Enter Shikari + As It Is + Oakman au Bataclan (30.03.2019)

Enter Shikari est habitué aux dates françaises et gratifie l’Hexagone de quasiment une tournée par an. Cette année, en plus du Hellfest en juin prochain, le groupe passait par trois dates françaises fin mars, accompagné de ses compatriotes d’As It Is et des Lyonnais d’Oakman.

Oakman

La salle est bien clairsemée pour le premier concert de la soirée. La tâche est donc ardue pour les Français d’Oakman, et ils ne choisissent pas la facilité, puisque la chanteuse Marine investit seule la scène pour une longue introduction à la guitare.*

C’est suffisamment bien amené pour donner envie d’écouter la suite et maintenir la curiosité jusqu’à l’arrivée de ses deux comparses, les frangins  Gérémia  à la basse et Jesse à la batterie. Le trio joue un pop punk plaisant et énergique, et arrive à développer un son assez puissant qui lorgne plus du côté du rock lourd que de la  pop.

Cependant, la musique n’est pas extrêmement originale, et l’impression est renforcée par la voix de la chanteuse, qui manque singulièrement de cachet. Elle n’est pas désagréable, mais ressemble à la voix type de la chanteuse de pop punk, et rappelle par exemple le timbre d’Hayley Williams, chanteuse de Paramore, ce qui enchante du coup certains fans des Américains.

Mais le groupe fait bien son travail d’ouverture et se démène pour convaincre le Bataclan, qui se remplit doucement. Les Français avouent d’ailleurs être très fans d’Enter Shikari et donc très honorés de partager la scène avec le quatuor anglais. Avec seulement une poignée d’EP à leur actif, il faut dire que c’est une belle opportunité, et le public réserve un bon accueil aux Lyonnais.

As It Is

La salle s’est un peu remplie quand débarque As It Is, mais ce n’est pas l’affluence des grands jours, et les balcons resteront fermés toute la soirée.

As It Is, c’est un groupe de emo /post hardcore britto-américain qui s’est formé en 2012 mais joue une musique qu’on entendait déjà partout il y a au moins quinze ans. Sur disque, c’est sympathique pour ceux qui adhèrent à ce style, mais cela donne l’impression que le groupe arrive dix ans trop tard.

Les critiques un brin condescendants s’attendent donc à observer le spectacle d’un air vaguement narquois en sirotant leur vodka orange (en rappelant hypocritement que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé). Mais le groupe en a décidé autrement. Le quintette jaillit sur scène sans crier gare et balance "The Reaper", issu de son dernier album The Great Depression.

Il n’est visiblement pas là pour faire de la figuration et est décidé à mettre tout le monde d’accord.  L’énergie déployée par les cinq musiciens est impressionnante, et ils jouent véritablement avec leurs tripes et leur son est beaucoup plus puissant que sur album. Alors certes, la voix est parfois sous-mixée pendant les refrains et a du mal à se faire entendre jusqu’au fond de la salle, mais la débauche d’énergie balaye ces réserves.

Le chanteur Patty Walters saute partout, prend des pauses acrobatiques, se déhanche, court sur scène, et ses comparses ne sont pas en reste, à commencer par le bassiste Alistair Testo, qui gratifie le public de plusieurs déhanchements plus que suggestifs.

Dans les premiers rangs, une partie des spectateurs est déjà acquise à la cause d’As It Is et se déchaîne sans qu’on le lui demande. Mais même les sceptiques du début se font rattraper par l’euphorie ambiante et se trouvent pris d’une envie irrépressible de sauter partout. Et essayez de sauter en l’air avec votre verre de vodka, vous verrez comme c’est périlleux. L’aura du groupe ne rejaillit cependant pas jusqu’au fond de la salle, où le public écoute poliment mais reste assez stoïque.

Evidemment, le live n’a pas fait découvrir l’originalité aux Anglo-Saxons, et si la musique gagne en puissance sur scène, elle continue à ressembler à tout ce qu’il y a de plus emo, tout autant que le look des musiciens. Tout est rouge ou noir, du maquillage aux micros en passant par les guitares (une de chaque couleur, pas de jaloux) et même les chaussettes. Les cheveux corbeaux et les yeux charbonnés du vocaliste rappellent les grandes heures de Jared Leto, Pete Wentz ou Gérard Way, faites votre choix. Le vocaliste, lui, a fait le sien, puisqu’il annonce avec emphase « Nous sommes My Chemical Romance ». En effet, The Black Parade n’est pas loin, mais la lucidité du groupe sur sa ressemblance avec d’illustres ainés est appréciable.

Et cette sortie n’est qu’un exemple parmi d’autres que le groupe ne se croit pas du tout arrivé et a beaucoup d’auto-dérision. Le chanteur demande ainsi qui connait le groupe et qui n’en a jamais entendu parler, concluant son sondage par « on vous remercie beaucoup d’être arrivé plus tôt pour nous voir ! Et on est désolés pour ceux qui sont coincés avec nous ! ».

Et il se démène pour faire bouger l’auditoire, demandant plusieurs fois des  headbangs, qui gagnent peu à peu l’arrière de la fosse, et allant même jusqu’à lancer un circle pit. Lequel s’avérera être un des plus mous de l’histoire des circle pits, mais il aura le mérite d’avoir essayé.

Sur "Boys Don’t Cry", l’un des morceaux les plus efficaces du combo traitant de problèmes mentaux et de masculinité toxique, les premiers rangs se déchaînent encore plus, et le groupe conclut juste après par "The Wounded World", qui verra Patty Walters s’arrimer aux barrières pour communier avec le public. Si l’idée pouvait laisser certains dubitatifs, demander à As It Is de chauffer la salle se révèle au final plus que pertinent.

