Guitare en Scène 2019 jour 1 : Midnight Oil, John Butler Trio, King King

C'est la troisième fois que la délégation d'exception de La Grosse Radio se rend aux portes du pays Suisse, dans la cité de Saint-Julien-En-Genevois pour couvrir l'événement de la mi-juillet. Quoi ? La coupe du monde ? Le Tour de France ? Vous faites erreur, il s'agit bien entendu du festival Guitare En Scène.

Guitare En Scène, c'est ce petit festival à taille humaine, où l'on reconnaît rapidement beaucoup de monde et où l'on n'a pas besoin de marcher longtemps pour aller de la scène principale à la scène secondaire, pour trouver un stand où se réapprovisionner. Mais s'il est effectivement petit par la taille (on dira contenu, la jauge étant de 5000 festivaliers par jour), il réserve à ses festivaliers une programmation qui, elle, est loin d'être celle d'un petit évènement de province.

L'année dernière, l'affiche avait su tenir ses promesses avec plusieurs très bonnes formations de blues tout en gardant quelques surprises de taille à son public : on pense essentiellement au set de Sting et Shaggy. Cette fois, on commence la première journée du jeudi avec un programme fort alléchant, comprenant les trublions australiens du John Butler Trio et de Midnight Oil, ainsi que King King, qui avait souffert d'une météo exécrable il y a deux ans. Cette fois, les prévisions météo sont bonnes pour tout le week-end, malgré la couverture nuageuse déjà bien présente.

 

Nico Chona & The Freshtones


Après le court speech de présentation des groupes de la journée par Dempsey, le sexy MC attitré du festival, c'est le groupe lyonnais Nico Chona & The Freshtones qui a le privilège d'ouvrir les festivités sur la scène Village. Ils sont l'un des groupes finalistes du tremplin (il y en aura deux autres, vendredi et samedi). Un gros son de moteur de camion bien lourd se fait entendre, et la formation investit la scène. Quatuor classique basse/batterie/guitare/guitare-chant en uniforme sobre et efficace : tous portent pantalon noir et chemise ou chemisette bleue marine avec un logo brodé au niveau de la poitrine, façon mécano de garage. D'entrée de jeu, ils en imposent !

Nico Chona, GES

Cette impression de puissance est accentuée par les basses et les rythmiques binaires, lourdes et chargées, et les riffs très appuyés. Dès le premier titre le groove est palpable et suinte directement des amplis, même si la foule met un bon moment à s'imprégner de la musique et à se laisser entraîner. Sur scène, la jeune formation se fait vraiment plaisir, à en juger par le nombre de fois où ils se rapprochent pour prendre la pose, ou les soli de Nico qui transpirent de sincérité.

Nico Chona, guitare , GES, heureux

Difficile de ne pas taper du pied avec leurs riffs ultra typés blues, que l'on pourrait rapprocher sans mal à ceux des premiers ZZ Top, période Tejas/Tres Hombres. Les refrains donnent l'occasion aux autres musiciens de partir en chœurs, tous ensemble. Un invité soutient la formation en venant jouer de l'harmonica et sortir un solo endiablé pendant la reprise de "Smokestack Lightning", toujours avec cette section rythmique qui décidément ne perd pas une miette de son groove.

Nico Chona, GES

Les titres s'enchaînent, et avec eux les départs en solo tous très inspirés, on ne voit pas le temps passer. Bientôt le groupe entame une dernière reprise, "Rollin' And Tumblin' ". Johnny Winter n'est vraiment pas loin, tant les riffs sont gras : la foule bouge enfin. Le dernier titre sera plus calme, Nico troquant sa gratte électrique pour une acoustique avant de rendre la scène, pour ce qui constitue une très bonne entrée en matière pour Guitare En Scène 2019.

