Mallis et le collectif Anti-DRM

Voici la reproduction de l'interview que WebradioActu a bien voulu me consacrer afin d'expliquer à  ses internautes ma position et aussi celle de Webradios France dans cette affaire de loi DADVSI / DRM scandaleuse.

INTERVIEW DE MALLIS POUR WEBRADIOACTU

Mallis : Avant de répondre à  vos questions, juste un précision sur le collectif Anti-DRM de Webradios-France. Dès que j'ai découvert ce projet de Loi sur le site de l'EUCD, j'ai lancé une campagne d'information sur le site de la grosse radio pour alerter nos auditeurs et visiteurs. Ensuite Anthony de Clicknrock (qui a lancé une information par mail aux dirigeants des autres webradios françaises) m'a contacté et nous avons décidé de proposer une union de webradios afin de centraliser nos arguments, de lancer une pétition et de parler d'une seule voix. Je précise que je ne suis ni le directeur ni le porte-parole de ce collectif, pour l'instant nous avons uniquement mis en commun des moyens logistiques, les rôles de chacun sont en passe d'être répartis.

Webradioactu : Depuis quelques jours, une très large partie des webradios françaises est réunie dans un comité "anti-DRM". Que dénoncez-vous (en quoi consiste cette loi) ?

Mallis : Effectivement nous sommes quelques 25 webradios réunies au sein de Webradios-France pour unir nos forces et résister.Résister à  un projet de loi qui devrait être voté en toute discrétion, en pleine nuit le 23 décembre 2005 alors que nous serons tous (nous comme une majorité de politiques) occupés à  préparer Noël.

Cette loi prévoit les points principaux suivants :

  • Interdire tous les logiciels permettant de mettre à  disposition une information protégée par le droit d'auteur et n'intégrant pas un dispositif de traçage et de contrôle de l'usage privé (mesure technique)
  • Interdire la promotion de tels logiciels
  • Assortir ces interdictions de sanctions pénales
  • Imposer le chiffrement (codage) des émissions radio numériques et l'utilisation de mesures techniques aux diffuseurs radios
  • Mettre en place un système d'écoute généralisée des correspondances privées
  • Mettre en place un système de filtrage généralisé en collaboration avec les fournisseurs d'accès.

Nous ne contestons pas la nécessité de protéger les droits d'auteurs et droits voisins, en revanche nous condamnons fermement la manière dont ce projet de loi va être voté (en douce et sans concertation avec tous les acteurs du monde numérique), nous condamnons la volonté des initiateurs de ce projet qui tentent de protéger leur industrie économique en spoliant ouvertement des libertés fondamentales comme le droit à  la copie privée, le droit de publier, la liberté d'expression en proposant même la violation de la vie privée. Rappelons que nous devons cette brillante idée aux majors et à  la plus grande société de protection de droits d'auteurs qui, dépassées par les avancées technologiques des 10 dernières année les voient comme un danger visant leur monopole.

Webradioactu : Que peuvent craindre les webradios si cette loi est votée ?

Mallis : Ce qu'il faut avant tout comprendre c'est que cette loi n'attaque pas seulement les webradios, elle concernent tout le monde. Comme je le disais plus haut, les CD, les DVD, les radios, les livres, les photos, les logiciels libres sont visés par cette loi liberticide du moment qu'ils seront dans un format numérique. Si cette loi passe vous ne pourrez plus copier un CD acheté légalement d'un format à  un autre (par exemple pour transférer des musiques sur votre baladeur, vous ne pourrez plus regarder un DVD sur votre ordinateur Linux, vous ne pourrez plus écouter nos radios avec vos players gratuits etc.…)

En ce qui concerne les webradios, si cette loi passe, les webradios devront diffuser leurs programmes en les codant avec les DRM (Digital Rights Management). Ce qui nécessitera le financement de logiciels propriétaires (Windows Media de Microsoft par exemple…) compatibles avec ce système de codage par ceux qui souhaiteront diffuser leurs médias. Non seulement la plupart de nos webradios françaises ne pourront pas acheter ces licences, mais elle seront contraintes d'abandonner leurs serveurs de streams actuels (sous Shoutcast par exemple) pour utiliser des serveurs fonctionnant également sous ces logiciels propriétaires ce qui va évidemment accroître considérablement le prix du slot.

Nos auditeurs devront eux, être équipés de lecteurs compatibles les privant ainsi du droit de choisir leur player et implicitement leurs systèmes d'exploitation.

Les artistes sont directement concernés. Quand je parle d'artistes je parle bien entendu des nouveaux talents, des autoproduits, pas de la minorité d'artistes protégés par le système auquel ils appartiennent le temps de quelques exercices comptables.