Setlist
•  The Reaper
•  The Handwritten Letter
•  No Way Out
•  Soap
•  Such Great Heights (reprise de The Postal Service )
•  The Fire, the Dark
•  The Two Tongues (Screaming Salvation)
•  The Stigma (Boys Don't Cry)
•  The Wounded World

Enter Shikari

La salle continue de se remplir, et la fosse atteint au final les trois quarts de ses capacités. Au milieu de tous les Français, se croisent des Anglais, des Allemands, des Italiens, des Néerlandais… Le quatuor britannique a des fans plus que dévoués !

Sur scène, deux grandes  structures métalliques recouvertes de miroirs trônent depuis l’ouverture des portes, et le clavier futuriste du groupe, « The Machine », vient compléter la décoration.

Dès que le groupe entre sur scène au son enregistré de "The Spark", la fosse tremble et s’emballe. Enter Shikari a à peine le temps d’entamer "The Sights" que les bousculades commencent. Le public saute, agite les bras, pogote, et ce dans quasiment toute la salle. Si les soubresauts des premiers rangs sont particulièrement féroces, même le fond du Bataclan est pris de convulsion, et seul le bar semble épargné par la folie. Le pogo occupe par moments la majeure partie de la fosse, il se forme et se déforme au gré des chansons, il est en tous cas nettement plus convaincant que la tentative de circle pit d’As It Is.

Le groupe lui-même est très en forme. Son mélange de rock, d’electro et de metal fait des ravages sur scène, et la formation déploie ce qu’il faut d’agressivité. Le chanteur Rou s'agite dans tous les sens, ne se calmant provisoirement que pour empoigner son clavier et même sa trompette sur un morceau. Son dernier album en date, The Spark, est le plus représenté avec huit titres, suivi par son deuxième album, Common Dreads, mais les trois autres albums ont tout de même droit à trois chansons chacun.

Il n’y a aucune vraie fausse note durant le concert, tous les morceaux sont rodés pour le live et s’enchaînent parfaitement, même si l’on peut regretter que certains morceaux emblématiques soient raccourcis ("Gandhi Mate", "Mothership"). Après le concert, certains spectateurs seront mitigés et auront l’impression que le groupe a montré moins d’énergie que d’habitude, mais cet avis reste minoritaire, et le groupe ne laisse aucun temps mort durant le spectacle.

Aucune grosse surprise dans la setlist, le groupe offre une reprise d’"Insomnia", de "Faithless", et propose une version étrange de "No Sleep Tonight", ralentie et épurée dans sa première moitié avant de finir de façon électrique. Pas certaine que cette version valle l’originale, mais Enter Shikari essaye au moins de faire évoluer ces standards. Il conclut le set principal avec une sorte de medley de "Sorry, You’re not a Winner", "The Last Garrison", "… Meltdown…" et "Anaesthetits", ce qui peut là aussi sembler dommage, puisque ces titres méritent plus d’ampleur.

Mais au milieu de tout ce déferlement bruitiste, le groupe trouve le temps de parler à la foule, et se révèle même assez bavard. Chose relativement rare, les quatre musiciens se partagent la parole presque équitablement. Le chanteur  Roughton « Rou » Reynolds attaque quelques minutes après l’entrée en scène du groupe avec « Nous sommes Enter Shikari, nous sommes un groupe d’Europe » (en anglais, car l’europhilie a ses limites). Au lendemain de la date initialement prévue pour le Brexit et au milieu de la crise traversée par le gouvernement de Theresa May, cette entrée en matière est lourde de sens. Le groupe tient aussi des propos plus légers, mais seul le bassiste Chris « Batty C » Batten ose tenter le français.

Après une bonne heure aussi survoltée de la part du public que des musiciens, Enter Shikari semble calmer le jeu sur le rappel. Le chanteur Rou revient seul pour "Take My Country Back", mais le titre est là aussi agrémenté d’un discours politique. Le problème, c’est qu’il suffit que le chanteur explique que « cette chanson parle de la situation de l’Angleterre » pour que les nombreux Britanniques présents se manifestent cependant – il semble cependant que le chanteur évoque l’homme ayant fait irruption sur les voies de l’Eurostar avec un drapeau anglais le jour même.

Le groupe conclut au complet avec deux derniers morceaux pour un public toujours aussi aux anges. Les Anglais n’ont pas failli à leur réputation de bêtes de scène, ils ont enragé le Bataclan comme jamais et achevé la majeure partie du public. Reste à voir s’ils sauront enflammer de la même manière la Warzone du Hellfest le 22 juin prochain, mais au vu de ce concert, il y a fort à parier que oui.

Setlist
•  The Sights
•  Step Up
•  Labyrinth
•  Arguing with Thermometers
•  Rabble Rouser
•  Halcyon
•  Hectic
•  Gap in the Fence
•  Shinrin-Yoku
•  The Revolt of the Atoms
•  There's a Price on Your Head
•  Gandhi Mate, Gandhi
•  Mothership
•  Insomnia (reprise de Faithless )
•  Havoc B
•  Airfield
•  Undercover Agents
•  No Sleep Tonight
•  Stop the Clocks
•  Sorry, You're Not a Winner
•  The Last Garrison
•  ...Meltdown
•  Anaesthetist
•  •  Rappel:
•  Take My Country Back
•  Juggernauts
•  Live Outside
•  The Embers

Crédit photo : Florentine Pautet. Toute reproduction interdite sans autorisation de la photographe.

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