Lofofora – Monstre ordinaire

Faut avouer que, sans pour autant aller jusqu’à tirer la sonnette d’alarme, on n’était pas super rassurés par le peu de nouvelles du groupe. Des albums en demi-teinte, le départ de Pierre Belleville, sans doute le meilleur batteur que le groupe ait connu, Reuno qui semble s’éclater comme un gosse dans Mudweiser… Bon et Lofo dans tout ça ? Heureusement, après avoir rechargé les accus, le quartet s’est remis en selle et nous revient aujourd’hui avec son 7e album au titre sans équivoque, Monstre Ordinaire. Outre que ça fait plaisir de retrouver les vétérans de la scène fusion française, il reste à voir à quelle sauce le groupe s’est décidé à nous manger. Les choses qui nous dérangent, qui laissait tous ceux que le punk laisse froid de côté,  Mémoires de singes, peu affûté, qui faisait triste mine malgré quelques morceaux de bravoure, et surtout miné par un son bien trop propre et clinique, n’avaient pas fait l’unanimité. Alors, les Lofo ont-ils profité de cette pause pour revenir avec une patate à tout casser ?
 

Lofofora Monstre ordinaire sortie le 24 novembre 2011


Première constatation, le son est bon. Limite Motorhead par moments, et annonciateur du ton de l’album. La basse est de retour en force dans le mix, la voix de Reuno est bien plus naturelle, et Vincent Hernault s’avère être une excellente recrue à la batterie. « Utopiste » est un gros pavé dans la mare, intense mais aussi mélodique, à l’image d’un final étonnant de finesse. Comme si Lofofora avait retrouvé son atout le plus efficace, ses tripes. Aucun calcul dans un titre comme ça, juste une envie retrouvée. La partie est jouée dès « Les évadés ». Entre retour aux racines et nouvelles sonorités, ce Monstre ordinaire a tout ce qu’il faut pour réconcilier les amateurs des différentes facettes de Lofofora. Pourtant, n’allez pas croire que l’album est une simple synthèse de ce que le gang a proposé jusqu’à maintenant.

Alors qu’il se contentait d’appliquer une recette bien huilée sur Mémoires de Singes, le quartet s’est lâché. Outre le retour de Phil dans le mix, Daniel n’hésite pas à amener de nouvelles couleurs. Reuno a-t il converti ses partenaires au stoner ? Le hip-hop et le hardcore sont en tout cas aux abonnés absents de ce nouvel album, le punk en net retrait, au profit du rock gras en tous genres. Cela se ressent notamment dans le chant, au débit moins rapide, qui prend le temps de poser ses mots. Aussi les premières écoutes sont-elles un peu déconcertantes. Mais une fois la surprise passée, difficile de résister à autant de conviction et d’envie. Ecoutez un peu « Les Conquérants » pour vous en convaincre, qui porte fièrement son titre, si c’est pas du bonheur ça, un couplet sur des roulements de batterie avant d’accélérer le tempo en même temps que les paroles se font plus incisives... On est loin des conneries à base de dragons (pas le style de la maison), pourtant rarement la musique de Lofo aura-t elle aussi épique, avec un paquet de gros refrains soutenus par des guitares d’airain. S'ils reviennent, c'est visiblement pas pour répéter les mêmes (petites) erreurs.
 

Lofofora Monstre ordinaire line-up du groupe Reuno


On retrouve avec bonheur un aspect plus mélodique de Lofofora, que le groupe avait exploité un peu maladroitement ces derniers temps. « Ma Folie » aurait-il pu figurer sur un album du combo ces dernières années, ou se serait-il vu écarter du tracklisting final ? On s’en fout vous me direz. Mais quel pied de retrouver la voix claire de Reuno sur cet énorme refrain avec la gratte en lead de Daniel et la grosse basse de Phil qui nous avait bien manqué. Quel plaisir que cette alternance de tempos sur « Cannibales » avec un couplet qui monte en puissance pour aboutir à un refrain une fois de plus fédérateur et efficace. En retrouvant une noirceur indéniable (« Un Mec sans histoires »), ce qui passe aussi par des tempos lourds et malsains (« Frustrasong »), Lofofora s’appuie sur ses acquis, ajoute quelques cordes à son arc, crache ses tripes sans chercher (inconsciemment) à remplir un quelconque cahier des charges et, ce faisant, convainc comme il ne l’avait plus fait depuis Le Fond et la Forme. Faut croire que vivre en Sarkosie leur ont donné de l’inspiration. Comme le disait Al Jourgensen (Ministry), pour les groupes contestataires, l’inspiration revient à mesure que l’environnement social se dégrade.

Et si vous commencez à vous ennuyer, une bonne petite douceur comme « La Merde en tube », qui crache sur la cécité (ou l'abrutissement) des masses, sera là pour vous dérider, agressif de bout en bout et qui fera sûrement un malheur lors des prochains concerts. Le revers de la médaille, c’est que ce côté brut de décoffrage se fait au détriment du peaufinage qu’on avait sur Dur comme fer et Le Fond et la Forme, sans doute les opus les plus aboutis proposés jusque là. Reuno est toujours un parolier de talent, mais ses textes, bien qu'efficaces et toujours agréables à entendre, ne sont pas aussi virtuoses qu’ils ont pu l’être. Le son de batterie aurait pu être plus puissant, plus clair, mais il s’agit sans doute aussi d’un parti pris pour aboutir à un rendu plus organique typique des influences rock lourd développées sur ce 7e opus, autant qu’une réaction à ce son si froid qui ne nous avait pas aidé à apprécier Mémoires de singes. Certains arrangements auraient pu être plus aboutis, plus ceci, plus cela, blablabla… Mais est-ce réellement important ? L’essentiel est de retrouver Lofo vivant, en forme, avec un excellent album sous le bras et visiblement prêt à en découdre. Pas de doute, les retrouvailles font déjà plaisir, et dans la fosse, elles feront mal. Vive le feu !
 

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NOTE DE L'AUTEUR : 8 / 10



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