The Afghan Whigs – In Spades

"Pour l'avenir des Whigs, Dulli serait bien avisé de se trouver un fidèle lieutenant, un partenaire de confiance, un collaborateur privilégié, en bref quelqu'un qui lui botte le cul de temps en temps pour le sortir de sa zone de confort."

Deuxième album depuis la reformation des américains, après Do to the Beast en 2014. Do to the Beast, qui, s'il ne m'avait pas emballé plus que ça lors de sa sortie, m'a bien plus convaincu quand je m'y suis replongé avant de découvrir ce nouvel album. Pourquoi nous raconte-t il sa vie vous demandez-vous peut-être ? Parce que je pense avoir finalement mis le doigt sur ce qui m'a gêné. Cette nouvelle mouture souffre en effet de deux choses : la première est tout simplement le temps qui passe, de sorte que si l'on retrouve la patte (et la voix) du chanteur Greg Dulli, immédiatement reconnaissable, The Afghan Whigs sonne plus comme un autre groupe que comme celui qui a sorti Gentlemen, Black Love et 1965, comme un mix des Twilight Singers (le groupe monté par Dulli après la séparation) et des Whigs. Cela étant, tout groupe change avec le temps, et le fait qu'ils ne reprennent pas les choses là où ils les avaient laissées 15 ans plus tôt est assez normal. 

Le deuxième point est le départ du guitariste Rick McCollum. Le batteur Steve Earle n'étant déjà pas de l'aventure à la base, cela ne fait que deux membres originaux dans le line-up actuel... Donc parler de "reformation" est désormais un peu hors de propos. Hors, l'absence de McCollum se fait cruellement sentir. S'il était difficile de juger de son impact sur Do to the Beast (pour lequel les parties de guitare avaient été enregistrées par d'autres musiciens), il est tout à fait clair cette fois-ci qu'il n'y a qu'un seul capitaine à bord du vaisseau. Entendons-nous, In Spades n'est pas un mauvais album, mais il tient davantage de l'album solo de Greg Dulli qu'autre chose. 


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Tout commence pourtant bien avec la superbe intro "Birdland", qui démarre cet album de façon étonnante. "Arabian Heights" est bien plus classique pour qui connaît les oeuvres du groupe, mais permet de commencer ces retrouvailles en douceur. Et pourtant, difficile de ne pas immdiatement remarquer que le son est un peu vide, les arrangements pas spécialement inventifs, et que Dulli se repose un peu trop sur ce qu'il sait faire. L'amateur retrouve avec plaisir ses marques et les ambiances chaleureuses qu'il apprécie, mais après 7 albums (sans compter ceux sortis par Dulli après la séparation), ne serait-on pas en droit d'attendre des surprises ? Des prises de risques ? Ce n'est pas comme si la discographie du groupe était monolithique, et jusqu'alors la formation a toujours su sortir des albums au caractère bien trempé et différent de ses prédécesseurs. Mais ici, une impression de facilité domine les débats. Même problème sur le single "Demons in profile" : l'ambiance est là, le titre est bien troussé, mais on a déjà entendu ça ailleurs, en plus inventif, avec des arrangements mieux travaillés...

Cela étant dit, In Spades fait également preuve d'une volonté d'aller droit au but : les titres sont courts, l'album aussi (à peine plus de 36 minutes). Quelques morceaux tirent leur épingle du jeu, "Toy Automatic", mid-tempo moins convenu, "Oriole", classique mais qui fait plaisir, surtout sur le break, "Copernicus", avec un break qui une fois de plus fait mouche, "Light as a feather", du pur Afghan Whigs comme on l'aime... L'album est tout sauf mauvais, mais il aurait mérité d'être davantage fignolé. Et c'est là que les limites de Dulli se font sentir. L'homme a un style bien à lui, mais après une carrière aussi longue, on connaît tous ses tics, tous ses trucs, et le besoin de renouvellement se fait sentir. Or, ce renouvellement pourrait venir d'une collaboration avec un musicien aguerri : McCollum tenait ce rôle dans la première incarnation des Whigs, Mark Lanegan sur l'unique et excellent album des Gutter Twins, les Twilight Singers avaient trouvé leur propre équilibre... En bref, il manque un contrepoint.

 

Le label Sub Pop a généreusement mis l'album en écoute sur le net.
 

Au final, In Spades reste un bon album (et qui m'aura donné l'occasion de réévaluer son prédécesseur à la hausse), qui fera plaisir aux fans, mais qui tourne un peu en rond et montre les limites atteintes par son leader après 30 ans de carrière. Cela arrive aux meilleurs, mais pour l'avenir des Whigs, Dulli serait bien avisé de se trouver un fidèle lieutenant, un partenaire de confiance, un collaborateur privilégié, en bref quelqu'un qui lui botte le cul de temps en temps pour le sortir de sa zone de confort.


Sorti le 5 mai 2017 chez Sub Pop records
 

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NOTE DE L'AUTEUR : 6 / 10



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