TINALS – Jour 3 – Shame, Fontaines D.C., Rendez-Vous…

Les habitants du parking ne dorment jamais : après avoir passé une partie de la nuit à jouer de la guitare et chanter en espagnol, le petit matin (genre 13h30) voit une véritable petite communauté naître sous le grand arbre à ombre de l’entrée de Paloma, réunis autant par la mise en commun des tomates et du poulet rôti que par une haine féroce à l’égard d’une glacière défectueuse.

Le peuple appelle au lynchage de l’objet, rendu responsable de tous les maux, et ses bourreaux l’attaquent à coup de couteaux sous l’œil compatissant des community managers du TINALS. Les mains pleines de chips, on se demande un instant ce qu’on fout là, avant de partir à la recherche d’une bière.

Shonen Knife

On commence la journée avec un groupe en provenance, à nouveau, du continent asiatique : Shonen Knife, présenté comme une légende du punk japonais. Effectivement, le registre est celui du punk des origines avec un son typé Ramones et des mélodies plutôt joyeuses.

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On n’est clairement pas dans ce qu’il y a de plus abrasif, mais malgré une certaine inoffensivité, le tout est assez punchy. Les quatre musiciennes ont une attitude assez enfantine sur scène, et si les instants chorégraphie sont un peu fatigants, le sourire constamment arboré est contagieux ; pas suffisant toutefois pour capter l’attention sur un set complet : la composition est rébarbative, manque un peu de magie.

Fontaines D.C.

L’un des groupes les plus habitués de cette édition : les habitués du TINALS font le parallèle avec Shame, programmé il y a deux ans juste avant de devenir de grosses re-sta ; qu’on ait assisté à leur show en 2017 ou qu’on l’ait stupidement manqué, on sait qu’il ne faut pas merder avec Fontaines D.C.. La fosse de la Mosquito est pleine bien avant le début du concert ; dès l’entrée des Irlandais sur scène, le charisme gigantesque qu’ils dégagent justifie l’enthousiasme.

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L’animation de la scène est laissée au chanteur Grian Chatten, qui arpente les planches en jouant le rôle du héros bagarreur de n’importe quel film américain sur l’univers de la drogue, gestes secs et impulsifs, tics nerveux, regard insoutenable. Les quatre autres membres affectent quant à eux un détachement total et une lourde inexpressivité, soit un jeu paradoxalement tourné tout entier vers le public, efforts théâtraux pour nous donner l’impression de n’avoir aucune existence à leurs yeux, produisant un cocktail frustration-fascination extrêmement addictif.

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Après seulement huit petits morceaux, le groupe sort de scène et n’y remontera pas en dépit d’une demande de rappel appuyée. Dans la fosse, chacun toise méchamment son vis-à-vis, conscient que pour assister au deuxième set, plus tard, dans le patio, il faudra sûrement casser des bouches. On s’y rend d’ailleurs pour patienter un peu devant Mick Strauss, qui fait effectivement le même set et les mêmes blagues que la veille, comme il l'avait annoncé (mais c’est bien).

Rendez-Vous

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A chaque édition du TINALS, un concert fait immanquablement référence en matière d’ambiance malsaine et de sensation d’évoluer dans un monde dystopique particulièrement menaçant pour la santé de nos corps comme de nos âmes. Après HMLTD en 2017 et Viagra Boys en 2018, le lauréat 2019 est français : Rendez-Vous met un bordel effrayant sur la Mosquito au moyen d’un punk chargé d’électronique franchement radical. Un type déboule torse nu dans la fosse, courant en bousculant violemment les badauds ; il sera évacué trois minutes plus tard, titubant, menaçant de gerber d’une seconde à l’autre.

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Ca sent la fin de festival, les freaks se finissent ici, tout le monde est fin bourré et la grosse caisse sur tous les temps appelle à la consommation massive de stupéfiants pour une transe violent et spasmodique. Si la composition manque sans doute d’un peu de nuance, notamment sur le chant très souvent scandé que la pluralité des voix ne rafraichit pas, le groupe convainc et laisse l’impression d’assister à une fête interdite, dans un univers artistique total et sans concession.

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Shame

Ils étaient présentés, en 2017, comme de jeunes types prometteurs, des petits copains de Fat White Family à garder à l’œil, ils sont à présent l’une des plus grosses attractions de la programmation : Shame revient à Nîmes pour montrer comme ils ont bien grandi. Depuis leur premier passage, un album est sorti avec fracas et succès, le groupe n’a alors plus cessé de tourner, et dès les premiers instants, on sent que le show est particulièrement bien rôdé.

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L’énergie est omniprésente, l’animation scénique ne souffre d’aucun temps mort, portée principalement par Charlie Steen au chant, et John Finerty à la basse. Un sentiment s’impose avec une rare clarté, celui que le groupe s’est fixé comme objectif non-négociable d’emporter la totalité du public avec lui : tout est dirigé vers lui, il est placé au centre du concert et se voit interdire la fonction de spectateur : forcé à l’activité avec une autorité joyeuse et enthousiaste.

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La débauche d’énergie que cela impose  n’entame pas pour autant la qualité de l’interprétation, les trois autres musiciens, moins en vue sur le plan scénique, assurant le son à la perfection. Les titres ne sont pas joués à l’identique de la version studio, le travail se fait sentir dans la maîtrise technique impeccable. La ballade "Angie" qui concluait l’album Songs Of Praise illustre tout ça : remodelée, tonifiée, elle est devenue un point culminant du set en balançant brutalement au visage du quidam une dose inattendue d’émotion brute, prenant de court au milieu des tubes punks.

