revival des années 2010. Leur musique va aussi puiser du côté du rock progressif, voire du jazz-rock ou jazz fusion ; et soyons sincères, si le jazz actuel revendique parfois cet héritage, le rock, lui, l’a assez injustement honni. La présence sur scène de différentes clarinettes est un signe qui en impose. Dès le premier morceau, la clarinette basse se déploie dans un froissement électronique qui gratte, avant que ne la rejoignent une guitare funky alanguie, et enfin le clavier au son seventies. Bain psychédélique. Le jeu savant du batteur Julien Barbagallo (qui se produisait la veille en solo dans ce même lieu, et tient également les fûts des Australiens de Tame Impala, s’il vous plaît), tout en cavalcades douces et décidément très « prog-rock », sait se recomposer et s’alentir, pour une fin de morceau à la charmante déstructuration. On a compris, tandis que des gosses à quatre pattes nous passent derrière les mollets, qu’on aura affaire à une vraie proposition musicale, et à une proposition d’une certaine classe.
 

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AQUASERGE

Ni tout à fait pop donc, ni vraiment jazz malgré de vrais éclats aux cuivres et à la guitare, ni rock progressif malgré un son qui se durcit et de redoutables embardées free dans la seconde moitié du set. Aquaserge bénéficie d’une vraie technicité, mais sait être sautillant et groovy quand il le faut. Les motifs répétitifs des clarinettes – qui ne sont pas sans rappeler le minimalisme classique de Philip Glass – croisés avec ceux de la guitare et des voix, créent un univers délicatement obsédant, hypnotique sans être aride, immersif, entre le charme et l’inquiétude. S‘y ajoute un esprit de doux non-sens, du type Lewis Caroll pop’ de série B, mais sans lourdeur, sur les visuels du groupe et dans les paroles : « c’est l’iguane » ou « éléphants roses » égrainés en boucle, le titre « Tintin on est bien mon loulou » (?), ou encore cette formidable intervention du claviériste présentant le dernier morceau : « Vierge Sud… une chanson sur le football. Mais non. » On pourra juger parfois les brutales ruptures rythmiques et atmosphériques un peu « what the fuck », ou au contraire se laisser séduire par cette ballade musicale de l’autre coté du miroir. On a du mal, quoiqu’il en soit, à résister à une pointe de fierté patriotique.
 

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AQUASERGE

Les soirées sont longues aux TransMusicales, mais les après-midi sont tout aussi chargés. On va donc se cultiver un brin en assistant à une conférence sur le choix du chant en francais et/ou en anglais concerant les groupes hexagonaux, suivi d'un concert d’Octave Noire. Et si la conférence nous à appris que le français manquait de tonus et pouvait créer des voix monotones, voire effacées, le chanteur en fait ici la parfaite démonstration. Car malgré une atmosphère soignée, une intro sympa et une dernière chanson aux sonorités arabisantes plutôt accrocheuse, on à de nouveau affaire à de la pop/électro aussi pompeuse que celle de Woodkid qui sera sans aucun doute labellisé France Inter. On nous a pourtant indiqué que ce serait sans nul doute le meilleur album de 2017 ; c’est dire si ça risque d’être une année de merde !
 

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OCTAVE NOIRE

 


Au parc, les cuivres aussi eurent la part belle. Nous sommes accueillis vers 22h30 par Lucky Chops, solide brass band américaine héritière du funk, de la soul et de la disco. Sacrée chaleur qui ne nous quittera plus. Le hall 9 n’est pas encore plein à craquer, mais ça n’empêche en rien Aïsha Devi de tenir sa messe hindouiste electro, à coup de basses violemment frémissantes et de voix très, très perchée. Un tel cocktail à seulement 23h a de quoi dérouter, faut dire qu’on a pas encore le temps de digérer l’ecstasy et qu’on a encore du mal à trouver l’illumination dans les vidéos bien barrées de l’écran géant sur la scène. La musicienne a au moins le courage de ne pas se débiner dans son délire et de nous quitter sur un « We are in trance, now » de bon aloi. Mais bon, elle nous apprend rien la dame, on le savait bien, nous, qu’on était aux trans !

