Th Da Freak – Infandous

Le nouveau poulain de l'écurie Howlin Banana Records surfe sur la vague de sa propre hype, toute récente, qui a suivi les sorties coup sur coup d'un album, The Freak, et d'un EP 4 titres, Songs for Doggos. Avec Infandous, publié en numérique et sur cassettes, Th Da Freak enfonce le clou tant qu'il est encore chaud et n'y va pas avec le dos de la cuillère.

Infandous a, globalement, plus à voir avec la pop tordue de The Freak qu'avec le garage grungeo-malsain de Songs for Doggos – bien qu'il laisse la place à quelques violentes incursions de guitares saturées. Ce qui ne change pas en revanche, c'est l'élément central : le sens, bien affûté, de la composition bringuebalante, de la mélodie toute cassée.

Il est absolument impossible de s'ennuyer à l'écoute de Infandous, car chacun des neuf titres propose une expérience sensiblement différente de celle qui la précède : on peut passer du morceau-titre "Infandous", avec ses guitares d'une lourdeur à faire passer Babar pour un poids plume, à "Tequila", une comptine éthylique à l'atmosphère rendue étrange par le bourdonnement quasi-constant en arrière-plan, et le hoquet d'hélium soufflé par la voix. On pourrait également citer toute un panel de mille influences probables, de Syd Barett ("Dreams are Fake"), au Beck de quand c'était encore bien Beck ("Night, Alone, Streets"), mais mille c'est énorme, et l'entreprise ne brillerait pas par son utilité.

On peut se faire une idée de la maîtrise qu'a le bonhomme sur sa propre composition en s'adonnant à quelque méthode d'écoute ludique : on ne regarde le titre du morceau qu'après l'avoir écouté. Le faire avec "Night, Alone, Streets" fait crier « OH mais OUI, c'est EVIDEMMENT ça » - on le savait en l'écoutant, tout à fait ce type de déambulation nocturne teintée de mélancolie. Deux nouvelles indications, donc : Th Da Freak veut faire quelque chose en particulier, et y arrive. C'est plutôt bien.

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Car véritablement, les atmosphères qu'il développe présentent une force d'évocation importante – ceci, nous le savions depuis The Freak ; mais en comparaison à celui-ci, ces ambiances paraissent s'être assombries, avoir troqué l'insouciance béate qui nous avait tant charmés, par une manière de spleen tout aussi intéressante, et parfaitement adaptée à la météo automnale, l'averse qui sévit aussi bien à l'extérieur, s'abattant contre la vitre, qu'à l'intérieur, s'insinuant entre les tuiles vétustes du toit du garage pour venir former flaque à côté du synthé. Quoi qu'il en soit, c'est un excellent moyen de pénétrer durablement l'intimité du foyer, que de fournir la bande son parfaite à la vie quotidienne des temps de chiotte.

Th Da Freak ne se contente donc pas de resservir la même tambouille qui a plu, cette année, et lui a valu un modeste succès critique des magazines souterrains ; sans compromettre l'apparition d'une vraie signature musicale, d'un patte Th, ni s'auto-révolutionner non plus, le bordelais fait évoluer tranquillement le son de son univers, propose, prend quelques risques (il faut tenter la voix de fausset sur la belle et pure "Dreams are Fake"). Les structures des morceaux, elles aussi explosent en douceur, les refrains tombent de leur piédestal, tandis que le purement instrumental gagne en influence (on s'autorise une longue outro répétitive et hypnotique à la fin de "Questions", débouchant sur le néant), ce qui pourrait être attribué à la volonté de s'adapter à un gain de confort d'enregistrement, consécutif à la signature sur Howlin Banana (pure théorie, on n'en sait foutre rien). Cela déclenche quoi qu'il en soit, une certaine perte de repères pour l'auditeur, dont la réaction sera probablement un pile ou face déterminant : soit on rejette cette esthétique, dérangé par l'aspect inachevé, aléatoire, de certains titres ce qui en soi, est raisonnable, soit on y souscrit, comme nous, satisfaits de cette sensation de flottement perpétuel où tout peut arriver, y compris rien.

Lorsqu'on a affaire à un jeune artiste, on est bien souvent tenté de parler d'avenir, de promesses, de potentiel, reléguant inconsciemment les œuvres premières à de simples brouillons préparant la vraie discographie, celle qui passera à la radio. Il faut se rendre compte : pour l'heure, Th Da Freak nous a déjà refourgué de la sacré'bonne came, et Infandous ne fait pas exception. Un album est prévu pour le mois de février, enregistré cet été, semble-t-il, avec le groupe qui accompagne Thoineau sur scène ; on en est curieux, sans en être inquiets. C'est ce qui fonctionne si bien, avec Th Da Freak : la plupart du temps, même si l'on ne ne comprend pas trop de quoi il est question, ni où il veut en venir, ça ne dérange pas, on aime bien le suivre un peu stupidement ; il est le labrador jovial remuant la queue, nous guidant, nous, aveugles inquiets, grelottant dans la bise du mois de décembre.

Sortie : 1er décembre 2017, Howlin Banana Records/Noise Caliphate Recrods

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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