Ron Gallo et Chiara D’Anzieri (Chickpee) au This Is Not A Love Song

Au mois de juin, à l’occasion du This Is Not A Love Song Festival, nous rencontrions Ron Gallo en amont de son concert éclatant sur la petite scène extérieure. Ca date un peu, nous dira-t-on ; en effet. Cela s’explique simplement : il nous a semblé sage d’attendre que passe la saison du rosé et des futilités balnéaires pour retranscrire cet entretien où prédominent les doutes existentiels et les obsessions d’une quête d’identité. Le mois de septembre, dans son ambiguïté sinistre, convient nécessairement mieux à la crise métaphysique.

En entrant dans le petit studio de Paloma, nous avons la bonne surprise de constater que Chiara D’Anzieri, tête pensante du projet Chickpee et compagne de Ron Gallo, est présente. Nous nous en félicitons, d’une part, parce que nous sommes heureux de pouvoir parler de Chickpee avec sa créatrice, mais également parce que, comme pour mieux confirmer leurs futurs propos par leur mise en abyme, leur présence respective semble les pousser à se livrer plus aisément, de même qu'il leur semble plus facile et agréable de parler des projets de l'autre. Ce qui n’est pas mal pour une interview à l’amorce, disons-le, assez poussive, mais au cours de laquelle le nashvillois se révèlera un type inspiré, et inspirant.

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LGR : J’ai cherché des interviews de vous en français, je n’ne ai pas trouvé. Vous en avez déjà fait ?

Ron Gallo : Je crois que j’en ai fait une quand j’étais à Paris il y a quelques semaines…

LGR : Ok. Donc pour le peuple français, est-ce que tu peux te présenter ?

Ron Gallo : Mon nom est Ron Gallo. Et, je ne sais pas quoi dire d’autre. C’est moi !

LGR : D’accord. C’était pas ma meilleure question.

Ron Gallo : Non, c’est une bonne question. Bonne question, mauvaise réponse.

LGR : Tu jouais auparavant dans un groupe appellé Toy Soldiers…

Ron Gallo : (Il coupe) Est-ce que je peux te demander où… ceux qui ont organisé l’interview ont inclus ça ?

LGR : Qu’est-ce que tu veux dire ?

Ron Gallo : Est-ce que les personnes qui ont organisé cette interview ont mentionné mon ancien groupe ? J’essaie juste de comprendre pourquoi, et comment les gens savent ça parce que personne ne connaissait le groupe, on n’a jamais rien fait, mais on le ressort…

LGR : Je pense que c’est parce qu’on fait quelques recherches avant…

Ron Gallo : D’accord, oui, j’étais juste curieux, c’est drôle parce qu’on n’a jamais rien fait, personne ne connaissait le gorupe, et c’était il y a sept ans… C’est juste marrant.

LGR : Donc avec Toy Soldiers, vous jouiez une musique très influencée par les racines du rock, très typée blues, country, rock’n’roll. Dans Heavy Meta (son premier album solo, ndr), vous gardez un peu ces influences, mais…

Ron Gallo : Non, je ne dirais pas ça. Je pense que j’ai jeté la plupart de ces anciennes influences.

LGR : Ah ! Donc… Pourquoi ?

Ron Gallo : Je ne sais pas, c’est juste que je change tout le temps. Je suis constamment en évolution, donc mes goûts se décalent toujours. Je suis à fond dans quelque chose, je crée à partir de ça, et puis je balance tout et je commence quelque chose de nouveau. Ca me semble juste naturel, je ne peux pas rester immobile, donc je change tout le temps.

LGR : Le dernier album est sorti en octobre dernier. Il semble très personnel, dans le sens où il semble centré sur le personnage Ron Gallo. Est-ce vraiment un personnage que tu as créé, ou est-ce toi ?

