Interview avec Ryan Peake, guitariste de Nickelback


« J'aime penser qu'on est devenus de meilleurs compositeurs »


Nickelback a sorti son neuvième album Feed the Machine. On ne présente plus le combo canadien. Nous avons rencontré Ryan Peake, guitariste de la formation, avant la sortie de ce dernier album. À cette occasion, il nous parle de la composition de cet album, des messages qui se cachent derrière les morceaux du groupe et de ses influences personnelles.

Bonjour Ryan, merci de nous accorder cette interview. Comment te sens-tu à l'approche de la sortie de Feed the Machine ?

Ryan Peake : On est content de cet album, maintenant nous verrons bien si les gens aiment ou non. Je ne suis pas inquiet, du moment qu'on est heureux avec ce que nous avons fait en studio. J'aime bien savoir si on aime notre travail ou non. Après, s'ils aiment tant mieux, sinon, peut-être qu'ils aimeront le prochain album.

Quels ont été les retours sur votre single « Feed the Machine » ?

Assez inattendus, globalement très bons. J'ai beaucoup aimé travailler sur ce morceau, j'aime ce qu'il dégage, niveau musique mais aussi au niveau des paroles. J'aime que ce morceau aborde non pas un sujet en particulier, mais plusieurs, en fonction des interprétations. C'est un titre important et qui me parle.

Tu peux nous présenter un peu l'album ?

On a commencé à enregistrer cet album il y a plus d'un an et demi, puis on a fait une pause durant tout l'été dernier. Le travail a vraiment débuté en janvier 2016. Souvent on nous demande s'il y'a un thème, une ligne directrice à cet album. Comme si le thème du morceau « Feed the Machine » était présent tout au long de l'album. Mais je ne pense pas. C'est une impression qu'on peut avoir, avec la pochette et ce premier morceau, qui nous donnent par ailleurs un côté très metal (rires). Concernant cette pochette on a juste trouvé que c'était une bonne image, qui pouvait être appliquée aux différents sujets abordés sur cet album. Le but ici était vraiment de faire un album rock. Sur notre dernier opus, No Fixed Address, on était plus du côté de l'expérimentation. Ici, c'est plus un retour à ce qu'on a l'habitude de faire, même si tous les morceaux ne se ressemblent pas.

Vous ne pensez pas retourner vers quelque chose de plus pop à l'avenir ?

Ah, je ne peux pas faire de promesses (rires). On se fera toujours critiquer. Si on fait quelque chose de différent et de moins rock, il y aura toujours quelqu'un qui n'aimera pas. J'écoute de tout, je ne pourrais pas écouter que du rock, ou que du metal, je deviendrais complètement fou. C'est pareil quand je joue, je veux juste être libre de jouer différents styles de musique sans que ça pose problème. Au final j'ai vraiment envie de dire aux gens : tu aimes bien un morceau, très bien, si tu n'en aimes pas un autre, libre à toi de passer au morceau suivant et tout ira bien pour toi jusqu'au bout de l'album. (rires)

Tu peux nous parler un peu plus du morceau « Feed the Machine », et de pourquoi vous avez choisi ce morceau en guise de single ?

(rires) Tu veux une réponse honnête ?

Tant qu'à faire, oui !

C'est le premier morceau que nous avions terminé au moment où nous devions sortir le single. « Coin for the Ferryman » était presque terminé, mais nous pensions que « Feed the Machine » était plus puissant. On avait passé beaucoup de temps dessus, car on savait que c'était un morceau avec un gros potentiel... Mais c'était de toute façon notre unique morceau terminé à ce moment-là ! En studio on a décidé de faire 11 morceaux, en donnant le meilleur. Le but n'était pas de faire 30 morceaux, pour ensuite choisir les meilleurs. Pour « Feed the Machine », l'idée était vraiment de mettre en avant quelque chose de fort. Le but n'était plus d'écrire des morceaux à propos de fêtes, d'alcool... On a déjà fait tout ça, mais j'aime le fait que ce morceau puisse faire réfléchir, et c'est une bonne chose de pouvoir le mettre en avant.