Nico Chona, GES

 

John Butler Trio


La voie est donc pavée pour John Butler. Lui qui espère les bonnes ondes va être servi, le public se voulant aussi généreux que lui dans le don de soi. Alors ça communie, et pas qu'un peu. Le quatuor n'est pas avare en feeling et en sentiments, et surtout propose un répertoire varié, une invitation au voyage. Car autant dans ses choix d'instruments, qui peuvent passer d'un simple bottleneck au banjo, John Butler a fouillé ses influences. 

John Butler Trio, GES

 
S'étant fortement éloignées de leurs origines musicales, ces dernières flirtent constamment avec la world, et offrent à ce qui pourrait s'apparenter à du reggae, de la country, du jazz ou du blues des arrangements riches. On retrouve des percussions africaines, chaque musicien est multi-tâche et est mis à contribution. Si bien que lorsque "Better Than" résonne, le titre phare ayant fait connaître le bonhomme, bien qu'appréciable à l'écoute, semble bien fade face à tout le chemin accompli et dévoilé ce soir. Calmant le jeu d'horizons à partir de là, on retourne vers un registre plus intimiste et organique, du bluegrass, du blues, où les dernières émotions éructent. 

John Butler Trio, GES
 

 
Quel que soit le répertoire abordé, tout le monde sur scène y va d'une aise à la limite de l'insolence, tout en ne jouant pas de ce trop-plein de facilités. On sent un plaisir de jouer sans faille (il faut dire que les trois acolytes viennent d'arriver dans la formation et sont encore dans les premiers émois) et une générosité qui laisse pantois. Si aucun rappel ne vient charmer l'auditoire en guise de conclusion, la prestation est de grande qualité, et nul doute qu'avec Midnight Oil, que l'on attend désormais de pied ferme, l'ambiance va aller crescendo.

John Butler Trio, GES
 

 

Midnight Oil


22h pile, des lumières bleues et une ambiance très typée années 80 à base de synthé s'installent. Les cinq membres de Midnight Oil investissent la scène, et on remarque directement la chemise toute en couleurs de Peter Garrett, ainsi qu'un son de batterie électronique vraiment typé, résolument d'époque. Heureusement, le parallèle avec cette décennie si particulière ne se manifeste pas vraiment, à part lors de quelques titres issus de cette période là.

Midnight Oil, GES

Alternant les ambiances, les premiers titres varient du rock énergique à la complainte lancinante accompagnée par des nappes électroniques, et sont systématiquement servis par la voix de Peter Garrett, particulièrement puissante et juste. Le mix sert vraiment sa voix, et si on peut regretter des basses peut-être un poil trop fortes, le public répond très positivement à l'intensité de la musique et de ses textes parfaitement intelligibles. Lors des phases instrumentales, Peter ne se fait pas oublier et passe son temps soit à danser et marcher tel un robot (mais pas dans les couloirs du métro), soit à se rapprocher du soliste et mimer jouer de son instrument.

Midnight Oil, GES

Peter annonce "Dreamworld" suite à une allocution en français (qui ne sera pas la seule de la soirée, Rob Hirst y allant aussi dans la langue de Molière), pour un titre où comme d'habitude il déborde d'énergie et débite ses textes avec la ferveur d'un prêcheur évangéliste (les conneries sur dieu en moins) ou d'un tribun politique. Dire qu'il est en forme est un euphémisme. On peut ressentir son engagement dans Midnight Oil, honnête et transcendant. Ses acolytes ne sont pas en reste, et assurent les partitions quels que soient leurs instruments, guitares comme synthés, sans oublier les chœurs bien entendu. Le temps file, et c'est bientôt le "President Shit-Head Trump" (lire, le président tête-à-merde Trump) qui en prend pour son grade. N'oublions pas que sa réélection est une possibilité crédible. À partir de là, et presque jusqu'à la fin du concert, Rob Hirst abandonne ses fûts pour venir se caler au premier plan jouer entre les guitaristes sur une batterie miniature, avec à la clé quelques poses réussies.