Ron Gallo : Eh bien nous sommes tous des personnages. Chacun de nous interprète un personnage, un rôle, à chaque minute de chaque jour où on n’est pas seuls. Donc je pense que l’objectif de cet album est de comprendre, en quelques sortes, ce que nous sommes en-dehors du personnage que nous jouons, en-dehors du nom, du rôle, de l’idée que les gens ont de nous. Tu vois. Tu n’es pas un journaliste français. C’est ce que tu fais, mais ça n’est pas ce que tu es. Et tu n’es pas ton nom. C’est ce truc-là, comprendre ce que je suis, derrière le personnage que je joue chaque jour.

LGR : Dans le texte, il y a beaucoup de « je », beaucoup de « tu »… Est-ce que ça fait partie de cette recherche, es-ce qu’il faut ce « je » et ce « tu » pour mener cette recherche à bien ?

On galère un peu à traduire cette question. On essaie de reformuler.

LGR : Est-ce que c’est une nécessité que de parler avec un « je » et un « tu » pour répondre à la question « qui suis-je » ?

Ron Gallo : Aaah ! Oui. J’adore cette question. Oui, parce que tout est moi. Même quand je dis « tu », je continue de me parler à moi-même.

LGR : Dans Happy Death Day, tu parles d’un “split between you and I”, mais aussi du bien et du mal, est-ce que c’est une clé de lecture, le « je » serait le bien, le « tu » serait le mal ?

Ron Gallo : Je pense plutôt que tout est exactement la même chose. Il n’y a pas vraiment de différence entre « moi » et « toi », pas vraiment de différence entre le bien et le mal, tout est dans le tout. Dans toute personne il y a du bon, il y a du mauvais, dans toute personne il y a du « je » et du « tu ». Donc tout est la même chose, vraiment. All in everything.

LGR : Et ce troisième personnage, celui de l’alien, est-ce que c’est aussi une part de toi ?

Ron Gallo : Cette partie-là c’est plutôt… Créer une tierce personne, un alien descendant sur la Terre et offrant une nouvelle perspective. Un alien, avec des yeux qui n’ont jamais rien vu de tout ça et être là genre (il chuchote) : « what ? ». Destabilisé par la façon don’t vivent les humains, et ce qu’on a fait de la Terre et tout ça. Simplement, être destabilisé par ce que nous considérons comme normal.

LGR : A propos de ta quête du « moi », comment imaginais-tu que le public se situerait ? Est-ce que tu penses qu’ils rencontrent quelqu’un de nouveau, assistant à cette quête de l’extérieur, ou est-ce qu’ils sont censés ses sentir concernés, s’identifier à ce personnage ?

Ron Gallo : Je pense que d'une certaine façon, l’un des objectifs de cet album est d’essayer de faire en sorte que les gens se regardent eux-mêmes un peu plus, essaient de se comprendre eux-mêmes un peu plus. Parce que je pense que les gens ne comprennent pas vraiment qui ils sont ni ce qu’ils sont vraiment, ce qui cause de nombreux problèmes dans le monde. Faire ça, sur moi-même, a eu des effets positifs sur ma vie, donc en en parlant avec cet album, j’essaie d’amener d’autres personnes à partager cette expérience positive que j’ai connue en m’observant moi-même, de façon très honnête, et à en apprendre plus. Ça agit sur mon rapport aux autres, et sur mon rapport au monde autour de moi, c’est quelque chose de positif. C’était l’objectif. Après je ne sais pas, des fois j’aimerais… des fois ce serait plus simple de traverser la vie en disant « peu importe mec, je n’ai rien à foutre de quoi que ce soit, de ce que je suis », c’est plus facile. Mais c’est vraiment stimulant de s’asseoir avec soi-même, et de s’obeserver. Tout, le bon, le mauvais, accepter tout ça, apprendre à l’accepter. Ce n’est pas un travail facile, mais j’ecourage chacun à le faire, parce que ça profite au monde entier, je pense.

LGR : Tu as publié, récemment, une chanson avec Chickpee…

Chiara D’Anzieri : C’est moi !

Ron Gallo : Yeah !

Chiara D’Anzieri : C’est moiiii !

LGR : Eh oui !

Ron Gallo : Elle est là !

On rit un peu.