Les artistes autoproduits longtemps réduits au silence médiatique avaient trouvé en nos webradios le moyen de s'exprimer, de faire découvrir leur musique, et d'enfin la possibilité de séduire un large public. La plupart des webradios françaises donnent la parole et consacrent une très large place d'antenne à  ces artistes, chacune en fonction de son format musical, ainsi des centaines de compositeurs, auteurs, formations musicales de tous styles, de DJ ont pu se faire connaître. Où étaient-ils diffusés auparavant si ce n'est sur quelques très rares locales FM ? Où seront-ils diffusés si nos webradios venaient à  disparaître ? Sans compter que ces artistes seraient, dans le cas où ils sont sociétaires de la SACEM interdits de publier leur propre musique sur leurs propres sites internet. On a vu le cas d'artistes devant payer la SACEM pour diffuser leurs propres ŠÂ“uvres. Est-ce ça la défense des artistes, des droits d'auteurs et des droits voisins que propose cette loi ?

Webradioactu : Que peuvent faire les webradios face à  cette menace ?

Mallis : Comme toujours dans ce genre d'affaire c'est le pot de terre contre le pot de fer. Les webradios s'organisent pour, dans un premier temps mobiliser un maximum de gens, et faire un maximum d'écho à  ce projet de loi, qui rappelons-le (car c'est déjà  un scandale) sera voté en pleine période de Noël la nuit ! Nous avons lancé une pétition sur Webradios-France qui a déjà  été signée par plus de 5000 personnes (pointage du 29 novembre à  20H00) que nous remercions chaleureusement au nom de tous. Mais cela n'est pas suffisant même si ce chiffre est très encourageant.

Nous (les webradios) sommes actuellement à  la recherche d'un maximum d'informations sur nos droits, sur les recours possibles, sur les origines de ce projet et ses buts cachés, nous recherchons des soutiens de la part des artistes (toutes disciplines confondues), des mélomanes, des auditeurs, etc

J'en profite d'ailleurs pour remercier l'équipe des Audionautes pour leur aide, leur soutien ainsi que Tariq KRIM, Président de la commission des nouveaux usages du GESTE et éditeur de GénérationMp3 qui avait déjà  abordé ce sujet dans une tribune dans le quotidien Libé à  lire ici il y a deux ans en septembre 2003, et qui m'a éclairé sur le sujet grâce à  son abondante documentation.

Il faut bien comprendre que TOUT LE MONDE est concerné très directement par cette loi.

Webradioactu : Comment ont réagis les webradios à  l'appel de ce collectif ?

Mallis : Nous avons été très agréablement surpris par la rapidité avec laquelle une majorité de webradios ont répondu présent au premier mail lancé par Anthony de CNR, c'est d'ailleurs à  la suite de ce "succès" que nous avons décidé Anthony et moi de monter rapidement un site internet avec forum et de lancer une pétition sous l'enseigne de Webradios-France " tous unis contre les DRM.

D'autres radios n'ont pas encore répondu, d'autres se documentent (j'espère que mes propos les éclaireront), réfléchissent à  leur attitude face à  cette attaque, elles pourront nous rejoindre ultérieurement. Le message que je tiens à  faire passer au sujet de Webradios-France est le suivant :

Webradios-France est un collectif, une sorte de pacte de solidarité dont le seul but est de lutter contre ces DRM.

Pour l'instant cette entité n'a pas d'existence juridique, elle nous permet de parler entre nous et de décider d'une stratégie de riposte.La seule chose que nous demandons à  ceux qui nous ont rejoint c'est de faire abstraction de toutes ces petites querelles inter webradios qui pourrissaient la communication entre nos médias. Je dois dire que pour le moment les discussions se passent plutôt bien et que chacun respecte cette demande.

Webradioactu : Si cette loi est votée, d'autres actions sont-elles envisagées par le collectif "anti-DRM" ?

Mallis : Si cette loi est votée je pense que beaucoup d'entre nous seront abasourdis. Si cette loi est votée, en ce qui me concerne (la grosse radio) je pense que je ferais le tour de mes collaborateurs en leur laissant le choix d'abandonner ou de continuer. Je sais déjà  que moi je continuerai, et je sais aussi que des gens fidèles autour de moi continueront. Ce qui me fait le plus peur ce n'est pas de perdre ma radio, le médias webradio est jeune et fragile pratiquement pas reconnu par les autorités, nous savons bien que des aménagements sont nécessaires et que certains (peut-être nous) y laisseront leur bébé radio, non ce qui m'inquiète c'est l'incroyable dérive liberticide dont nous sommes actuellement les témoins.