 

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AÏSHA DEVI

Au même moment, mais pas au même endroit avons-nous eu le droit à une curiosité de premier ordre, le duo catalan Cabo San Roque. Lui à la guitare, elle aux claviers et machines, se positionnent de part et d’autre d’une étrange installation, faite d’enceintes empilées abritant des percussions analogiques automatisées, enceintes mutantes, récup’ de bric et de broc. Ca tabasse donc sec, mais avec ces craquements et ces froissements que la musique numérique, dans ses infinies possibilités, ne parviendra jamais à rendre. L’amateur de textures sonores et d’expérimentation est épinglé jusqu’à la fin du set. Avouons-le, les jappements aiguës de la guitare ne participent pas à calmer les nerfs, de même que les mélodies dissonantes voire dadaïstes souvent. L’énergie est là, brute, pour jouir de cette musique rubik’s cube, entre pop industrielle et math-rock simpliste.
 

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CABO SAN ROQUE

On regrette de ne pouvoir qu’évoquer les deux suivants, chacun dans leur veine – hasards malheureux de la programmation. Car nous dûmes rapidement quitter BCUC, leurs transes chorales débarquées de Soweto, avec sifflets et percussions traditionnelles. Outre les percussions, une basse seulement, et rien de plus n’était nécessaire. Sur les rythmes africains ternaires, BCUC (ou Bantu Continua Uhuru Consciousness) déploie une incroyable énergie physique et vocale, non exempte de rage politique revendicatrice. Avec des tripes pareilles, difficile de ne pas les suivre.
 

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BCUC

Mais il nous fallait voir Super Parquet. Contrairement aux apparences trompeuses, ce quatuor qui manie les instruments traditionnels comme le banjo ou la vielle à roue n’est pas celtique, mais auvergnat ; et ce sac vrombissant n’est donc pas un biniou, mais une cabrette. Quoiqu’il en soit, Super Parquet suit un chemin emprunté (entre autres, mais tout particulièrement) par les Bretons, en donnant aux musiques trad’ une couleur plus actuelle. Ici, le métissage consiste à booster l’ensemble en mode rave, à coup de percussions électroniques. Ce n’est plus guère dansant, ou difficilement… Mais il est plaisant de voir ce que peuvent partager les ritournelles bourdonnantes de nos aïeux et la musique électronique la plus contemporaine : ce goût de la transe, justement, trouvée dans une certaine saturation hypnotique. Malheureusement, les balances pêchent, et le beat est trop fort comparativement aux sonneries des instruments. On pardonnera l’erreur en se laissant bercer par le dernier morceau, en forme de dantesque progression rythmée.
 

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SUPER PARQUET

Nous aurions aimé pouvoir défendre les filles de Reykjavik, ou Reykjavíkurdætur. Sur le papier, ce collectif islandais d’une vingtaine de rappeuses aux textes féministes avait tout pour plaire. Vogue scandinave, antisexisme, féminité hip-hop… Les médias avaient donné droit dedans. Mais que dire de plus, que voir de plus qu’une troupe de jeunes femmes se dandiner sans chorégraphie sérieuse, en dessous noirs et en ample chemise ouverte ? Que certaines portent un god ceinture ? Peaches s’en était fait une spécialité il y a dix ans, et ne l’avait certainement pas inventé… Nous serions prêt à tout pardonner, même ce féminisme provocateur sexy et guimauve, s’il ne manquait la musique. Aucune originalité ni subtilité dans ce hip-hop lourdingue, pas assez groovy, ou pas assez radical, en tout cas pas-assez-quelque-chose. Un concept à la mode pour un résultat bien fade.

Mais ne finissons pas sur cette (quasi-unique) déceptionl. Sauropod a sauvé l’honneur de la Scandinavie. Certes, pas de radicale originalité ici non plus (comment ne pas entendre résonner derrière ce nom celui, fantôme, de Dinosaur Jr ?), mais une furieuse décharge de punk, entre hardcore et alternatif. Ca braille dans une tonalité qui évoque Brian Molko, mais amphétaminé, les guitares crachent, c’est speed et un peu neuneu : amen.

Une grosse demi-heure plus tard – dans quel autre festival de France trouver une telle programmation à 4h du matin ? – Meute enflamme littéralement le hall 8 du Parc des Expositions, et mieux que ne le font les producteurs de techno un hall plus loin. Cette « techno marching band », fanfare purement analogique venue de Hambourg, tisse autour d’un lourd beat assuré par les percussions portatives des figures répétitives imparables, nous laissant parfois l’échappée heureuse d’un solo cuivré, en forme de jouissive respiration. Ce n’est pas de la plus grande délicatesse ; mais quelle machine de guerre !
 

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MEUTE

 

C'est ainsi que notre périple rennais s'achève, et que vient le temps pour nos tympans de retrouver une vie normale en attendant de revenir toujours plus en forme pour la 39ème des Trans !

Un article de Benito Monolithe & McFly

 

festival émergent, 2016

 

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