D'où vient cette idée d'écrire à propos d'un futur dystopique ?

Pour être honnête, ce n'était pas mon choix. Encore une fois, il peut y avoir un sens différent pour chaque morceau, d'un côté j'aime que ce morceau puisse interpeller certaines personnes qui ne se disaient pas forcément que le sujet pouvait être interprété sous cet angle. J'aime vraiment qu'un morceau puisse être interprété de différentes façons, s'appliquer à différentes histoires.

Ça donne également une image beaucoup plus sérieuse du groupe.

Pas forcément. Nickelback a plusieurs facettes, le but n'est vraiment pas de se dire qu'à partir de maintenant, on est juste un groupe de rock sérieux. Ce serait complètement déplacé de notre part. Je sais que le public se moque généralement de l'opinion d'un groupe sur tel ou tel sujet, et leur première réaction est souvent « Ils ne savent pas de quoi ils parlent, ils font ça pour vendre ». Je n'aime pas ce genre de remarque... En fait, je vis sur cette planète, comme tout le monde, je vois des choses qui me rendent heureux, je vois des choses qui m'agacent, je vois des choses qui me font réfléchir, et je ne comprends pas ce qu'il y a de mal à ça. Oui, selon certaines personnes ce n'est pas caractéristique de Nickelback... On l'a déjà fait par le passé. Parfois, il y a des choses qui te touchent, te remuent, et il ne faut pas se soucier de si d'autres vont aimer ou non. Pour résumer : les gens se fichent certainement de ce qu'on va vouloir dire, mais on a envie de le faire quand même.

Le morceau « Silent Majority » est justement dans la même veine, assez sérieux et porteur d'un message.

Oui, il y a vraiment un message dans ce morceau. Mon frère et moi nous parlions d'une majorité silencieuse, de deux façons différentes, mais toujours en opposition à la minorité qui s'exprime. Un jour ce sujet nous est revenu, on était à Los Angeles, et Chad avait déjà la musique en tête. Au sein de notre société, il y a souvent un intérêt soudain pour divers sujets, toujours traités d'une certaine façon. On entend simplement les personnes qui parlent le plus fort, mais ça ne représente pas le reste de la population. Ils n'ont pas raison, ils sont juste plus visibles, plus bruyants. Tandis qu'une majorité ne veut pas forcément capable ou légitime de manifester, de s'affirmer sur ces sujets. Je trouve juste ça complètement fou. J'aimerais que cette majorité ne soit plus silencieuse, je sais que c'est utopique, que ça n'arrivera pas sitôt parce qu'on est tous pareils. Je plaide coupable aussi, je vois des choses qui me révoltent, je me dis que c'est horrible, et ça s'arrête là. Je ne vais m'offusquer, je ne vais pas créer un groupe de soutien.

En plus des sujets abordés, les riffs sont plutôt heavy sur Feed the Machine. C'était un parti pris dès le départ ?

Ça dépend, Chad a par exemple écrit « For The River », seul, pour cet album. Il était seul en studio, je savais qu'il avait certains riffs de côté, il en a sorti ce morceau. Je trouve ce titre excellent. J'aime qu'un morceau accroche et reste en tête. Que ce soit le riff, le beat de batterie, un tempo, il faut qu'il y ait quelque chose. Par exemple, le riff de « Must Be Nice » a vraiment quelque chose, quand on l'a entendu on était tous d'accord pour dire qu'on tenait un truc. D'où ça vient ? Ça, je ne peux pas le dire. Pour « The Betrayal  » act III et I c'est un peu particulier. Je voulais vraiment quelque chose de rentre dedans. J'aime énormément ce qui est mélodique, mais j'adore aussi tout ce qui est plus agressif, et je voulais ajouter une touche différente, qui soit assez étrange pour nous. Bien sûr, on ne va pas devenir Dream Theater, ou un groupe de prog. Mais j'avais besoin d'expérimenter dans ce sens, tout en restant sur un riff heavy. C'est vrai qu'on a déjà écrit des titres un peu agressifs, mais pour le coup, ça ressort pas mal sur certains morceaux de Feed the Machine, surtout sur le refrain de « The Betrayal (Act III) » ! On voulait réellement exploiter cette facette.

