Festival TINALS 2017 – Jour 1 : Claques et costumes cintrés

9 juin 2017 : ouverture de la cinquième édition du This Is Not A Love Song qui, au vu de la programmation présentée cette année, n'est clairement plus un festival en devenir, mais une véritable référence. Non pas que l'on connaisse tous les noms inscrits sur le flyer (encore qu'à La Grosse Radio, on suit quand même des types comme Johnny Mafia ou Archie and the Bunkers depuis un certain temps), mais justement, le principe est là : les têtes d'affiche insupportables qui tournent en boucle sur tous les festivals de France n'ont pas été conviées ; les artistes présents, eux, sont les têtes d'affiche de demain, et ne sont pas encore insupportables. Tout est bien, donc.

La conception du TINALS, grande ode à la curiosité, pousse constamment le spectateur à sortir de sa zone de confort pour se laisser perdre dans l'univers d'artistes sélectionnés avec goût ; un goût si sûr que les conflits d'emploi du temps sont fréquents. Dès le départ, il faut choisir entre Yassassin et Goat Girl. Nous choisissons ces dernières, juste parce que les Moonlandingz avaient jugé bon de les emmener avec eux sur leur tournée anglaise, et qu'on doit pouvoir faire confiance au bon goût de Lias Saoudi et Adrian Flanagan. Leur set prend du retard, et nous laisse finalement une dizaine de minutes pour nous intéresser à Yassassin.

 

YASSASSIN

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Le quintet britannique, basé à Londres, propose une power-pop coupée à la fuzz grungy, plutôt efficace. L'investissement de la scène Flamingo est total : quatre musiciennes viennent s'époumoner dans quatre micros disposés en une ligne de front agressive, couverte par la batterie-artillerie vrombissante. On évoque L7 dans la fosse, il y a filiation évidente, avec sans doute une dimension mélodique plus appuyée, dans les lignes de guitare, dans l'harmonie des voix, et puis dans le mélodica rigolo qui sonnerait presque ska, associé à la ligne de basse rebondissante du troisième titre.

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GOAT GIRL

Sur la scène Bamboo, Goat Girl s'avance en traînant des pieds. Du fait du retard, le set a été réduit, on nous annonce qu'il ne devrait durer qu'une demi-heure. Un bon tiers en sera consacré à l'accordage fastidieux d'une guitare récalcitrante. Une première longue tentative échoue, le son est diffusé en façade. Puis la pédale d'une comparse est réquisitionnée. Oh, le temps passe tellement vite.

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Lorsque, parfois, une chanson est jouée, elle est d'excellente qualité : la voix suave traîne avec la plus extrême nonchalance, pendant que la guitare tisse en douce quelques mélodies bancales et touchantes, et que la batterie s'essaie à un break hasardeux. Tout est foutraque et tordu. Après trente minutes passées à faire la gueule, les filles s'en vont comme si elles n'étaient jamais venues. Goat Girl est une quadruple personnification de l'apathie, probablement issue de l'imagination d'un opiomane, scénariste pour des séries MTV dans les années 90. On adore.

THE COATHANGERS

Mais la claque du jour, c'est en intérieur, et par surprise qu'on se la prendra : The Coathangers (les cintres, donc, en référence, semble-t-il, à une technique d'avortement des plus primaires), originaire d'Atlanta, état de Géorgie, joue dans la Grande Salle, tente de la mettre à sac.
Les compositions du trio possèdent deux qualités importantes qui, associées, deviennent alors des armes redoutables : la twistabilité de leurs rythmiques - c'est à dire qu'il est possible d'y danser le twist – et une sorte de violence contenue, gonflant les panses comme de l'hélium, orientant les torses vers le ciel, en une posture de combat agressive.