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LGR : Vous pouvez nous parler un peu de ce projet ?

Chiara D’Anzieri : Que dire ?

Ron Gallo : On a fait ça il y a un an, ça a été un voyage incroyable. Un peu fou en fait : rencontre en Italie, départ en Amérique pour la toute première fois, création de cette relation... Nous sommes tous les deux musiciens. On était à Nashville, à la maison. Chiara aidait d’autres personnes à écrire des chansons, à produire des enregistrements, elle était musicienne de session, productrice, et aidait tout le monde, mais ne prenait pas le temps de créer ses propres chansons, sa propre musique. Donc pour moi c’était super excitant : « je veux t’aider, toi. Maintenant, on va faire tes trucs. Tu as aidé tout le monde, on va t’aider à faire tes trucs ». On était à la maison, elle avait des chansons, on a juste dit enregistrons ça, faisons-le. On a fait le premier en une heure, puis un autre… On va commencer à travailler en studio. J’aime ça, parce que j’aime sa musique, j’aime ce qu’elle a à dire, j’aime…

Chiara D’Anzieri : Et moi, aussi. (elle rit)

Ron Gallo : Oui, toi aussi. Et on travaille très bien ensemble. Je suis excité par ça, je suis beaucoup plus excité par ça que par mes propres trucs.

Chiara D’Anzieri : Je peux dire que je suis plus excitée par ses nouveaux trucs. Si je pense à faire mes propres trucs, je suis plus heureuse d’être impliquée dans les siens. C’est comme un miroir.

Ron Gallo : Je trouve ça cool, c’est une histoire intéressante.

LGR : Donc vous avez enregistré à Nashville ?

Ron Gallo : Oui à Nashville.

Chiara D’Anzieri : A la maison. On l’a fait en pyjama. (on rit) Je portais mon pyjama, c’était le matin.

LGR : Et vous pensez porter ce projet sur scène ?

Ron Gallo : Oui, c’est un objectif. Faire un album, et faire quelques shows.

Chiara D’Anzieri : C’est déjà arrivé, on a joué ensemble pendant la tournée américaine. On verra ce qu’on peut faire ensemble.

Ron Gallo : Un groupe, peut-être. C’est le tout début, c’est excitant.

LGR : Est-ce que le fait de s’impliquer dans le projet de quelqu’un d’autre, ça n’est pas aussi l’occasion pour toi de revenir, en quelque sorte, à une certaine pudeur, après cet album extrêmement personnel ?

Chiara D’Anzieri : Je pense que c’est l’inverse, ça va plutôt l’amener à parler plus de lui.

Ron Gallo : Oui dans un sens, c’est bien ; comme tu le dis j’ai passé les trois dernières années à tourner, et « moi moi moi moi moi, moi moi moi, MON album, parler de MES conneries », c’est épuisant. Je me sens beaucoup plus d’énergie pour l’aider, et effectivement ça me permet de reculer un peu, et de faire de la musique… qui reste personnelle, mais… (à Chiara) ce sont tes chansons, ça n’est plus à propos de moi, parlant de moi, beuh, c’est t’aider à parler de toi. Et ça m’aidera probablement dans le futur à parler encore de moi, d’une façon plus personnelle, parce que tu es douée pour ça.

Chiara D’Anzieri : Oui, je suis plutôt du genre « oh mon Dieu, il s’est passé quelque chose dans ma vie, écrivons immédiatement une chanson à propos de ça ! ». Lui, c’est l’inverse.

Ron Gallo : Je suis beaucoup plus cryptique, à essayer de parler de choses universelles, j’essaie toujours d’éviter de parler de moi. Je ne parle pas de moi, même avec mes amis. J’aime être, d’une certaine façon, invisible, ce qui ets une chose étrange à dire pour un musicien. Mais je pense que ce sera bon pour ça. Après cette tournée, avoir du temps libre, être créatif à nouveau, être créatif d’une façon différente. C’est cool. Moins de moi, c’est bien.

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Interprète : Laetitia Maciel
Crédits photos : Thomas Sanna

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