Aujourd'hui la liberté d'expression est énormément moins grande qu'il y a quelques années. Ecoutez les comiques, les parodies, les animateurs de radios (et pire de télés), les caricaturistes, d'aujourd'hui et écoutez des enregistrements plus anciens vous verrez la différence est énorme. D'un côté on met à  la disposition des moyens de communications fabuleux et de l'autre on tente de bâillonner tous ceux qui tenteraient de s'en servir. Cela me rappelle les années 80 pendant lesquelles il était possible d'acheter des émetteurs/récepteurs de CB (cibi !) avec la mention qu'il était interdit de s'en servir !

Pour revenir à  votre question sur les actions envisagées, oui bien sûr que nous continuerons à  nous battre avec ceux qui le souhaiteront même après que cette loi passe, si elle passe. Nous n'en sommes pas là , et ces décisions devront être prises en privé pour être efficace, mais nous avons de la ressource.

Ce combat dépasse largement le cadre des DRM ou de la défense de nos webradios, c'est un combat pour rappeler le droit à  la liberté d'expression tout en restant conscients de nos devoir vis-à -vis des droits d'auteurs.

Webradioactu : Quel message adressez-vous aujourd'hui au gouvernement ?

Mallis : Je lui adresse le message suivant :

Le gouvernement est censé représenter tous les citoyens. Quand une question se pose il a le devoir d'écouter tous les acteurs susceptibles d'avoir un rôle dans la cause étudiée et certainement pas d'imposer des lois par des systèmes sommes toutes assez peu démocratiques.

Quand on parle de liberté d'expression, d'art, de médias, de musique, de poèmes, de talents on devrait plus écouter ceux qui en font leur promotion par passion que par spéculation financière et écouter ceux qui produisent ces ŠÂ“uvres.

Il est effectivement souhaitable de protéger les droits d'auteurs et les droits voisins, mais certainement pas en réduisant au silence des centaines d'artistes pour protéger les droits reconnus de quelques dizaines d'autres. C'est une aberration.

Si l'industrie de la musique (merci de noter l'élégance de ce terme au passage) va mal, c'est peut-être aussi que de nombreux choix fait par les majors n'ont pas été très judicieux. Les dizaines de rééditions d'ŠÂ“uvres, les compilations, l'appauvrissement du répertoire par le fléau des tubes " one shot ", l'évincement de grands artistes français de leur maison de disque pour cause de non rentabilité, le refus des médias FM de laisser la place qu'ils méritent aux artistes indépendants, sont, de mon point de vue autant de causes du malaise actuel, des causes bien plus préoccupantes que le problème des copies illégales. L'art doit circuler. Il y certainement une solution possible qui intègrerait TOUS ces paramètres et permettrait à  tous les acteurs de cohabiter en harmonie.

Les majors ont raté le virage technologique d'internet, elles en veulent aujourd'hui à  ceux qui s'en sont emparés, elles ont peur du partage du gâteau. Mon message est le suivant, nous ne voulons pas de ce gâteau, nous voulons continuer le travail qu'elles ne font plus depuis bien longtemps, celui de la promotion du talent motivé par la passion. Les webradios coûtent de l'argent à  ceux qui les fabriquent, n'est-ce pas là  un gage de sincérité des opérateurs de webradios quand à  leurs buts et motivations ?

Nous lui demandons l'abandon pur et simple de ce projet de loi tel qu'il existe actuellement, et l'organisation d'une grande table ronde avec TOUS les acteurs concernés afin de travailler à  l'élaboration d'un projet de loi respectant les libertés de tous à  promouvoir son art.

Webradioactu : Les webradios peuvent-elles encore vous rejoindre ?

Mallis : Absolument c'est même ce que nous souhaitons, certaines webradios nous ont d'ailleurs dit qu'elles étaient en période de réflexion. L'union fait la force et cette loi nous oblige à  un rapport de force avec ceux qui tentent de l'imposer.

Webradioactu : Une action ou réunion entre webradios est-elle prévue ?

Mallis : Pour le moment en ce qui concerne Webradios-France il n'y a pas de réunion de prévue, mais je sais qu'une réunion de travail en vue de la création d'un syndicat est prévue pour le 17 décembre par un autre groupe de travail, j'y serai et j'engage les dirigeants de webradios à  s'y rendre.

Je termine avec de sincères remerciements à  Webradioactu de nous avoir laissé la parole après un silence de quelques jours sur ce sujet, silence qui nous a pas mal inquiété. Pouvoir s'exprimer librement est une chance, si cette loi passe, probablement qu'un site comme Webradioactu sera menacé, ne serait-ce que par la disparition de la majorité des médias dont il parle. Bougez-vous tous, le 23 décembre prochain il sera trop tard.

MallisPrésident de la Grosse Radio

Le site de Webradios France

Accès à  la pétition

Kit " Anti DRM " pour sites internet et antennes de radio (bannières, spot audio, visuel, etc)

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