Syd Kult – Damnatio Memoriae

Damnatio Memoriae est un concert électro-goth pour combats de gladiateurs cybernétiques engendré par Syd Kult. Le groupe est aujourd'hui un trio, fondé sous l'impulsion du chanteur et guitariste Cyril Delaunay en 2013. Après deux albums longs en 2017 et 2018, la formation s'affirme, prend de l'épaisseur, et aboutit à un objet peaufiné.

C'est un album de prog' grandiloquente qui sait se renouveler, ménager des pauses et repartir pour ne jamais lasser l'oreille, même en plus de quarante minutes de performance. En dix morceaux, il vous transportera dans une Rome antique romantique par le truchement d'une batterie grasse et d'une guitare dont l'écho se réverbère sur les parois de l'arène alors que les gladiateurs s'avancent et s'affrontent.

Mais cette mise en scène relève-t-elle vraiment d'une liturgie passée ? La musique, comme les sentiments humains et les errements de l'histoire, est intemporelle. Notre époque est pleine de choses sales qu'on aimerait oublier. On est sans cesse tiraillé entre exaltation et abattement, secoué par cette musique magnétisante empruntant au rock gothique et à l'électro froide.

Les morceaux s'écoutent dans l'ordre, comme on assisterait à la représentation d'une pièce de théâtre.
Au commencement, le décor se pose : l'époque, dont on ne sait s'il s'agit d'aujourd'hui, hier ou demain, et dont on comprend qu'en fait c'est la même chose, est sombre, presque obscurantiste.

L'auditeur-spectateur accuse le coup, et aussitôt l'énergie de combattre lui vient. Il faut toujours de grands combats épiques, mais pas dès le début. Non, au début, des péripéties s'enchaînent, l'auditeur-protagoniste affirme son idéal et ses aspirations, il forge son identité sur des guitares saturées (« Where we Belong »). Il ouvre les yeux sur le monde et en décèle les atrocités qu'on lui cachait, comme de petites notes claires masquées sous un opaque arrière-plan de basse.

Sombre, orchestral, prog

Pendant ce temps, le totalitarisme se répand, les tyrans avancent, au son belliqueux de leur marche militaire. Les percussions frappent fort, les cordes légères sont progressivement étouffées, l'espoir semble vaincu.

C'est le point culminant de la pièce, le spectateur auditif est tendu comme une corde mi trop courte. L'obscurité semble près de gagner, il faut s'unir contre elle, s'allier sous la bannière enragée du « Ragged Flag » en se repérant aux cris d'appel du chanteur et aux percussions revigorantes.

C'est là que l'on prend conscience de l'intemporalité des combats, de l'éternel recommencement entre vie et mort. Le spatial « Alpha Orionis Supernova » nous happe dans une dimension presque psychédélique avec un synthé tout en réverbérations et échos qui durent, pour faire flotter l'esprit dans sa plénitude méditative. De là-haut, on se rappelle les bons moments, l'amour, la tendresse, les instants volés à la lente irrévocabilité du temps qui passe, sous les arpèges à la guitare sèche de « Bittersweet » et ses solos vivifiants.

C'est le moment crucial. Notre héros est prêt à l'affrontement final, prêt à lutter plus que de se voiler la face. L'apothéose prend corps avec l'ultime morceau « Damnatio Memoriae », qui s'élève progressivement des limbes, et dans lequel on retrouve les synthés spatiaux, les percussions sèches, les chœurs et la voix passionnée de Cyril Delaunay. Tout est là, le morceau est construit comme un film d'auteur, peaufiné à l'extrême, et pas une mesure de silence ou de batterie n'est de trop.
Avec une telle maîtrise, sûr que Damnatio Memoriae ne sera pas condamné à l'oubli.

Damnatio Memoriae, sorti le 21 mai 2021 sur Bandcamp chez M.A.D./Pias

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NOTE DE L'AUTEUR : 9 / 10



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