Che Guevara et Kim Dotcom – Megaupload de retour

Tout le monde se souvient bien sûr de la fermeture du célèbre site et la mise sous les verrous de son fondateur Kim Dotcom. Rétrospectivement, il est clair que ce n'est pas tant le principe qui avait marqué les esprits, c'est la manière qui ne passait pas. Que Megaupload fasse son beurre sur des fichiers téléchargés au mépris des droits d'auteur, ne soyons pas hypocrites, on a beau être nombreux à l'avoir utilisé un jour ou l'autre, il n'en reste pas mois qu'il existe des lois qui interdisent son principal fond de commerce. Depuis les serveurs centralisés à la Napster, les réseaux P2P ont largement évolué et se sont régulièrement réfugiés derrière le fait qu'ils ne pouvaient être tenus pour responsables de ce que leurs utilisateurs échangent. Bien sûr, personne n'est dupe, et si ces réseaux sont de plus en plus utilisés également par des entreprises et instituts de recherche pour échanger de grandes quantités de données, il est clair qu'un bon paquet de contenus y transitent de façon illégale.
 

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On pourrait longuement discuter des avantages et dangers du piratage, sur le fait qu'il est génial de pouvoir essayer avant d'acheter, tout en restant conscient qu'il est par ailleurs important de continuer à acheter pour soutenir les artistes et autres personnes qui contribuent à faire exister la musique. Car on peut critiquer l'industrie du disque de n'avoir pas su voir arriver le virage numérique et se réjouir des possibilités qu'ont les artistes de bosser par eux-mêmes, mais ce n'est qu'un versant du problème.

On assiste à un effet sablier puisque les labels de moyenne taille (10 à 50 personnes) deviennent moins nombreux, tandis que la multiplication des très petites entreprises (10 personnes et moins) permet au nombre global de labels d'augmenter. Cette apparente vitalité ne doit pas faire oublier l'extrême précarité dans laquelle se trouvent bon nombre de ces acteurs. D'un côté, une concentration extrême (la création d'une "super-major" avec le rachat d'EMI par Universal n'est pas sans susciter quelques inquiétudes), de l'autre une longue traîne qui a les moyens de réaliser beaucoup plus de choses. Les effets pervers de cette émulation tiennent à la paupérisation de l'activité musicale, que l'on retrouve dans l'édition littéraire :

« Ceci se produit même si les outils techniques de gestion, en favorisant une autonomie croissante des producteurs, renforce leur importance au centre du processus (système). Dans l’édition de livres, l’industrialisation du processus de création permise par l’innovation technique entraîne une pression sur les revenus de la majorité de ceux qui concourent à la production (auteurs, personnels éditoriaux et prestataires de création). Elle tend à les précariser tout en faisant croître le niveau de compétences de chacun » (Christian Robin, maître de conférences en sciences de l'information et de la communication)

Devant la concurrence, les zicos doivent désormais maîtriser un nombre croissant de compétences, artistiques et extra artistiques, avant de pouvoir espérer convaincre des partenaires (label, boîte de prod', médias etc) d'investir sur leur projet. Entre une concurrence effrenée et la situation économique délicate de leurs partenaires habituels, les musiciens n'ont pas la vie facile tous les jours (et si le cinéma et les jeux vidéos en souffrent moins en apparence, ils sont tout aussi concernés). Dans ces conditions, il est toujours désagréable d'entendre des bêtises qui pourrissent le débat qui mérite d'être mené. Certes, l'offre numérique légale est longtemps restée à la traîne, et la baisse du chiffre d'affaires de la musique enregistrée n'est pas volée. Certes, le téléchargement illégal et les innovations technologiques favorisent la diversité. Mais d'un autre côté, le rôle des producteurs/managers/organisateurs de concert n'en reste pas moins important, si ce n'est primordial.
 

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Alors quand ce balourd de Kim Dotcom vient la ramener en se prétendant être un libérateur du peuple, pardon, mais je me sens déprimé. Ben oui ! Ces sales capitalistes qui ont produit un gros paquet de daubes commerciales qu'ils nous ont bien refourgué avec la payola sur les radios et les dessous de table avec la presse spécialisée n'ont qu'à crever dans d'atroces souffrances ! Le hic, cher Kim, c'est que 1) ils ont aussi produit des tas d'artistes qu'on adore, et directeur artistique c'est aussi un métier. Ca peut être très utile au développement de certains artistes qui en profiteront pour développer leur potentiel. Toujours pareil hein, les gens bien c'est comme les cons, y en a partout. Et 2), on a utilisé ton service (beaucoup d'entre nous en tous cas), on t'a fait gagner plein de blé, mais c'est pas la peine de nous prendre pour des veaux.

La manière, les amis. Quand le FBI ferme Megaupload, plusieurs entreprises y ont perdu plein de fichiers tout ce qu'il y a de plus légaux. Première raison de grogner, après tout les utilisateurs qui payent un abonnement pour s'en servir dans le respect des règles, pourquoi leur pourrir la vie ? Mais surtout, les flics ont salopé le boulot. Le site a été fermé avant qu'il ne soit déclaré illégal, l'arrestation de Dotcom a été un peu exagérément musclée et très médiatisée, il y a eu des écoutes illégales par les services secrets australiens... Le juge a préféré laisser tomber un combat perdu d'avance contre les avocats de Bibendum. Pas d'extradition pour les Etats-Unis. Les Inrocks citent la réaction du monsieur et c'est poignant :

Ils ont visé le mauvais mec. Je vais retourner le monde. Le pouvoir au peuple. Bye bye Echelon. Bonjour la liberté

Voilà, parce qu'en fait Kim Doctcom c'est Che Guevara qui a fusionné avec Sangoku et qui fait des trucs à la Matrix contre cette saloperie de système pourri pour nous libérer nous pauvres mortels ! Ce qu'il faut pas entendre... Tout le monde sait que Kazaa, comme Facebook, comme la plupart de ce type de services, utilisait des logiciels espions et revendait ses données à des fins marketing. Tout ça pour dire que ces gens là ne sont clairement pas des enfants de choeur et que c'est sûrement pas avec les recettes publicitaires qu'ils entretiennent leurs serveurs et que Dotcom a 40 millions $ sur son compte.
 

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Alors que faut-il penser du retour de Megaupload, prévu pour dans à priori pas très longtemps ? Pas grand chose au fond. Le piratage est un problème, mais il est surtout plus une conséquence qu'une cause, du fait d'une offre restée longtemps inadaptée face à une demande qui a depuis considérablement évolué. Il est également très utile pour ne pas se faire refourguer n'importe quelle daube sur la base des 3 bonnes minutes de l'album matraquées à la radio. A nous de savoir faire la part des choses et de continuer à soutenir financièrement les artistes qu'on aime, en leur achetant leurs albums sans passer par les enseignes, en achetant un T-shirt, une place de concert, etc. Et on continuera à utiliser différentes méthodes pour écouter gratuitement. Et peut-être la nouvelle version de Megaupload. Et Kim Dotcom continuera de s'en mettre plein les poches et de se la jouer baron du crime. Mais des annonces aussi pathétiques que "la libération du peuple" par un gars comme lui, par pitié, on n'en est plus là quand même !

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