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Chaque titre est un appel à la bagarre, chaque déplacement de la bassiste furieuse est une provocation, un « viens, ben viens ! » pousse-au-crime. A la batterie, la frappe est d'une brutalité terrible, et la voix parfaitement grave et éraillée répond magnifiquement aux aigus de la chanteuse principale, piquante à souhait. Le charisme de cette dernière est étonnant, son investissement total et constant ; même lorsqu'il s'agit de faire pouic-pouic avec un jouet pour chien pendant toute une chanson, elle reste terrifiante. En fin de concert, les instruments s'échangent plusieurs fois, histoire pour les Coathangers de montrer qu'elles maîtrisent toutes les techniques de combat ; aucune perte d'énergie à déplorer, le contrôle est total.

On en sort soufflé, en même temps qu'infiniment belliqueux, essayant de nous faire marcher sur les pieds pour avoir une raison de se battre. La pression ne retombera véritablement qu'une demi-heure plus tard, lorsque nous croiserons Crook Kid non loin de la scène Flamingo ; nous lui avouons que son concert était un peu comme « a big punch in our face », elle nous murmure que pour elle aussi, et nous la quittons, rassérénés.

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THE MAKE UP

Comme le dernier album des Growlers est mièvre, nous n'allons pas les voir. L'une des grosses attractions de cette édition du This Is Not A Love Song s'appelle The Make Up : dans la presse, Christian Allex n'a eu de cesse de porter aux nues ce groupe phare de la scène indie des années 90, dont la reformation après 17 ans de pause est un petit événement. Au final, il semble que peu de festivaliers connaissent aussi bien le groupe que le programmateur du festival, mais cela importe peu : le show est parfaitement convaincant.

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Le groupe en costards dorés, envoie un groove solide, une rythmique quasi hip-hop dans sa mécanique dansante infernale, et se tient bien en retrait, afin de laisser à Ian Svevonius, dans ses habits de lumière, tout l'espace nécessaire à l'étendue de son charisme. Omniprésent, insaisissable, il parvient à sortir les spectateurs de leur torpeur méfiante, et finit par marcher sur eux comme un James Brown volant. 

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THE BLIND SHAKE

L'échéance suivante est problématique : il s'agit de choisir entre The Blind Shake, trio signé sur Castle Face, et Shame, jeunes phénomènes post-punk dont les mérites sont vantés partout. Nous choisissons tout de même les premiers, dont l'album Celebrate Your Worth devrait s'adapter aisément au son puissant de la Grande Salle. Les frères Blaha sont privés de Dave Roper, souffrant ; cette absence est une petite déception, tant la furie du batteur joue dans la qualité des lives du groupe.

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Tout de même, la prestation du duo de fortune reste intéressante ; au courage, Mike et Jim prouvent la crédibilité de leurs compositions, efficaces même en étant réduites à une formule minimaliste comprenant deux guitares, un chant unique sans chœurs, et une grosse caisse martelée brutalement sur tous les temps. Avec une telle formation, le risque est de lasser le public rapidement : il n'en est rien, le concert reste dynamique et percutant, botte des culs jusqu'aux dernières secondes.

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TURBONEGRO

Le groupe qui clôt la soirée, Turbonegro, est au cœur des débats. Damien, un sympathique festivalier croisé tout près de la buvette, nous explique la situation : d'un côté, les détracteurs du groupe lui reprochent de détonner scandaleusement avec la programmation, tant il n'y a rien d'indie dans la démarche du groupe ; d'un autre, ses défenseurs arguent que leur choix de registre initial, un punk heavy à très forte tendance glam, parfaitement à contre-courant de la vague black metal qui déferlait alors dans leur Norvège natale, est suffisamment cherche-merde pour être considéré comme indépendant.

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La reprise du "Bohemian Rhapsody" de Queen, avant leur tube "City Of Satan" au rythme pompé sur "We Will Rock You", est un argument potentiellement récupérable par les deux camps. Quoi qu'il en soit, la Turbojurgend, équivalent turbonégrien de la Kiss Army, est présente en masse à Paloma, et ajoute allègrement le bleu jean de leurs vestes sans manches à la palette de couleurs du festival. De notre côté, nous ne prenons pas position, et ne gardons d'ailleurs que peu de souvenirs du concert, si ce n'est un épais bouillard et quelques ecchymoses, vestiges de combats impitoyables dans la fosse aux lions.

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Crédits photos : Thomas Sanna

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