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Fontaines D.C. (encore)

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Il y a beaucoup de monde pour voir le deuxième set de Fontaines D.C., beaucoup plus de monde que ne peut en contenir le petit patio mignon : l’entrée du complexe qui l’abrite est carrément fermée, ça grogne d’incompréhension devant les portes. On resquille bassement en faisant le tour et en entrant par la porte du point presse. La scène est trop petite pour que Grian Chatten puisse faire ses va-et-vient de cocaïnomane qui se bouffe les doigts, le groupe est saucissonné, écrasé par la foule plus compacte que jamais.

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Les conditions de jeu sont inhabituelles, tout le monde est conscient d’assister à un moment rare, le groupe semble apprécier la contrainte, le public est en ébullition, ça saute, ça chahute, ça pousse les jeunes filles qui s’écrasent sur les pedalborads des musiciens. Le son, plus brut que dans l’après-midi, dégonfle énormément les guitares mais laisse à la basse son aura formidablement caverneuse, et nous fait prendre conscience du rôle central de Tom Coll à la batterie, qui tient seul toute la baraque, donne l’impulsion sur laquelle le reste du groupe peut se reposer pour continuer d’affecter la froide nonchalance des habitants des villes pluvieuses. Pour que le résultat soit aussi dynamique dans le son et flegmatique dans le visuel, il faut que le gars planqué derrière les autres se dépense deux fois plus.

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Les titres sont joués exactement comme sur l’album, ce qui n’a pas le temps de nous décevoir, puisque tout le monde semble les connaître par cœur de bout en bout ; pas la peine de remanier les tubes qui n’ont pas encore lassé, les refrains de "Boys in A Better Land" ou de "Liberty Belle" donnent lieu à de formidables moments de joie universelle traduite par des danses frénétiques, mer agitée cernant le frêle îlot scénique. La communion avec le public est réussie. A la fin du concert, le groupe n’a apparemment pas envie de partir, le guitariste nous taxe une clope, on en profite pour lui taxer de l’info : pourquoi avoir annoncé d’emblée qu’ils ne répondraient à aucune interview ? Il s’excuse tout gentiment en expliquant qu’ils reviennent d’Amérique, sont épuisés, et en ont marre de parler de cet album ; plus d’interviews jusqu’à la sortie du prochain. Pas de communication forcée, de promo à tout prix, on trouve ça plutôt sain.

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Johnny Mafia

Pendant que dans le club, Scarlxrd fait un « set hyper puissant, mais je crois qu’il est en playback » selon une source fiable, ce sont les plus dignes représentants de la ville de Sens qui ont l’honneur, dans la Grande Salle, de clore le TINALS, une faveur sonnant comme un hommage à leur prestation super fraîche du mois de juin 2017 qui avait marqué la cinquième édition du festival, mais également la carrière du groupe puisque Jim Diamond, producteur des White Stripes, s’était alors entiché du quatuor, coup de foudre qui engendra l’an dernier l’album Princes de l’Amour.

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Comme on les a vus sur scène et parlé de leurs concerts une bonne dizaine de fois déjà, et que tous sont également et constamment explosifs, on ne sait plus trop quoi dire de nouveau, si ce n’est que le passage de la scène extérieure en plein après-midi aux faveurs de la Grande Salle à un moment clé de l’événement semble tout à fait naturel. Johnny Mafia s’est adapté aux grands espaces et a fait évoluer son son, sa présence scénique et même sa composition, comme c’était perceptible sur le dernier album sus-cité avec des titres concédant la spontanéité mélodique au lourd et à l’incisif, qui prennent tout leur sens en live. La transition est bien opérée sans que ne se perde pour autant l’ambiance de grosse camaraderie festive, la bonhommie des larrons, les blagounettes et les cooleries qui-font-qu’on-passe-un-bon-moment.

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Bilan

Comme nous marchons vers la sortie de Paloma pour nous en aller passer une dernière nuit parmi les va-nu-pieds du parking, l’heure est au bilan. Le TINALS a désarçonné quelques uns de ses spectateurs chevronnés en ouvrant plus largement sa programmation à l’électronique et au hip-hop. Les rédacteurs rock ne s’en trouvent pas lésés pour autant, on dira même que le rythme moins soutenu et la réduction des chevauchements de groupes-qu’on-veut-absolument-voir-mais-merde-ils-jouent-tous-en-même-temps est bénéfique à l’expérience de festival, on respire, on a plus de temps pour commander des bières ou pour s’en aller faire des découvertes, sortir de sa zone de confort pour se confronter à l’inconnu, ce qui est quand même le but du jeu. D’autant que les artistes qu’il fallait avoir à tout prix cette année étaient tous là : ceux qui ont fait l’actualité discographique (Fat White Family, Fontaines DC…), ceux qui tournent trop loin de nous depuis trop longtemps (Shame), et surtout, la catégorie la plus importante, ceux qu’on ne connaissait pas mais que si on les connaissait on aurait dit qu’il fallait qu’ils soient là de sûr (Ron Gallo, DTSQ, Mick Strauss…). On avait grogné l’an dernier quant à la présence de basses démesurées en façade des scènes extérieures ; le problème semble avoir été traité, la qualité était là. Cette édition est une vraie réussite. Le TINALS nous montre tous les ans qu’il est une valeur sûre, nous étonne alors qu’en fait, on le savait déjà, devient au passage plus important que n’importe quelle fête de famille ou réunion de copains dix ans après sur la place machin. La vraie surprise serait qu'ils se plantent en 2020, mais bon, on n'y croit pas vraiment.

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Les gens tombant sur les pedalboards de Fontaines D.C.

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Le bassiste de Fontaines D.C. trouvant ça marrant

Crédits photo : Thomas Sanna

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