Ringo Starr & his All Starr Band, Olympia, Paris, 6 juin 2018


« J’ai envie de pleurer tellement c nul » écrit un spectateur devant nous sur son téléphone à écran large et tellement brillant que ça te saute aux yeux par-dessus son épaule dans la pénombre des gradins de l’Olympia. Il a sans doute moins de trente ans, navigue d’appli en appli à intervalles réguliers pendant que son père, assis à côté, a le sourire d’un gosse encore plus jeune.

C’est la crainte que nous avions en nous portant volontaire pour assister au premier passage de Ringo Starr à Paris depuis 2011. Nous avons beau avoir une incroyable indulgence pour nos icônes, nous n’oublions pas que nous nous exposons à une soirée de rock à papa (non, à papy même) et que le batteur, du haut de ses 77 ans, n’a plus la frappe ou le groove de 1964, date à laquelle il assurait plusieurs dates sur la même scène avec Paul, John et George. « Pendant nos concerts, on avait l’habitude d’entendre des cris stridents de filles, ça faisait ‘’hiiiiiii !’’, mais là il y avait surtout des garçons et les cris étaient des grognements de mecs : ‘’baaahhhhh !!’’ » raconte-t-il sur cette expérience parisienne d’un autre âge en conférence de presse où nous étions le matin même à l'hôtel Mandarin Oriental.

Le midi même, Ringo accordait en effet une petite demi-heure de questions et de photos dans un hôtel du premier arrondissement. Cadre strict posé par la prod, interventions chronométrées, entrée flamboyante avec ses six musiciens, l’ancien gamin de Liverpool a été pourtant généreux en énergie et en humour, sa marque de fabrique pas encore usée par les inévitables questions sur les Beatles, ses collaborations épisodiques avec Paul ou son statut de survivant.

Et si on ne peut pas enlever quelque chose à Sir Richard Starkey, c’est clairement de savoir éviter tous les pièges. Fidèle à sa place au sein de l’increvable mythe des années 60, il n’abuse jamais de sa position. La conférence ne tourne pas à l’idolâtrie cynique : Ringo préfère parler de son nouveau recueil de photographies, Another Day In The Life (ah ah) ou de ses « Peace & Love Birthdays », célébration annuelle mignonne mais sincère sur la paix. Et quand on aborde la question de ses concerts en Israël et du refus de Roger Waters d’y jouer au vu de la situation, il se contente d’avancer qu’il y ira pour parler de paix et d’amour, justement. Ce n’est pas une vaine promesse : en toute fin de concert, son groupe entonnera gaiement le "Give Peace A Chance" de John Lennon, et, bien que dérisoire, nous imaginons ça avec intérêt résonner là-bas.

ringo starr, olympia, 2018, paris

« J’ai l’impression d’être à Stars80 mais joué par des anglais » se plaint mon voisin-Messenger. Encore un coup de Ringo : s’il vient de sortir un dix-neuvième album solo qui n’a pas convaincu La Grosse Radio (mais dont l'auteur de ces lignes a trouvé certains passages honnêtes), la tournée avec le All Starr Band met ses compagnons de scène à l’honneur. Il aurait tort de s’en priver : entre le guitariste de Toto, Steve Luthtaker, le bassiste de 10cc, Graham Gouldman, ou Colin May de Men At Work, le répertoire joué ce soir n’aura pas pour but de flatter le vieux fan de Scarabées mais de brasser large. « I’m Not In Love », « Rosanna », « Who Can It Be Now », « Hold The Line » : autant de tubes des années 80 interprétés par leurs auteurs directs. Un concept auquel Ringo tient depuis la création du groupe en 1989. Il y a de quoi se tirer un poil en voyant le cogneur iconique des sixties accompagner des hits plus tardifs, ultra-kitsch pour certains mais à qui nous avons envie de répondre qu’ils ont construit la pop et notre culture musicale à un moment donné. 

Si l’irruption de ces morceaux est finalement inattendue mais assez intelligente (les musiciens se passent le chant principal au fur et à mesure et en profitent pour se présenter), Ringo remet régulièrement les pendules à l’heure. « It Don’t Come Easy », « Act Naturally » ou encore « Boys » chantée à l’ancienne derrière les fûts. Si elles sont limitées, les chansons de son répertoire font au moins l’impasse sur les titres anecdotiques de sa carrière solo. « Quand j’étais dans les Beatles, j’ai écrit pas mal de chansons… mais jusqu’à celle-ci aucune n’a été enregistrée » s’amuse-t-il avant de lancer son « Don’t Pass Me By » du White Album. Sur l’inévitable « With A Little Help From My Friends », Voisin remplit sa Story Instagram en voyant une dame âgée s’inviter sur scène pour quelques chœurs : « Mamie tape l’incruste » sous-titre-t-il, "lol lol". Dans ce cas, si « Mamie » pour toi c’est Joan Baez, actuellement à l’Olympia elle aussi pour plusieurs dates, va falloir que tu nous présentes ta famille.

En 1h45, Ringo et son All Starr Band ont évité beaucoup d’écueils, et c’est définitivement la grande qualité de cette soirée. Ceux qui sont venus sur la seule foi du nom du batteur ont sans doute été déçus de ne pas être arrosés de chansons de son premier groupe (« Rory Storm & The Hurricanes ! » blague Ringo à ce sujet) ou ont constaté que la présence du parfois trop flamboyant batteur Gregg Bissonette n’était pas de trop pour compenser un Starkey pas toujours vaillant aux fûts, voire inaudible. À défaut d’être inoubliable, ce concert a fait office de contre-proposition honnête et pas auto-complaisante pour deux schillings. Et Ringo Starr aura pour toujours ce truc incroyable de rassembler un public devenu fou dès les premières notes de « Yellow Submarine ». Voisin, snappant soudainement avec fierté ce retour au sous-marin jaune légendaire, n’en chantera pas moins à tue-tête le refrain avec nous tous.

Par notre gros envoyé spécial : Palem Candillier

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