Justement, concernant « The Betrayal », comment est né ce morceau, scindé en deux parties très différentes ?

On avait déjà la partie heavy, c'est après qu'est venu l'Act I. C'est comme un rappel, avec le son d'un guitare classique, plus calme. Ça permet de juxtaposer deux genres de musique, on n'avait encore jamais fait ça. Ce n'est pas supposé te renvoyer à un certain endroit, ou à un certain moment, c'est juste une ouverture sur quelque chose de différent. Musicalement, c'est un gros mélange. En studio, je ne suis pas un chemin tout tracé, je ne sais pas d'où ça vient. Mais dans mon esprit c'est un Act I, qui arrive comme une ouverture. Quant à l'Act III c'est un peu le final.

Vous avez envie d'inclure plus de morceaux instrumentaux à l'avenir sur vos albums ?

Je ne sais pas, on verra comment ça sera reçu. Moi je suis toujours ouvert à ce genre de compositions et d'évolutions. Certains vont peut-être se dire que c'est intéressant, d'autres vont se demander ce que ça fait là. En tout cas on a adoré travailler sur ce morceaux-là.

Niveau matériel, vous utilisez toujours le même, ou vous tentez de faire évoluer votre son ?

On utilise globalement le même matériel. J'ai différentes guitares, Gibson, Explorer, ou Telecaster, ça dépend. Sur scène, on continuera d'en utiliser autant. Mais je trouve ça sympa d'avoir un panel de guitares, et de les utiliser pour mettre en place certains scénarios. Elles ont leurs particularités. Globalement, on essaie tout de même de conserver le même matériel, ça permet de rester cohérent.

On retrouve toujours différentes facettes de Nickelback sur vos albums. Si les morceaux sont entrainants, il y a toujours un côté plus rentre dedans, et un autre plus calme, ça dépend des morceaux. C'est important pour vous de conserver cette diversité ?

Oui, c'est clair. On n'est pas forcément d'humeur à faire du metal tous les jours. J'aime beaucoup de styles musicaux différents. Comme tout le monde, je pense. Ça dépend aussi énormément des sujets que nous voulons aborder. Chad a écrit « Home » par exemple, c'est un morceau fort, le sujet est lourd de sens pour lui. Je trouve que ça fonctionne parfaitement avec la musique, ça lui donne une certaine force. C'est une facette, une humeur, qui ne prête pas à sourire et donc ne fonctionnerait pas avec une autre musique. Je pense qu'on aime faire ce genre de chose et s'adapter à différents états d'esprit. Ça dépend de comment on se sent, et faire des morceaux, ça nous permet de garder un juste milieu justement. C'est cool de jouer du rock, mais il y aura toujours une place pour des morceaux plus posés.

feed the machine, nickelback
Photo : Richard Beland

Sur Feed the Machine, quel titre sort du lot, selon toi ?

Justement le morceau « Feed the Machine ». J'aime particulièrement comment nous avons réussi à la faire évoluer. « The Betrayal Act III », pour le côté heavy, parce que c'est évidemment sympa à jouer. Pour la partie I, parce que ça sortait de ce qu'on a l'habitude de faire, c'est sensé représenter le calme avant la tempête. C'est quelque chose qu'on a jamais fait et j'aime aimé tester ça. Sinon, je dois avouer que j'aime particulièrement « For The River », Chad a écrit ce morceau et je n'ai aucun lien avec, mais c'était une très bonne surprise. Nuno Bettencourt joue même le solo de guitare c'était assez inattendu je dois dire, je ne l'ai su qu'à la fin, j'ai entendu le solo et j'ai dit « Chad, c'est pas ton solo, qui joue le solo ?! » (rires). Et là j'ai appris que c'était Nuno Bettencourt. Il est excellent !

Nickelback a une carrière incroyable. Au bout de 20 ans en tant que guitariste, qu'est-ce que tu as appris ?

