Matmatah – Plates Coutures

Après une longue absence, ponctuée par la sortie d'un Best-Of, les bretons de Matmatah sortent leur cinquième album studio, Plates Coutures.
Bien loin des blagues potaches des "Moutons", le quatuor a soigné son retour, et propose 11 titres bien plantés dans leur époque.

C'est le bassiste, Eric, qui a réussi à rassembler la petite troupe, en sommeil depuis la tournée de 2008. A force de persuasion, le breton est têtu, il paraît. Bien sûr, il y avait eu cet album posthume, Antaology, sorte de bilan, sorti en 2015. De cet album, il était sorti un inédit, "Triceratops", chanté en anglais (pas si courant dans l'histoire du groupe), mais bon, rien de plus à se mettre sous la dent. Cet inédit a eu au moins le mérite d'officialiser l'arrivée de Manu Barroux, transfuge de Aston Villa, à la guitare. L'arrivée, oui, mais pour quoi faire...

Eté 2016, c'est en toute discrétion que Matmatah se remet au travail. Annonce surprise d'une série de concerts d'abord, dont un Olympia complet en quelques jours. Toujours bien à l'écart des médias, dans leur plus pur style d'autoproduction, la réactivation de leur compte Facebook a suffit à remplir toutes les salles de ce début de tournée 2017.

Et comme Matmatah n'est pas encore membre des tournées de stars périmées des années 80 de mes machines, hors de question de se limiter à une prestation nostalgique, avec uniquement des vieux morceaux. Non, il fallait du neuf, du saignant, du cinglant. Le résultat ? Un cinquième album, sort début mars 2017, qui installe définitivement Matmatah dans la grande famille des groupes de rock.

Car oui, après un premier opus à connotation bretonne bretonnante (mais pas que), les Matmatah ont envoyé 3 albums de rock, ont délaissé l'aspect trad', et ont délivré un solide son dans la pure tradiction brut made in France.

Nouvel album, rock, 2017
Photo Julien Banes

Made in eux-même, on devrait même dire. Car Matmatah s'est toujours tenu à l'écart, a conservé sa liberté, en ne faisant appel à aucun label hormis le leur, et en s'entourant de beaux noms, comme Bruno Green (Detroit), qui a produit Plates Coutures. Le résultat est un son bien vintage, à fortes guitares, avec une grosse basse bien ronde. Du bon gros rock comme on aime, qui s'écoute bien fort, sans pour autant s'égarer dans des styles trop coléreux.

Heureux de se retrouver, les Matmatah en profitent pour peaufiner leurs clasiques. Leur rock solide va chercher ses influences dans le son des années 90, guitares en avant, avec parfois des refrains qui pourraient être empruntés à un certain Iggy P. ("Retour à La Normale"), ou plus calmes ("O Ma Beauté").

Matmatah, sans être le groupe le plus grande gueule de la planète rock, n'a pas non plus sa langue dans sa poche. Et des choses à dire, il y en a. Bien dites d'ailleurs, l'écriture des textes reste toujours aussi fine, aussi précise. L'écologie, la destruction programmée de notre bonne planète bleue ("Nous Y Sommes"), la course cynique au pouvoir et aux abus en tous genres ("Marée Haute"), qui résonne tout particulièrement avec l'actualité du moment, tous ces maux qui nous rongent, Matmatah ne passe pas à côté. Ce morceau pourrait évoquer tellement de monde que c'en est presque indécent, chacun pourra mettre le nom qu'il souhaite, ça sonnera juste. L'orgie ultra-connectiviste a droit également à sa petite dédicae ("OverCom"). Rassure-toi, ami lecteur, Matmatah n'enfonce pas des portes ouvertes. L'écriture a cette élégance qui apporte un éclairage indirect sur ces sujets de société. Pour preuve ce premier clip, tout en iode.

L'énigmatique "Toboggan" sort du lot. D'abord par sa longueur (plus de 6 minutes), puis par le mystère qui entoure les paroles. Qu'est-ce donc qui "était posé juste là, à 100 000 années lumières" ? Ca a l'air tellement évident, et pourtant le secret reste bien gardé. Musicalement, ce morceau, très apaisé, avec un fond de nostalgie, ses choeurs aériens, et ce pont au milieu, est un des titres phare de l'album. Impossible à passer en radio, format atypique, à écouter le soir, au calme, au casque.

Toujours planté dans le monde actuel, donc. Avec un morceau sur les destructions de Palmyre ("Petite Frappe"), écrit avec une fausse naïveté, et un autre sur les femmes combattantes Kurdes en Irak ("Peshmerga"), c'est, pour Matmatah aussi, la situation au Moyen-Orient, Daesh, qui occupe une part importante du discours. 2 morceaux sur 11, c'est loin d'être neutre. C'est d'ailleurs sur ce goût amer, malgré un message optimiste ("ils ne l'emporteront pas"...) au son d'une musique toute calme, guitares accoustiques en bandoulière, touches de piano, que Matmatah clôt l'album.

Nouvel album, rock, 2017
photo Christian Geisselmann

Alors ce retour... qu'en penser ?
D'abord, c'est objectivement un retour réussi. Parce que les salles sont pleines, parce que les nouveaux morceaux sont à la hauteur, parce que tout le monde y prend du plaisir.
On pourra regretter que Matmatah ne nous surprenne pas. Les projets parallèles que les membres ont menés durant cette pause les ont certainement enrichi, mais le son Matmatah, le style Matmatah, est resté semblable. La maturité s'entend sur des détails, sur les thèmes abordés, mais on aurait peut-être aimé une prise de risques un peu plus grande, un léger dérapage vers des territoires à explorer. Mais ne boudons pas notre plaisir, Plates Coutures est un bel objet.

Matmatah est actuellement en tournée, et sera présent à l'affiche de nombreux festivals cet été.
Toutes les dates sont disponibles sur leur site.

"Plates Coutures", sorti le 3 mars 2017, chez La Ouache Prod
 

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NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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