Jack White – Boarding House Reach

Jack White, blue clouds ? Jolie pochette aux pensées embrumées pour ce nouvel album solo de l'ex leader des White Stripes. Et même avec l’esprit encombré de nuages, le teint gris et le regard noir, chez White il reste toujours une touche de couleur. A l’époque des Stripes, il nous avait habitués au rouge pour trancher le noir et le blanc avec des géométries anguleuses, ce coup-ci c’est au tour du bleu, du blue, du blues en fait… Du blues électro, du blues expérimental vaporeux... Boarding House Reach sort le 23 mars 2018 et il surprend. White sort de sa zone de confort pour expérimenter, pour atteindre de nouveaux sons.

Jack White, Boarding House Reach, Thirdman Records, nouvel album, 23 mars 2018

On n’en attendait pas moins de l’artiste qui a créé sa propre maison de disques, Third Man Records, en 2001, y ajoutant des murs et un toit en 2009 avec studio d’enregistrement à disposition, salle de concert et laboratoire photographique.

Labo’, c’est le mot à retenir pour ce nouveau disque. Dès les premières secondes de la première chanson, « Connected by Love », on avance dans un couloir mal éclairé aux néons qui déconnent, palpitent, grésillent. Ca tape à contretemps, ça dérange tout de suite, ça te gratte dans le dos pile à l’endroit que tu as du mal à atteindre du bout des doigts. Que tu passes par au-dessus ou par en-dessous, ça te gratte toujours un peu. Et puis les chœurs arrivent. Ça apaise forcément, un cœur qui chante. Voix féminines, expertes en massage. En massage du dos bien sûr. Les néons laissent place à un piano limpide. Les voix s’angélisent. Tout s’illumine jusqu’à devenir blanc et très éblouissant. Comme la lueur qui transperce le coin de la pochette. Délivrance.

Boarding House Reach, c’est un disque de liberté. Pas sûr que ce soit celui qui se vende le mieux, sûre que c’est le plus risqué, le plus libre, le plus viscéral. « Why Walk a Dog ? » Le deuxième titre en témoigne. Avec de l’orgue solennelle en guise de pointillés… Loin des laisses, des menottes, des chaînes aux pieds, des morceaux structurés, des obligations de chanter, des cohérences entre instruments et styles musicaux, le disque est un fourre-tout vivant, bordélique et spontané. Un tam-tam, un témoignage, un grand cri : « Who’s with me ? » (« Corporation »).

Quand tout à coup, violon clair en tasse de thé, « Abulia and Akrasia ». L’interlude fut bref. On repart aussitôt sur des sons distordus qui dérangent l’oreille, qui éventrent l’oreiller. Hôpital. L’hôte est pâle. « Hypermisophoniac », à l’ammoniac, composé chimique irritant.

Et pour creuser la plaie, « Ice Station Zebra » qui t’agace le couteau, peinture de la société actuelle, du monde dans lequel on vit. La révolte reste rock’n’roll, le son est boiteux. Au rythme de cette société à la jambe de bois. Le coup du verre au 3/4 vide. Ode à nos angoisses, « Over and Over and Over ». « Bonjour, bienvenue dans tout ce que vous avez appris, produit par tout ce que vous avez appris, sponsorisé par tout ce que vous avez appris. Bonjour. » Alors ok, ok, on n’est pas obligés d’accrocher. Cet album c’est un coup de fouet. Et on n’est pas obligés d’aimer ça, se faire fouetter. Surtout les oreilles. Parce que le fouet sur l’oreille, très vite, ça peut carrément te l’arracher et, très honnêtement, ça n’en est pas loin. Mais ça a le mérite de proposer. D’y aller. Et pour ça, respect. « Respect Commander ».

Jack White

Le cœur de ce disque, le cœur, petit, caché, enfoui dans « Ezmerelda Steals the Snow » a des allures de fée. On le trouve en haut des montagnes, loin des usines et des buildings. On le guette, c’est une quête. Une quête essentielle pour qui se serait un peu trop perdu dans ce cercle infernal de la surconsommation, de la vente, de la publicité… Il est doux. Il est flou. Il est loin. Il a un halo qui l’entoure, un sourire au visage et une fleur dans la main. Et il regarde au loin, l’absurdité d’une humanité qui ferait bien de le retrouver. « Suis-je invisible pour toi ? » « Get in the mind shaft »…

« What’s done is done »… Sous la mélodieuse ligne des voix et quelques notes de piano, un fantôme joue sur le fil pour dérégler la justesse globale du morceau. Il irait presque jusqu’à nous jouer de la flûte ce con-là. Finissons-en, avec humour, au sens « humeur » du terme, comme du temps de DvoŠ™ák avec une mélodie romantique et des arbres qui se balancent.

Si vous avez la curiosité d’aller écouter ce nouveau bébé, cette nouvelle créature en vrai, la tournée a commencé et annonce déjà quelques dates en France au mois de juillet (Paris, Lyon, Hérouville Saint Clair).

Sortie le 23 mars 2018 chez Third Man Records

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NOTE DE L'AUTEUR : 7 / 10



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