J'aime penser qu'on est devenus de meilleurs compositeurs. J'aimerais également penser qu'on est devenus de meilleurs musiciens, mais ce serait mentir (rires). Je sais jouer de la musique, ce n'est pas le problème, même si musicalement on peut toujours progresser. Mais le plus important, c'est la composition. Chad est un compositeur prolifique, c'est un truc naturel chez lui. Moi j'ai vraiment dû travailler là-dessus. J'essaie de progresser dans ce sens là. De quoi est-ce qu'on peut parler ? Qu'est-ce qui me touche ? Est-ce que c'est quelque chose qui me parle personnellement à un moment précis ou quelque chose qui pourra toucher plus de monde et durer dans le temps ? Feed the Machine peut paraître très ancré dans notre présent, mais je pense qu'il continuera d'avoir beaucoup de sens dans de nombreuses années. C'est le genre de choses que j'apprécie et que je trouve intéressant.

Sinon, ce que ça m'a appris : il ne faut pas se frotter à l'industrie de la musique. Restez en dehors de tout ça ! (rires) Je pense que ça m'a appris beaucoup, car c'est un business, mais c'est également tout ce que j'aime. C'est parfois très frustrant. C'est dur d'être positif, parce qu'au final, il y a tellement d'éléments qui entrent en jeu. Mais c'est avant tout de l'amour. Et ça nous permet de découvrir des endroits incroyables, comme aujourd'hui. J'en suis extrêmement reconnaissant, ça me permet de voyager, de rencontrer beaucoup de gens. Je le souhaite à tout le monde, on voit des choses qu'on aurait jamais imaginé en restant juste chez nous. Ça nous a permis de découvrir d'autres choses, des cultures différentes, d'ouvrir notre esprit. Je ne prends pas tout ça pour acquis, j'apprends tous les jours, je gagne en expérience. C'est une chance incroyable.

Sans vouloir aborder des sujets qui fâchent : Nickelback a une réputation assez particulière, même s'il y a énormément de fans, le groupe est souvent moqué. C'est quelque chose qui te touche aujourd'hui ?

Je n'y prête plus attention aujourd'hui. Je ne vais pas mentir, ça ne me plaît pas. Personne, à priori, ne veut être dans le groupe le plus détesté du monde, comme on l'entend parfois. Que ce soit vrai, ou pas. Ça craint, mais j'essaie de me tenir éloigné de tout ça. Je n'aime juste pas que ça affecte mes enfants, là ça m'ennuie. Ça n'arrive pas constamment, mais quand je sais qu'on les embête parfois à l'école avec ça, là ça me touche. Il faut vraiment être faible et idiot pour s'en prendre à un gosse. C'est si petit. On peut me dire ce qu'on veut à moi, je m'en fiche, ce ne sont que des mots, des moqueries. J'ai assez de choses à faire dans ma vie pour ne pas me préoccuper de ça, heureusement !

Une dernière question Ryan, si tu devais choisir deux albums qui ont changé ta vie ?

J'écoute tellement de choses différentes, qui correspondent à tellement d'aspects différents de ma vie. Si on parle de changer ma vie dans le sens, qui lui a fait prendre un tournant décisif, je pense au jour où on m'a fait écouter « You Shook Me All Night Long » d'AC/DC. C'est comme si quelque chose s'était allumé en moi, je ne savais pas quoi, mais j'adorais vraiment ce que j'entendais. Super morceau. À ce moment je suis passé du stade où j'aimais la musique, au stade où j'aimais le rock plus que tout. J'aime AC/DC, je ne suis pourtant pas fan, mais ils m'ont permis d'avoir un déclic. Je viens d'une famille qui écoute de la country, donc c'était un grand moment, un gros changement. Je vais aussi citer l'album Five Days in July de Blue Rodeo. C'est juste si bien harmonisé, si bien écrit. Tout ça a participé, d'une certaine façon, à ce que je fais aujourd'hui.

Merci beaucoup pour cette interview. Tu as un dernier mot pour les lecteurs de La Grosse Radio ?

Merci d'avoir lu tout ça jusqu'à la fin, de ne rien avoir laissé tomber en plein milieu. (Rires)
 

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