Midnight Oil, GES

Dernier discours politique enflammé sur le drapeau des aborigènes présent au fond de la scène, et sur leur non reconnaissance par l'état australien, à date actuelle au moins. Et Midnight Oil continue d'enflammer l'audience. Peter dévoile le t-shirt sous sa chemise, véritable ode à l'engagement et à la protestation : rester silencieux lorsque l'on devrait protester transforme les hommes en lâches. Le discours est fort et lourd de sens, c'est indéniablement passé ce soir.

Midnight Oyol, GES

"Beds are burning" annonce la fin du set (quelques titres restent encore ensuite) et comme on pouvait s'y attendre, c'est une clameur générale dans tout le festival qui reprend le refrain mythique. La force de Midnight Oil c'est aussi ça, conserver des textes qui ont du sens, un engagement et des convictions derrière une musique très enjouée et dansante. En un mot, accessible.

Midnight Oil

 

King King

Les oreilles bourdonnent. Les cerveaux aussi. Avec Midnight Oil, on a vibré, beaucoup, on a ressenti, énormément. On s'est surtout rappelé qu'au delà d'une grande fête où tout le monde communie, la musique est aussi, et souvent, un vecteur. Les revendications du quintette australien ne sont pas forcément de celles que l'on aime réaliser, mais sont nécessaires, essentielles. C'est l'esprit lourd que l'on se dirige vers King King, avec la conviction que la bande d'Alan Nimmo va nous emporter vers plus de légèreté.

King King, GES

Avec un set dont les premiers titres sont axés sur des mid-tempos assénés très lourdement (l'impression que Andrew Scott veut assassiner sa caisse claire tant il met de la puissance dans ses coups), il est plus difficile de rentrer dans le set de King King. Ceux qui ont été moins séduits par le concert précédent rentrent immédiatement dans la danse, les autres restent plus extérieurs le temps de quelques morceaux, notamment quand les balades s'enchaînent. Pop blues, comme on pourrait qualifier le créneau du groupe, il n'en détient pas moins le secret de quelques envolées musicales où l'on réalise le potentiel.

King King, GES

King King, c'est ce groupe de bons copains que l'on connaît bien. Il ne nous surprend pas, ne nous fait rien découvrir de particulier, mais si tant est que l'on ait des affinités avec le genre, on se laisse aisément porter. L'occasion pour nombre d'habitués du festival d'enfin prendre leur revanche en appréciant un set du groupe dans de bonnes conditions. Contrairement à l'édition 2017, le temps est clément, aucun report et aucune averse intempestive qui empêche le concert de se dérouler, les abords de la scène Village sont blindés, et ça, Alan Nimmo le remarque et ne le compte pas pour acquis. Alors ça se fait plaisir à jouer, le public semble bien connaître la formation et la soutient au possible. Chill, comme diraient les anciens jeunes, ambiance à la cool, décontractant assuré.

King King, GES

Et pourtant, à l'instar de leur venue il y a deux ans, que l'on avait alors mis sous le compte de la fatigue, la sauce ne prend pas. On veut apprécier les bons gars qui nous apparaissent sympathiques, et il n'y a rien qui ne nous torpille les tympans - encore heureux vu le bon niveau des musiciens - mais on reste assez indifférents à King King. Quelques moments qui font sourire, des soli ou breaks dont on ne boude pas le plaisir, mais rien de suffisant pour que l'on soit face à une grande proposition musicale. King King, c'est surtout ce groupe de blues que l'on connaît parce qu'on l'a déjà entendu une bonne trentaine de fois, sous de multiples noms de trente ans ses aînés.

King King, GES

Texte Nico Chona & The Fleshtones, Midnight Oil : Félix Darricau
Texte John Butler Trio, King King ; Thierry de Pinsun

Photos : Alexandre Coesnon & Luc Naville. Toute reproduction interdite.

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