Th Da Freak – The Hood

On est déjà paumés dans l'inventaire : il y a eu des EP, des albums, ou des EP qui ressemblaient à des albums, des albums qui étaient en fait des compilations, des compilations de faces P (?) qui auraient pu être des EP, des trucs faits tout seul et des trucs faits avec d'autres gens. Bref, The Hood est le premier album de Th Da Freak en 2018.

On ne va pas recompter. C'est l'effet de la caractéristique majeure de sa musique : répandre la flemme partout où elle passe, une puissante conviction que la meilleure chose à faire, c'est rien de concret, en position assise ; que la seule attitude louable serait de laisser la vaisselle sale dans l'évier, les papiers de la CAF sous le frigo, et de ressortir notre première Play pour y jouer en buvant du coca. Depuis sa signature chez Howlin Banana il y a un an, Th Da Freak n'a pas cessé d'élargir son public ; si l'épidémie continue de se propager ainsi, Activision devrait assister sous peu à une recrudescence inédite et inexpliquée des ventes de Tony Hawk's Pro Skater 2, ils n'y comprendront rien, et pour une fois la France saura quelque chose que les Américains ne savent pas.

Tout cela est d'autant plus vrai qu'avec cet album, Thoineau Palis nous berce plus encore : The Hood est moins urgent que ses prédécesseurs, se veut plus posé, vaporeux. De fait, même les tempos les plus rapides, dans leur rareté, ne semblent parvenir à imposer leur dynamique ; ainsi de "Wanking Class" ou "Techno Bullshit", à peine plus enlevés que les titres qui les entourent, mais n'encourageant pas plus à l'action que ceux-ci (la pousse-à-la-danse "Bienvenidos at Satori Park" fait exception).

L'une des causes de cet effet réside sans doute dans le choix du son des batteries de plastique, qui intrigue sans que l'on ne se sente le besoin de dire si c'est une bonne idée ou non : d'un côté, leur manque de percutant tend à uniformiser les atmosphères, à polir les reliefs, autant d'un titre à l'autre qu'au sein même des morceaux, rendant ainsi l'album un peu trop linéaire ; d'un autre côté, elles servent parfaitement l'esthétique cheap propre à Th, lui permettant de conserver une patte identifiable malgré le gain évident de confort et de maîtrise en studio, et nous maintiennent dans un état de passivité contemplative, une torpeur profonde et pas désagréable. Une prise de risque, donc, qui vaut pour l'album dans sa globalité. Sa réception se jouera à des détails, l'humeur, l'heure, la météo, la boisson tenue dans la main : le type qui aura bu le café de trop décochera sans doute, tandis que celui qui en est à sa cinquième Kronembourg fera plus corps que jamais avec son fauteuil, lui découvrira des qualités qu'il ne soupçonnait pas, et leur relation s'en trouvera enrichie.

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Si l'on regrette un peu les bricolages, les sons malades d'antan (antan c'était il y a genre trois mois, mais au XXIème siècle on peut être nostalgique de la veille), qui ne font ici que de la figuration, comme sur "Moonmate" où les empilements de guitares et de synthés tordus créent une ambiance aussi inquiétante qu'addictive (mais en même temps si ça n'était pas le cas, on est d'une telle mauvaise foi qu'on lui aurait peut-être reproché de tourner en rond), on retrouve en revanche les astuces mélodiques qu'on appréciait dans les lignes de chant de The Freak, toujours d'une simplicité, d'une évidence réconfortante ("I Add Some Whisky In My Cola" par exemple). Pour enrober tout cela, la nouveauté provient sans doute des discrètes redneckeries distillées çà et là : voix timidement nasillardes, lignes de guitares country (comme sur "See Ya In The Hood"), ou autres phrases trouvant plutôt leur place dans une vague généalogie stonienne ("Old Ladies Of The Block") ; on pense même, en certains instants, à Coffee Dreamer, album acoustique publié en 2016 par les voisins de label, Volage ; autant d'éléments qui nous permettent d'affirmer avec une assurance non feinte que The Hood est plus ou moins un album de folk-junkie.

Le fait même de pouvoir parler de nouveauté développée par un album quand on n'arrive pas à compter ceux sortis l'année précédente est un signe extrêmement positif : si chacune de ses publications pousse sournoisement à l'immobilité de son auditeur, Th Da Freak n'en fait rien, explore, tente des trucs et le fait bien. The Hood est imparfait, et c'est sans doute pour ça qu'on s’apprête à le relancer.

Sortie le 16/02/18 chez Howlin Banana Records

En tournée :
jeudi 22/02 : Perpignan - Drink Shop
vendredi 23/02 : Toulouse - La Dernière Chance
samedi 24/02 : Arthez de Béarn - Le Pingouin Alternatif
mercredi 28/02 : Le Havre - Mc Daid's
vendredi 02/03 : Rennes - Melody Maker
mardi 06/03: Paris - Olympic Café
mercredi 07/03 : Bordeaux - VOID

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NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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