Rise People, Rise! – …and Rise People, Rise!

Le trio parisien Rise People, Rise! vient de publier la dernière pièce d’une trinité d’EPs enregistrés, en l’espace d’une année, dans trois studios différents. Ainsi, après Fuck Vivaldi en 2016, et Giants Will Fall en 2017, c’est …and Rise People, Rise! qui fait son chemin jusqu’à nos modestes oreilles, qui n’en sortiront pas indemnes.

…and Rise People, Rise! est une œuvre difficilement identifiable, tant le spectre rythmique, dynamique couvert par ses créateurs est vaste. Dès le premier titre, "Dead Inside", on nous habitue à passer d’une ambiance à l’autre sans nous laisser l’impression, à quelque moment que ce soit, qu’il s’agisse d’un mouvement forcé ; et pourtant, c’est le grand huit. De l’intro s’installant dans une sorte de dynamique brimée inquiétante à la cavalcade finale, on passe par de nombreux états plus ou moins bruyants, plus ou moins agités, se développant tous, toutefois, autour d’un élément commun : ce sens du dérangeant, du malaise, qui ne nous quittera d’ailleurs pas jusqu’à la fin de l’EP.

Même une franche accalmie, comme peuvent le proposer "The Widow" ou "You’re Never Alone", conserve une ambigüité malsaine qui ne demande qu’à pervertir les sens de l’auditeur. La maîtrise des variations d’intensité est impeccable, les silences sont  justement dosés pour accompagner comme il se doit les crescendos qui émaillent chacun des titres – ou les non-crescendos, grandes montées subtilement amputées de leur climax comme à l’occasion de "Salvation". Cette réussite tient à des détails, mais qui ont leur importance : une basse qui prend le soin de bien travailler les textures ; une guitare qui en garde sous le pied en évitant l’utilisation systématique de la disto, là où le guitariste lambda aurait tout balancé, on garde ici un peu de place pour le dessert ; l’intervention rafraîchissante d’autres instruments, comme la magnifique "Playing Your Song", tout en claviers…

Autre élément récurrent, le chant est constamment surprenant, complètement décomplexé, autant dans l’interprétation assez intense, que dans les nanana nana ("Dead Inside"), ou les la-laa, lalalalala ("Rise Song 3"). Les titres semblent construits pour porter avant tout ce lyrisme puissant, dont le caractère angoissant ne connait aucune relâche, cette folie latente qui ne demande qu’à exploser (qui explose parfois, comme sur les derniers instants barrés de "Rise Song 3", qu’on aurait pu qualifier de super-fun s’ils n’étaient pas, en fait, méga-flippants), ce mysticisme naturel parfaitement fonctionnel (jubilation incantatoire sur "The Widow", dont le final est un Boléro infernal et effrayant, ce qui nous fait remarquer au passage, d’une part que les fins de morceaux sont sacrément soignées, et d’autre part qu’on a dores et déjà passé en revue tout le champ lexical de la trouille).

rise people rise, 2018, salvation, giants will fall, fuck vivaldi

Nous l’avons dit, …and Rise People, Rise! est s’inscrit, en la concluant, dans une trilogie, l’idée ayant été d’enregistrer trois EPs dans trois studios différents, afin d’expérimenter trois méthodes différentes. Au final, cette production-ci est travaillée, bien qu’un peu déconcertante par moments – ce qui n’est d’ailleurs pas forcément un défaut. Le traitement de la guitare, notamment, étonne, dont le mix n’est pas toujours ce que l’on considérerait intuitivement comme « en adéquation » avec les deux autres instruments, allant finalement dans le sens du développement de l’univers marginal et inquiétant conçu par le groupe. Cela crée une ambiance presque cheap, intéressante notamment dans la grande estocade finale de "Dead Inside" hardcore-mais-en-fait-non ; la guitare est si petite, si minimalisée que le déchaînement basse-batterie est simplement d’une violence lugubre, sans dénomination stylistique particulière. C’est une donnée qui nous semble moins évidente dans les deux EPs précédents, où la guitare était probablement plus présente, mise en avant, ce qui prouve que le groupe recherche, tente, expérimente, soit un signe de bonne santé créative.

…and Rise People, Rise! constitue donc une conclusion de grande qualité à ce projet triple entrepris par Rise People, Rise!. Il  en résulte un EP tout en contrastes et aspérités, riche en audaces et prises de risques, en drames, en émotions. Une concentration pleine et totale est requise pour l’écoute de cette œuvre, qui n’est de toute façon pas spécialement recommandée pour ambiancer vos soirées bières-pong entre copains. Plutôt un fauteuil confortable, des pantoufles, une stricte immobilité et une boisson raffinée type vieux Cognac, ou un Coca.

Album disponible en intégralité sur la page Bandcamp du groupe.

Sortie le 12 octobre chez Differ-Ant.

Crédits photo : Sophie Enzo

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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